Venom


Tandis que Spidey fait sa vie chez Marvel contre le Vautour et bientôt Mysterio, Sony sort de son placard à licences son grand ennemi Venom. Super vilain parmi les plus appréciés des fans de comics, ce long-métrage rend-il justice à l’illustre baveux ?

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Venom le Hardy

L’univers cinématographique du célèbre tisseur rouge n’est pas simple. Sony détient les droits exclusifs d’exploitation de tous les personnages, gentils ou méchants de l’univers de Peter Parker, dont il se sert avec plus ou moins de talent. Alors en pleine production du deuxième opus de son reboot Amazing Spider-Man mené par le réalisateur au nom prophétique Marc Webb, Sony comptait bien miser sur sa poule aux œufs d’or et créer un univers cinématographique autour de Spiderman. Il annonçait alors en grande pompe un film sur les Sinister 6, fameux regroupement de super vilains (l’anti-Avengers), un projet exploitant un personnage féminin (très probablement la Chatte Noire), mais surtout le plus attendu : l’apparition de Venom. Malheureusement l’insuccès critique et public de Amazing Spiderman : Le Destin d’un héros (2014) forcera Sony à abandonner ses grandes idées d’univers partagé, et Marvel en profitera alors pour lui faire du pied, en lui proposant d’ajouter l’Araignée à son Marvel Cinematic Universe pour lui offrir un Homecoming. Sony accepte de laisser Marvel exploiter son personnage, pour pouvoir jouer de l’exposition que ça lui procurera, et lancer ses propres films par la suite. C’est de cet état de fait qu’il relance le projet Venom (Ruben Fleischer, 2018), en s’entourant assez tôt de Tom Hardy.

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Celui-ci y incarne Eddy Brock, journaliste de terrain très engagé, débusquant le scandale partout où il se cache, fustigeant les grands escrocs, ou les gouvernements qui laissent mourir des enfants. Son engagement se traduit par une tendance au harcèlement, la provocation et l’agressivité envers les « cibles » de ses enquêtes. Véritable version masculine d’Elise Lucet, il n’en est pas moins blindé d’arrogance, ne pouvant s’empêcher de lancer quelques vannes bien (mal) senties à toutes les personnes à qui il s’adresse. Vous l’aurez compris, dès les dix premières minutes on se confronte au problème majeur : le héros est tout bonnement insupportable. Comment alors peut-on embrasser ses enjeux et s’attacher à lui ? Sa femme se le demande également, et après trente minutes d’exposition d’un amour sans faille, finit par le quitter, car celui-ci a pris en grippe son patron. Ce dernier d’ailleurs, incarné par Riz Ahmed, ne manquera pas d’utiliser une seule seconde d’apparition pour nous expliquer en quoi il est très très méchant, et qu’il n’aime pas les humains. Le premier tiers du réci sera alors savamment découpé entre Eddy Brock occupé à provoquer tout le monde tout en regrettant le départ de sa femme pour un beau et jeune médecin, et l’infâme capitaliste sans âme et sans cœur qui méprise son prochain, n’hésite pas à le sacrifier, et égorge certainement des chatons mignons en rentrant chez lui. A bien des égards Venom ne fait pas du tout dans l’originalité… ou presque !

Car pourtant l’objet n’est pas dénué d’idées intéressantes autour du personnage du symbiote. Les scènes d’expériences du capitaliste très très méchant sur les symbiotes parviennent sporadiquement à piocher dans le film d’horreur avec succès. La mise en scène, sans pour autant être ingénieuse, se révèle efficace et arrive à nous faire craindre ces créatures extra-terrestres voire nous faire dresser quelques poils. Le choix de l’influence horrifique est tout à fait approprié au matériau de base des comics : Venom est une créature informe, terrifiante, et d’une extrême violence dans la destruction. En ce sens il peut être tout à fait comparable au  Xénomorphe de Alien, Le Huitième Passager (Ridley Scott,1979). Mais disons toutefois la vérité, non, Venom n’est pas un film d’horreur. L’horreur se limite à ces quelques scènes d’expérimentations, sans jamais être exploitées à fond, comme si l’intention était brutalement coupée dans son élan. Le personnage de Venom initialement vendu comme une créature voulant détruire l’humanité (il le dit lui-même), se révèle être une sorte de good guy, plus terrifiant pour les malfrats que pour toute l’humanité. Bien qu’il s’éloigne en cela du caractère de son personnage des comics, cela peut ne pas être un problème, si tant est que le parti pris soit assumé. Un Venom gentil ? Pourquoi pas, à condition qu’un tel revirement ne soit pas aussi mal exécuté.

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Et à ce sujet, Ruben Fleischer tente une pirouette osé, celle du buddy movie. Là encore le matériau de base peut aisément s’y prêter : le symbiote Venom ne pouvant survivre qu’en investissant le corps d’Eddy Brock, une coopération entre les deux êtres se met naturellement en place. Le réalisateur saupoudre son métrage de quelques scènes de camaraderie qui ont pour intérêt d’appuyer l’antagonisme des deux caractères tout en se jouant des situations humoristiques qui peuvent en découler. Il en ira même jusqu’à faire un élément central du film, en justifiant l’attachement que développe le symbiote pour son hôte humain. Malheureusement cette entreprise échoue par le fait qu’à aucun moment on ne s’attache au personnage d’Eddy Brock, alors comment envisager qu’une créature sanguinaire et meurtrière telle que Venom le fasse ? Les dialogues entre les deux sont alors autant de blagues et de concours de puissance, le comique de situation ne fonctionne pas et à aucun moment on éprouve une quelconque empathie pour cet improbable duo.

Au-delà de quelques embryons d’idées qui auraient pu se révéler payantes si on leur avait vraiment donné une chance, Venom est un produit très calibré qui ne prend aucun risque. Un temps envisagé comme Rated R (interdit aux mineurs non accompagnés aux US), le producteur lui préférera le choix du tout public, allant à l’opposé du caractère de son personnage. La raison officieuse en serait le désir de Sony de voir son symbiote lui aussi intégrer, à terme, le Marvel Cinematic Universe, dont les portes lui seraient certainement fermées s’il était un peu trop violent. Mené par une écriture assez pauvre, enchaînant les clichés, il ne se trouvera au final même pas au niveau de la plus mauvaise des productions Marvel.


A propos de Benoit Dechaumont

Etudiant à la Fémis dans le Département Exploitation, Benoît travaille pour porter un jour les séries dans les salles de cinéma. En parallèle, il écrit sur ce qu’il voit sur petit et grand écran avec une préférence pour les histoires de voyage dans le temps. D’ailleurs il attend que son pouvoir se développe pour devenir l’intrépide Captain Hourglass. Ses spécialités sont les thrillers, les films de super-héros et la filmographie de Brian De Palma.

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