Psycho Goreman


Le festival Grindhouse Paradise s’est offert une petite parenthèse d’humour intergalactique en diffusant le canadien Psycho Goreman (Steven Kostanski, 2020). L’histoire tourne autour de Mimi, enfant fantasque accompagnée de son frère Luke, qui trouve dans son jardin une pierre magique capable de contrôler un extraterrestre cruel et sanguinaire… Ce scénario vous semble complètement infantile, digne des vieux dessins animés des années 80/90 ? C’est normal, c’est le but totalement assumé de ce long-métrage complètement psychédélique. Avec le gore en plus.

Une petite fille tout sourire lève son doigt devant elle comme pour mimer un pistolet, derrière elle suivent à sa droite un petit garçon brun, à sa gauche un monstre qui ressemble à la créature du lac ; scène du film Psycho Goreman.

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Go Go Psycho Goreman !

Désolé pour vous la génération Z mais vous allez devoir lire cet article tout en zieutant sur youtube les meilleures séries du Club Dorothée, car les références à la pop culture rétro vont fuser et il faudra être un sacré geek pour toutes les saisir. Même si l’histoire de Psycho Goreman (Steven Kostanski, 2020) se passe de nos jours, il se dégage un parfum de nostalgie à la vue de ces enfants qui jouent dehors à la balle au prisonnier sans être vissés sur leurs portables, inventant leurs propres règles complètement alambiquées et leur propre langage entre frères et sœurs. Il est vrai que nous sommes maintenant coutumiers de ce genre de productions qui opère un retour fantasmé sur l’enfance des années 80/90 – on vous invite d’ailleurs à lire notre article Hollywood doit-il arrêter de regarder dans le rétro ? et la grande popularité de la série Stranger Things (Matt et Ross Duffer, 2016) nous prouve bien qu’elles ont trouvé leur public. Le réalisateur du film, Steven Kostanski, appartient par ailleurs à cette génération qui a vécu cette enfance sans internet, et qui se contentait d’un peu d’imagination et de quelques jouets pour passer un bon week-end. Comme des milliers d’autres enfants, il a dû être biberonné à la culture manga et passer des dimanches matin entiers à regarder des épisodes de Ken le survivant (Buroson et Tetsuo Hara, 1984) et de Lucille embrasse-moi (Aishite Naito, 1983) en grignotant des céréales avec un taux de sucre bien trop élevé. L’enfant devenu adolescent, il s’intéresse à l’horreur et n’a donc surement pas dû être insensible à l’humour gore de Bad Taste (Peter Jackson, 1987) et consorts. C’est certainement à ce moment-là qu’a dû se produire une dangereuse fusion dans le cerveau de cet aspirant cinéaste, qui donnera des années plus tard naissance à la pépite boursoufflée qu’est Psycho Goreman.

Dans le film Psycho Goreman, la petite Mimi caresse un gentil monstre qui a l'air d'un cerveau avec juste deux grand yeux ronds.

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Il y a de tout et n’importe quoi dans Psycho Goreman. Le réalisateur mélange les genres constamment : de l’horreur, de la SF, un peu de comédie familiale et même de la comédie musicale. Cela engendre un décalage déconcertant, mais le spectateur finit rapidement par s’habituer à ce rythme effréné à la narration foutraque. Le film carbure à mille à l’heure, tout va si vite que l’on a à peine le temps d’apercevoir brièvement les créatures extraterrestres qui jalonnent le récit, toutes aussi extravagantes les unes que les autres. Ces bizarreries d’un autre monde sont le reflet de l’imagination débordante d’un réalisateur qui a fait ses armes dans le milieu des effets spéciaux. Ces aptitudes acquises lui permettent de créer des monstres prodigieux à moindre coût, rappelant furieusement les méchants des Power rangers (Haim Saban, 1993). Série phare de la culture sentai, dans laquelle on retrouvait dans chaque épisode de pauvres acteurs engoncés dans des déguisements lourds et encombrants, peinant à courir d’un air menaçant vers des héros multicolores. Soyons sincères, si les costumes des antagonistes des Power Rangers étaient vraiment cools, ils n’étaient, même pour des enfants, absolument pas effrayants. Il en est de même pour ce fameux Psycho Goreman, son physique impressionnant et musculeux de guerrier de l’espace est tourné en dérision par une enfant qui n’hésite pas à lui coller des lunettes ridicules entre les deux oreilles. En l’affublant d’un nouveau nom de son invention, il devient sa poupée vivante, sa propriété. En façonnant leur propre créature, Mimi et Luke écrivent finalement eux-mêmes leur propre épisode des Power rangers.

