Milk & Serial


Cet été, un found footage simplement diffusé sur YouTube a fait sensation. Réalisé par le duo derrière la chaîne de sketchs That’s a bad idea, Milk & serial a surpris son monde malgré l’étroitesse de son budget. Alors vraie réussite ou pétard mouillé ?

Curry Barker au volant de sa voiture, de nuit, regarde l'objectif avec un sourire de fou dans le film Milk & Serial.

© Tous Droits Réservés

Serial pranker

Un homme filmé par une webcam porte un masque souriant assez inquiétant dans le film Milk & Serial.

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Milk & serial (Curry Barker, 2024) est certes un long-métrage horrifique original mais il se place malgré tout dans une forme de continuité avec la série de sketchs existants sur la chaîne. En effet, Curry Barker a déjà proposé sur la chaîne du duo des courts métrages horrifiques. De plus, l’humour du duo formé par Curry Barker et Cooper Tomlinson fonctionne énormément sur le malaise et sur la personnalité parfois inquiétante de Barker, ce dernier prenant un malin plaisir à incarner -avec beaucoup de talent- des personnages malsains et notamment des tueurs en série là où Tomlinson campe le personnage sain avec qui le public pourra s’identifier. Dans Milk & serial, Barker et Tomlinson ne jouent pas leurs propres rôles, toutefois les protagonistes de leur film ont eux aussi une chaîne YouTube et sont également créateur de contenus à la seule différence qu’ils ne réalisent pas des sketchs mais des pranks.

Le récit s’ouvre donc sur la tentative de Seven, joué par Tomlinson, de piéger son associé Milk lors de sa fête d’anniversaire. Cette farce originelle biaisera ensuite la perception du réel qu’auront les personnages tout comme le spectateur : les personnages étant spécialisés dans l’art du prank, la véracité de chaque retournement de situation sera ainsi mise en doute, incertitude qui n’est pas sans rappeler l’excellent The Game (David Fincher, 1995). On assiste ainsi à une escalade de pièges où les rapports de forces qui régissent le duo s’inversent. Le fait que le récit mette en scène des créateurs de contenu sur Internet n’est pas un hasard et à travers cette lutte se joue surtout une guerre d’égo entre les deux personnages, l’un reprochant notamment à l’autre son manque de créativité. Aussi, le récit montre des personnages contraints de toujours proposer du contenu et également de pousser leurs pranks toujours plus loin pour ne pas lasser leur public. Des problématiques certainement chères au duo Tomlinson-Barker… C’est bien l’aspect introspectif de ce thriller qui lui permet de se démarquer car en ce qui concerne son exécution et sa soi-disant inventivité, la hype semble avoir pris le dessus.

L’un des arguments utilisé pour encenser Milk & Serial soulignait l’étroitesse de son budget. Il est vrai que le film a disposé d’un budget minime : 800 dollars en tout et pour tout et cela se voit. Found footage oblige, le long-métrage ne propose que des images issues de caméra de qualité moyenne et permet également de faire accepter au spectateur une certaine économie de moyens. Côté décors, l’action se déroule quasiment de manière exclusive dans un appartement. Il arrive que certains créateurs soient stimulés par la contrainte que représente un budget minime voire inexistant, et pour certains commentateurs c’est l’occasion de comparer certaines de ces réussites faites de presque rien avec d’autres productions bien plus onéreuses mais également bien plus convenues. Ici, le manque de budget n’a pas forcément amené le réalisateur de Milk & Serial à réinventer les codes du thriller. Si certaines surprises sont au rendez-vous, elles profitent surtout du jeu de Curry Barker, ce dernier oscillant avec brio entre humour et angoisse.

Deux jeunes hommes apeurés sur le sable, de nuit ; l'un d'eux a un revolver dans les mains qu'il dirige droit devant lui ; scène du film Milk & Serial.

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Milk & Serial est donc un honnête thriller qui maintient son doute avec efficacité en jouant notamment sur les ruptures de tons chères au duo Barker-Tomlinson. Néanmoins son buzz semble également provenir d’une forme de tolérance accordée aux projets sans le sou. Actuellement, le film a été vu par plus d’un million de personnes et Curry Barker a déjà commencé le tournage d’un nouveau projet d’horreur, pas un found footage cette fois-ci. Un film qui selon le réalisateur sera plus proche d’un de ses anciens courts-métrages horrifiques, The Chair qui culmine lui à plus de six millions de vues. Et si le futur de l’horreur était sur YouTube ?


A propos de Antoine Patrelle

D'abord occupé à dresser un inventaire exhaustif des adaptations de super-héros sur les écrans, Antoine préfère désormais ouvrir ses chakras à tout type d'images, pas forcément cinématographiques d'ailleurs, à condition qu'elles méritent commentaire et analyse. Toujours sans haine ni mauvaise foi.

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