Shazam !


Deuxième super-héros à débarquer pour son propre long-métrage après l’abandon (ou pas, on sait plus trop en fait) de l’univers étendu de DC au cinéma, Shazam ! compte bien se démarquer du ton sombre de ses prédécesseurs. Faisant cette fois confiance à un réalisateur moins prestigieux que James Wan mais pas dénué de talent, voyons ce que nous propose le concurrent de Marvel.

                                            © Warner Bros

Shazam, ou ça zappe ?

Grâce un court métrage d’horreur très réussi, Lights out (disponible sur Youtube, je vous le recommande), David F. Sandberg se fait repérer, et est vite en charge d’adapter son travail en long-métrage avec Dans le Noir (2016). Si celui-ci souffre malheureusement des défauts des high-concepts plus adaptés aux courts qu’aux longs-métrages, il permettra à James Wan de poser son grappin sur le réalisateur pour lui confier la réalisation d’Annabelle 2 (2017). C’est donc tout comme pour James Wan, à un réalisateur porté sur l’horreur que DC confie son nouveau projet solo de super-héros.

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Shazam ! (2019) retrace les aventures du jeunes Billy Batson, orphelin de quatorze ans, enchaînant autant de familles d’accueil que de fugues. A la suite d’un acte de bravoure pour protéger un frère “d’adoption” membre de sa nouvelle famille, Billy fait la rencontre d’un vieux sorcier qui lui confère ses pouvoirs pour affronter l’incarnation vivante des sept péchés capitaux. En prononçant le nom du sorcier, “Shazam”, le jeune garçon se transformera en adulte super musclé en cape, prêt à botter des fesses à tout va. Sorte de Big (Penny Marshall, 1988) super-héroïque, le récit adopte le ton de la comédie et mise principalement sur le décalage de la mentalité de ce jeune de quatorze ans bloqué dans un corps d’adulte surpuissant. Et ça marche plutôt bien. Empruntant tous les codes du teen-movie, le film repose principalement sur le tandem Zachary Levi (connu pour son rôle dans la série Chuck notamment), et le jeune Jack Dylan Grazer, déja vu dans le remake de Ça (Andrés Muschietti, 2018). A force de gags potaches et de jeu avec les codes super-héroïques on s’attache rapidement au duo et on prend un malin plaisir à les voir évoluer. L’écriture des personnages secondaires est assez maîtrisée, et nous permet de les identifier sans pour autant les exposer de manière trop lourdingue. En cela, Shazam ! a tout d’un produit léger et divertissant, les gags font souvent mouche, et Zachary Levi brille vraiment par son jeu comique empruntant au burlesque autant qu’à un comique décalé qui évoque l’humour d’un Adam McKay. Le tout est agrémenté d’un montage au rythme très travaillé qui renforce le comique des scènes et des dialogues. Le réalisateur se permet même des décalages de tons assez bien sentis, comme ce sublime accident de voiture sous une musique classique apaisante, ou de la confrontation entre le sérieux absolu de l’antagoniste et le comique gaffeur du héros. Le tout est saupoudré d’idées farfelues de mise en scène comme on pouvait en trouver dans Ant-Man (Peyton Reed, 2015).

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Mais Shazam ! est aussi bourré de défauts, dont le principal est qu’il est écrit très certainement par un gosse de quatorze ans enfermé dans le corps d’un scénariste. L’antagoniste principal, Thaddeus Sivana, incarné par le toujours solide (mais jamais original) Mark Strong et à qui l’on dédie une scène d’intro de très belle facture, en est la première victime. Il semble n’avoir été ajouté à la narration que pour servir de faire-valoir à Shazam. Il accomplit son objectif principal au quart du film (tuer son père), et face à la vacuité promise de son avenir, maintenant qu’il ne sait plus quoi faire, une voix dans sa tête lui dira d’aller molester le héros. Mais un enjeu valable n’est pas le seul à briller par son absence, puisque la cohérence fait également défaut. Il semblerait par exemple que les pouvoirs de Shazam disparaissent à loisir, sinon comment expliquer qu’il utilise ses éclairs de manière comique pour recharger les téléphones des passants, mais qu’il ne les utilise jamais quand il se bat contre des ennemis, qui, visiblement ne craignent pas ses coups de poings ? Comment expliquer qu’un ennemi se change en fumée quand Shazam le frappe, mais que le super-héros perde cette capacité deux scènes plus loin sans aucune explication ? Le long-métrage n’en finit pas de faire des entorses aux règles qu’il édicte lui-même. Les pouvoirs de Shazam ne doivent jamais être utilisés pour la vengeance, et la première chose que le jeune Billy fait de ses pouvoirs ? Je vous le donne en mille : il se venge de ses bourreaux du lycée. A force de ne pas soigner sa narration, Shazam ! s’essouffle en dernière partie, et se dote d’un climax très peu excitant clairement la faute au manque d’enjeu qui entoure le personnage de Sivana. Sont présents également les défauts de Batman vs Superman (Zack Snyder, 2015), c’est-à-dire qu’on nous tease un affrontement entre deux personnages, dont au fond, on se moque un peu car on ne le comprend pas. Les objectifs des personnages sont tellement maigres qu’on a bien du mal à justifier tout ce qui se passe à l’écran alors que tout pourrait se résoudre en une poignée de main. Au final on ne peut que regretter que l’objet ait essayé de copier le modèle Marvel en mettant l’accent sur un ton plus comique alors qu’il se dotait d’un postulat de base simple mais prometteur, soit celui d’un ado de quatorze ans dans le corps d’un super-héros super badass. Le film échoue à vouloir trop en faire et nous rappelle qu’un certain James Gunn y était parvenu bien mieux, dans son simpliste mais bourré de qualités, Super ( 2011). 


A propos de Benoit Dechaumont

Etudiant à la Fémis dans le Département Exploitation, Benoît travaille pour porter un jour les séries dans les salles de cinéma. En parallèle, il écrit sur ce qu’il voit sur petit et grand écran avec une préférence pour les histoires de voyage dans le temps. D’ailleurs il attend que son pouvoir se développe pour devenir l’intrépide Captain Hourglass. Ses spécialités sont les thrillers, les films de super-héros et la filmographie de Brian De Palma.

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