Alors que la nouvelle plateforme Max rassemblant le catalogue de la Warner et celui de la chaîne HBO vient de poser ses valises en France, arrive avec elle comme produit d’appel House of the Dragon (Georges R.R Martin et Ryan Condal, 2019-en production) la seconde saison du spin-off de Game of Thrones (David Benioff et D.B Weiss, 2011-2019). Après une première temporalité bien accueillie dans l’ensemble, on attendait malgré tout de la saison 2 qu’elle puisse transformer l’essai et marcher dans les pas de son aînée.
En-jeu de pouvoir
19 mai 2019, date de diffusion du dernier épisode du mastodonte télévisuel qu’est Game of Thrones. Un final qui sera arrivé bien vite de l’avis du public de la série mais également de son diffuseur qui aurait bien aimé étendre le règne de sa série phare. Seulement les showrunners ne sont pas de cet avis et se hâtent de boucler leur série pour se consacrer à la trilogie Star Wars qu’on vient de leur promettre. Résultat, le final bâclé décevra le public et refroidira Disney qui préférera abandonner le projet de trilogie. Pour HBO, cependant, il n’est pas question de laisser tomber la licence Games of Thrones et pour ça rien de mieux qu’un spin-off. Il s’agira cette fois-ci d’un prequel, adaptation d’un autre livre de Georges R.R Martin Fire and blood qui narre la chute de la famille Targaryen. Cette fois-ci Martin apparaît en tant que co-créateur du show, accompagné par le scénariste Ryan Condal que Martin connaît depuis plusieurs années et qui a déjà travaillé sur des œuvres de fantasy.
Le récit se déroule ainsi 200 ans avant les événements de Game of Thrones, une temporalité que l’on pourrait qualifier de bâtarde, trop éloignée pour avoir un impact sur les événements que l’on connaît mais également trop proche pour s’en affranchir. La série souffre par ailleurs d’un problème d’enjeu propre malheureusement à de nombreux prequels. Difficile de surprendre son audience avec un dénouement connu, l’heure des twists cataclysmiques étant révolue. Dans son exécution ensuite, House of the Dragon a souffert dès sa première saison d’une chronologie confuse et hasardeuse durant une grosse moitié de son arc narratif, pour finalement arriver à ce que la série semblait véritablement nous promettre : un affrontement entre deux maisons pour le pouvoir et le face à face entre son duo d’actrices phare, Emma Darcy et Olivia Cooke. Là où Game of Thrones développait, comme son générique le racontait si bien, tout un univers avec de multiples familles et environnements, House of the Dragon raconte à nouveau une lutte de pouvoir mais au sein d’un environnement plus restreint comme une approche micro des enjeux de sa prédécesseuse. Dans sa seconde saison, après plusieurs épisodes qui semblent annoncer un affrontement sans merci entre les deux familles via des actes plus choquants les uns que les autres, la série a l’intelligence de ne pas jouer sur la surenchère du mauvais goût. Que ce soit au niveau du sexe ou du gore, il semble y avoir une volonté de ne plus devoir choquer pour choquer, et de s’affranchir quelque peu de l’image de marque de Game of Thrones et de son mythique diffuseur HBO. Non, la thématique de la série dans cette seconde saison se résume à une question : comment incarner le pouvoir ?
C’est à travers ce questionnement que House of the Dragon se révèle passionnante, là où son aînée a réglé cette question bien vite (voir la scène où les personnages de la série décident de qui va se retrouver sur le trône), ce prequel profite d’être libéré du flux des grands évènements pour travailler le cœur de ses thématiques et ce à travers de différents points de vue. Par exemple, l’escapade de Daemon dans un château hanté en ruine lui fera mesurer les limites de l’incarnation du pouvoir, ou comment réunir une armée dans des contrées éloignées et engluées dans d’anciennes inimitiés ? Ceci ne suffit toutefois pas pour transformer l’essai, car si les dernières minutes de cette saison sont enthousiasmantes et promettent une troisième saison pleine de batailles, difficile de ne pas se sentir à nouveau frustrés tant elle semble s’arrêter là où elle aurait dû commencer… Cette longue mise en place, bien qu’exécutée avec précision, aura déjà pu lasser son public. La faute surtout à un malentendu concernant les enjeux de la série, sur ce qu’elle prétend raconter et qu’elle ne préfère pas éclaircir. En espérant que la saison suivante s’affranchira de l’héritage peut être trop lourd à porter de Game of Thrones.