Mimi, Luke et le monstre Psycho Goreman, mi-homme mi-poisson-lézard, mangent tranquillement à la table d'un dinner dans le Psycho Goreman.

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Qui ne voudrait pas – même adulte, avouez-le – avoir un extraterrestre aux super pouvoirs destructeurs à sa botte ? En tout cas, pas la malicieuse petite Mimi incarnée par une époustouflante Nita Josee Hanna, criante de sincérité dans son jeu à la fois drôle et insupportable. On souhaiterait faire partie de son groupe d’amis, mais en même temps, on rêverait de pouvoir lui arracher ses couettes. C’est probablement plus ce dernier sentiment que ressent ce pauvre extraterrestre exilé sur notre planète. Voulant montrer sa toute-puissance, il lui arrive souvent au détour de quelques plans de relater tous ses faits horribles engendrés dans les autres galaxies… Dont on ne connaitra jamais l’aboutissement, se faisant toujours couper par une Mimi visiblement peu avide de récits de guerre lorgnant du côté du Seigneur des anneaux (Peter Jackson, 2001). Tel une version côté obscur de E.T L’Extraterrestre (Steven Spielberg, 1982) il fait tout pour appeler sa maison afin que ses congénères assoiffés de sang viennent le libérer. Ce sera une excellente excuse pour filmer des créatures en latex se castagner, tout en y adjoignant les effets gores du plus bel effet, qui manquaient cruellement à nos programmes de jeunesse. Ces effets spéciaux sont jouissifs pour tout spectateur adepte de l’horreur parodique, rappelant à son bon souvenir des productions comme Braindead (Peter Jackson, 1994) ou encore Evil Dead 2 (Sam Raimi, 1987).

Comme dans le film de Sam Raimi, ce qui ressort de la vision de Psycho Goreman est qu’il a dû être véritablement aussi fun à fabriquer qu’à regarder tant les acteurs semblent s’amuser comme des petits fous. L’actrice principale en premier lieu, mais tout autant ceux cachés sous des kilos de caoutchouc qui donnent tout ce qu’ils peuvent à l’écran pour faire ressortir au mieux leurs émotions. Mention spéciale tout de même à un acteur sans trucage, Adam Brooks – déjà présent dans un précédent effort du cinéaste, Manborg (2011) – qui joue le pire père du monde, entre encouragements malsains donnés à ses enfants et guéguerre infantile menée contre sa femme en l’honneur de la déesse flemme. Chaque punchline qu’il lance provoque irrévocablement des éclats de rire, créant des situations encore plus absurdes. Finalement, c’est probablement ce dernier mot qui caractérise le mieux ce long-métrage : pour l’apprécier, il faut accepter le fait que tout cela n’ait aucun sens et espérer que l’on retrouvera en bon état le cerveau préalablement posé avant la séance.


A propos de Charlotte Viala

Fille cachée et indigne de la famille Sawyer parce qu'elle a toujours refusé de manger ses tartines de pieds au petit déjeuner, elle a décidé de rejoindre la civilisation pour dévorer des films et participer le plus possible à la vie culturelle de sa ville en devenant bénévole pour différents festivals de cinéma. Fan absolue de slashers, elle réserve une place de choix dans sa collection de masques au visage de John Carpenter pour faire comme son grand frère adoré. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/riRbw

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