Only murders in the building, qui a réussi à remettre le cosy crime au goût du jour, en est déjà à sa quatrième saison. Le trio composé de Steve Martin, Martin Short et Selena Gomez se retrouve à résoudre un nouveau meurtre, tout en travaillant sur la production d’un film inspiré de leur podcast. Après trois saisons réussies, le plaisir est-il encore au rendez-vous ?
L’assassin habite à l’Arconia
Avant de devenir la série à succès que l’on connaît aujourd’hui, Only Murders in the Building (Steve Martin, John Hoffman, 2021 – en cours), disponible sur Disney+, prend naissance dans l’imagination de Steve Martin. Il envisage initialement un trio de personnes âgées, réunies par leur passion pour les récits de true crimes qui, en raison de leur âge, décident de se limiter aux crimes survenant dans leur immeuble. Martin s’allie ensuite à John Hoffman pour donner naissance à la série que l’on connaît aujourd’hui, le trio est toujours présent, mais il se compose désormais d’un duo de senior et d’une femme plus jeune, en l’occurrence Selena Gomez. Une différence d’âge majeure et étonnante dans ce genre de projet et qui n’est pas sans rappeler l’écart d’âge et l’amitié quasiment inexplicable entre Marty McFly et Doc dans Retour vers le futur (Robert Zemeckis, 1985).
Contre toute attente le trio fonctionne à merveille là où l’alchimie indéniable et visiblement intemporelle entre Martin Short et Steve Martin aurait pu exclure Selena Gomez, les deux comédiens ayant l’intelligence de lui laisser suffisamment de place pour ne pas faire d’elle un simple faire-valoir. Autre réussite majeure, le ton de la série, qui ne laisse jamais l’humour empiéter sur les enjeux policiers du récit, les scénaristes tenant autant à écrire des blagues qu’à proposer des mystères réjouissants à résoudre. Enfin la série réussit l’exploit de ne jamais sombrer dans le passéisme : l’âge du duo de septuagénaire est un ressort comique récurrent mais c’est surtout une opportunité pour Martin et Short de se moquer d’eux-mêmes. Le trio ne serait rien d’ailleurs sans le quatrième personnage principal de la série, l’Arconia, dont les vues en extérieures sont issues d’un véritable hôtel new-yorkais, Le Belnord. A travers cet hôtel, la série déploie un sublime hommage à la ville et à ses habitants. Un hommage élégant, renforcé par le sublime et malicieux générique réalisé par Laura Perez qui cite autant Fenêtre sur cour avec James Stewart (Alfred Hitchcock, 1954) que le travail de l’auteur de bande dessinée Chris Ware.
Si la première saison est surtout un hommage à la Grosse Pomme, chaque saison suivante se déroule dans un univers différent, celui du monde des podcast pour la seconde, celui du music-hall pour la troisième et enfin la dernière qui cette fois-ci pose ses valises à Hollywood. Enfin pas tout à fait, car contrainte de la série oblige – celle de ne pas quitter l’immeuble – c’est surtout Hollywood qui se déplace à l’Arconia. La saison 3 avait déjà réalisé un grand coup niveau casting avec l’arrivée de Meryl Streep – fantastique comme toujours- cette nouvelle temporalité sort l’artillerie lourde niveau célébrités avec notamment Eva Longoria, Melissa McCarthy ou encore Zach Galifianakis. Et pour la première fois, la série souffre peut-être d’un trop plein de personnages, car en plus des comédiens qui incarnent leur propre rôle, tout un groupe d’autres résidents de l’hôtel fait son apparition, une idée superbe aussi puisqu’elle permet de donner un joli rôle au trop rare Griffin Dunne qui hérite d’un déchirant épisode flashback. C’est d’ailleurs dans ce type d’épisodes que la série excelle. Bien qu’ils servent parfois à révéler les motivations d’un tueur, les scénaristes les utilisent surtout pour raconter, avec une grande sensibilité, des trajectoires de vie uniques. Ces épisodes se démarquent souvent par leur originalité, comme l’épisode 7 de la première saison, quasiment entièrement en langue des signes, un moment audacieux et mémorable. Enfin, Only murders in the building rend hommage au cinéma d’une manière inattendue en mettant en lumière un métier souvent négligé : celui des cascadeurs. Cet hommage est porté par la formidable Jane Lynch incarnant l’ancienne doublure de Charles Savage. Ici, loin de ses rôles habituels de tyran, elle propose une interprétation pleine de subtilité et d’émotion, offrant une perspective touchante sur ce métier de l’ombre.
Malgré une légère overdose de personnages, cette quatrième saison réussit à créer des moments réjouissants, notamment lors d’une fantastique scène d’escalade, un hilarant moment de bravoure signé Steve Martin et Martin Short. Comme quoi, parfois c’est beau de vieillir.