Didier


A l’occasion de l’actualité brûlante footballistique, on revient sur quelques films mêlant ballon rond et cinéma de genres. Et comment ne pas dire quelques mots sur Didier (1998), première réalisation d’Alain Chabat, auréolé du César du Meilleur Premier Film et première étape d’une filmographie réjouissante et familiale qui fait souvent la part belle au fantastique, comme ici, où un chien se retrouve transformé en homme.

Alain Chabat dévore un oreiller, tandis que les plumes volent autour de lui, dans le film Didier.

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Football Canin.

Si Chabat, Lauby et Farrugia ont déjà assuré l’écriture d’un long métrage – La cité de la peur (1994) – la réalisation de ce dernier avait été confiée à Alain Berbérian. Peu après le succès phénoménal du film, Claude Berri promet alors la réalisation d’un film à chacun des membres des Nuls. Dominique Farrugia réalisera Delphine 1 Yvan 0 (1996), Chantal Lauby quant à elle Laisse tes mains sur mes hanches (2003) et Chabat quant à lui, jette son dévolu sur un film au pitch insolite, celui d’un chien qui hérite d’un corps d’homme, d’abord pensé pour être un court-métrage, mais qui se transformera en long-métrage sur les conseils de Farrugia. Sur la simple promesse de ce pitch décalé, Claude Berri donna son feu vert et ainsi naquit Didier (1998). 

Jean-Pierre Bacri tente d'expliquer à Alain Chabat quelque chose avec une baguette de pain, en pleine rue ; scène de Didier.

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Concernant le ton du film, Chabat souhaite s’éloigner du style des ZAZ et se rapprocher de celui d’Un jour sans fin (Harold Ramis, 1993). Il décrit ainsi son film comme une comédie fantastique pour enfants. Un genre rare en France malgré le succès tout récent des Visiteurs (Jean-Marie Poiré, 1993). Pour faire accepter l’aspect fantastique de son récit aux spectateurs, Chabat ne s’embarrasse pas d’une quelconque explication rationnelle, Didier est simplement transformé en homme via une lumière bleue émanant du ciel. Même chose pour son retour à l’état (presque) normal à la fin du film, qui se produit justement lorsque le personnage joué par Jean-Pierre Bacri fait amende honorable de son comportement égoïste vis-à-vis de ses proches. Car c’est bien sur le terrain de la fable qu’évolue le film, où Bacri, bougon par excellence, n’aurait rien à envier au Scrooge de Dickens, personnage aigri, dont la vie est là-aussi transformée par le surgissement du fantastique. Si l’aspect fantastique fonctionne autant, c’est donc car Chabat a l’intelligence de ne pas s’embarrasser d’explications, pour le spectateur mais aussi pour ces personnages, en effet le personnage de Bacri comprend très rapidement que l’homme qu’il vient de trouver nu dans son salon est en réalité un chien. Grâce à cette idée, l’intrigue gagne en fluidité et évite de s’alourdir de réactions attendues. Cette simplicité s’exprime également dans la représentation du fantastique, pas de maquillages ou d’effets spéciaux tapageurs (mis à part une blague sur le morphing, effet rendu célèbre par Michael Jackson en 1991), le concept de Didier reposant entièrement sur le jeu canin d’Alain Chabat. A ce titre, l’une des plus belles scènes du film, montre en plan fixe, Bacri tentant d’apprendre à Didier comment utiliser correctement une fourchette. Une scène en grande partie improvisée mais qui tire le meilleur parti de la rencontre entre le pragmatisme de Bacri et la fantaisie de Chabat.

Alain Chabat en gardien de football, ballon dans les mains, fait face à un joueur du PSG qui tente de l'intimider, dans le film Didier.

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Pour étoffer son récit, Chabat, toujours sur les conseils de Farrugia, décide de placer son intrigue dans le milieu du foot qu’il connaît peu. Bacri incarne un agent de joueur en difficulté après avoir proposé plusieurs recrues décevantes à son club, sa chance tourne lors de sa rencontre avec Didier et lorsqu’il réalise son potentiel footballistique. Il décide ainsi de le faire passer pour un joueur étranger et de l’intégrer dans l’équipe. Un match contre le Paris Saint Germain fait ainsi office de point d’orgue du film, un climax tourné dans le Parc des Princes avec un vrai public ce qui constitue un véritable atout pour la crédibilité de la séquence. Pourtant, d’un point de vue de la représentation du football en tant que tel, cette scène s’amuse à faire un tacle glissé au réalisme : arrêt des fesses, tir zénithal du milieu du terrain et but libérateur marqué de la truffe. Dans cette séquence finale, qui alterne ainsi entre ces moments de bravoure et des commentaires décalés de la part du public ou des commentateurs, Chabat démontre sa capacité à gérer les différents tons humoristiques de son récit, jusqu’à sa joyeuse pirouette finale.


A propos de Antoine Patrelle

D'abord occupé à dresser un inventaire exhaustif des adaptations de super-héros sur les écrans, Antoine préfère désormais ouvrir ses chakras à tout type d'images, pas forcément cinématographiques d'ailleurs, à condition qu'elles méritent commentaire et analyse. Toujours sans haine ni mauvaise foi.

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