Deuxième long-métrage de Marc Rocco, après Break Out (Marc Rocco, 1992), Meurtre à Alcatraz sera également le dernier de la courte filmographie du réalisateur américain. S’inspirant d’une histoire vraie, le spectateur est plongé dans un récit de tribunal où les acteurs Kevin Bacon et Christian Slater affrontent Gary Oldman et William H. Macy dans une joute verbale poignante. Mesdames et messieurs, la séance est ouverte !
L’avocat ne renonce jamais.
En 1939, Henri Young tente de s’échapper de la célèbre prison Alcatraz, avec deux autres détenus dont un qu’il tuera à l’aide d’une cuillère un an plus tard, il sera alors jugé pour son acte. Meurtre à Alcatraz narre cette période de procès, où l’on suit le prisonnier et son avocat cherchant la faille qui le fera échapper à la peine de mort. Il est difficile pour une œuvre de porter le fardeau de la terrible vérité de l’Histoire, ne sachant jamais s’il faut s’en éloigner à tout prix, ou bien, au contraire, sans rapprocher le plus exactement possible, cherchant un mimétisme souvent trop proche de la simple fiche Wikipédia…Meurtre à Alcatraz n’échappe pas à la question, et y répond de manière presque schizophrène, tant sa réponse est double. Dans un premier temps, il est dommage, voire douloureux, de constater que l’académisme est de rigueur du début à la fin du long-métrage, avec presque un aspect à la New-York, Police Judiciaire (Dick Wolf, 1990-2010) dans la façon d’amener aux spectateurs les informations par le biais de cartons. Le long-métrage cherche à « apprendre » au spectateur et non à « raconter ». Dès lors, sa fonction d’œuvre cinématographique en pâtit au profit d’une fausse volonté documentaire, allant même jusqu’à mentir dans ses cartons de fin. Ici, nous allons aborder un sujet douloureux pour l’auteur de ses lignes, un sujet qui l’énerve comme jamais, un combat mené depuis des années contre cette infamie que sont les cartons explicatifs dans les longs-métrages. Les cartons explicatifs, petites choses assez vaines et inoffensives me direz-vous, représentent le mal dans le monde cinématographique qui se base sur des faits réels. Un long-métrage est un point de vue, et possède une volonté de narrer, ou non, des éléments narratifs. Or, si certains éléments n’ont pas leur place dans le récit du long-métrage : à quoi bon vouloir à tout prix les casser les uns après les autres dans des cartons explicatifs – souvent à la fin du film, et en faisant, techniquement parlant, le dernier plan dudit film. C’est énervant. Meurtre à Alcatraz traverse une frontière dangereuse où ces cartons inventent une fin romancée à outrance, où le personnage de Henri Young se suicide et écrit le mot « Victoire » dans sa cellule. Que nenni, l’Histoire est toute autre – il vivra assez longtemps pour être relâché en liberté conditionnelle et disparaître aux yeux de tous. Alors oui, un long-métrage a tout à fait le droit de romancer l’Histoire pour le bien de sa propre narration, mais avouez que l’utilisation de cartons pour arriver à ses fins est quelque peu lâche et mensongère. Non ? Bref. Cet académisme et cette volonté de manipuler le spectateur, par des éléments assimilés à une certaine vérité, ne font pas de Meurtre à Alcatraz une réussite. Celle-ci se trouve ailleurs, et il faut quitter Alcatraz pour faire sa connaissance.
L’atout majeur, et sûrement seul intérêt de l’objet, prend place durant les séquences de procès. On le sait, depuis 12 hommes en colère (Sidney Lumet, 1957) notamment, les séquences de tribunal ont ce je-ne-sais-quoi de galvanisant et d’entrainant, presque de manière systématique. Les joutes verbales entre les deux avocats, incarnés par Christian Slater et William H. Macy, sont revigorantes et offrent (enfin) un dynamisme à ce Meurtre à Alcatraz. En réalité, le réel antagoniste du long-métrage est l’avocat en face de Kevin Bacon et Christian Slater, et non le directeur de prison maltraitant ses détenus et interprété par un Gary Oldman sous-exploité comme jamais. Tout se joue dans la salle du tribunal donc, et non dans la prison, où l’on peut tout de même retenir les quelques échanges seul à seul entre Henri Young et son avocat, l’alchimie entre Kevin Bacon et Christian Slater fonctionnant très bien. Durant ces moments, l’écriture de Dan Gordon et la réalisation de Marc Rocco trouvent une certaine aura, et surtout un but, où la violence ne passe pas tant par le physique, mais davantage par les mots. C’est également dans ces séquences que le jeu d’interprétation de Kevin Bacon est au summum, puisant sa force dans les non-dits, les silences et les regards fuyants. On sent cette volonté de Meurtre à Alcatraz d’être un film d’acteur, de performances bonnes pour la saison des récompenses. Peut-être à trop le vouloir, le long-métrage n’atteint jamais son but, forçant les choses plutôt que de les laisser venir naturellement. De tout cela, il n’en restera qu’une production, assez typique des années 1990 où de jeunes stars du cinéma Hollywoodien se cherchent dans des rôles à récompenses, sur fond d’histoire vraie. L’histoire du cinéma, quant à elle, ne retiendra pas Meurtre à Alcatraz, et restera une production, bien que pas déplaisante à regarder, assez vaine. Et la sentence est irrévocable, comme dirait Denis.
Du côté de l’édition offerte par StudioCanal, seul le minimum syndical est présent. Alors oui, cette édition Blu-Ray, après une édition DVD vieillissante, offre une nouvelle vie non-négligeable à l’œuvre, mais ne s’impose pas non plus comme un bijou de restauration. Il est également surprenant de n’avoir aucun bonus sur une édition comme celle-ci, le long-métrage étant la seule chose à y découvrir. C’est déjà pas mal, me direz-vous, mais cela reste bien pauvre lorsque les éditions voisines foisonnent de contenus tous plus variés les uns que les autres. Au final, est-ce que la plus grosse injustice de Meurtre à Alcatraz ne serait pas son édition ? Libre à vous d’en juger. On vous laisse délibérer.