Close Encounters with Vilmos Zsigmond


Consacré à un chef-opérateur de légende, le documentaire Close Encounters with Vilmos Zsigmond (Pierre Filmon, 2016) s’offre enfin une sortie vidéo sous la houlette de Tamasa Distribution. 

© Fast Prod – Lost Films

Mettre en lumière

© Fast Prod – Lost Films

Sa disparition en 2016 à l’âge de 85 ans, avait attristé bons nombres de cinéphiles – et tout particulièrement ceux adeptes d’un cinéma qui fait pas genre – Vilmos Zsigmond étant l’un des plus grands chefs-opérateurs de sa génération. Cet Hongrois de naissance avait commencé sa carrière à Hollywood en photographiant une trentaine de films de série B destinés aux drive-in parmi lesquels The Sadist (James Landis, 1963) – l’un des films de chevet d’un certain Joe Dante – ou d’autres réjouissances telles que The Time Travelers (Ib Melchior, 1964), Blood of Ghastly Horror (Al Adamson, 1967) ou Hot Rod Action (Gene McCabe, 1969) avant de s’imposer comme l’un des chefs-opérateurs les plus iconoclastes, novateurs et doués de sa génération en signant l’image du chef-d’oeuvre John McCabe (Robert Altman, 1971). Sa façon atypique d’éclairer les visages et l’audace avec laquelle il s’exécute dans les séquences en basse lumière et des configurations parfois minimale, l’impose vite aux yeux des réalisateurs du nouvel Hollywood comme l’un des directeurs de la photographie essentiel. C’est ainsi qu’il enchaîne avec un autre western, L’homme sans frontière (Peter Fonda, 1971) – dont la fabrication de son dernier plan fantastique est longuement détaillée dans le documentaire –puis marque une bonne fois pour toute son emprunte avec Délivrance (John Boorman, 1972). Zsigmond a ainsi travaillé avec les plus grands. Plusieurs fois avec Robert Altman – John McCabe (1971), Images (1972), Le Privé (1973) – mais aussi Brian de Palma – Obsession (1976), Blow Out (1981), Le Bûcher des Vanités (1990), Le Dahlia noir (2006) – Michael Cimino – Voyage au bout de l’enfer (1978), La Porte du Paradis (1980) – le bon vieux Woody Allen – Melinda et Melinda (2004), Le Rêve de Cassandre (2007) et Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu (2010) – et bien sûr avec Steven Spielberg pour deux longs-métrages – Sugarland Express (1974) et Rencontre du Troisième Type (1977).

Une carrière impressionnante que ce documentaire réalisé par le français Pierre Filmon parcourt au grès des extraits et des entretiens. Au centre du projet, on retrouve moins la volonté de rendre hommage à un homme et son incroyable parcours, que de redonner ses lettres de noblesses au métier de l’ombre qu’est celui de mettre en lumière. A travers les entretiens, on apprend bien sûr à quel degré Vilmos Zsigmond a marqué l’histoire de la photographie de cinéma, et l’histoire du cinéma tout court mais si le film regorge d’informations sur l’homme et son parcours, on s’intéresse finalement bien moins aux anecdotes croustillantes de tournage qu’aux témoignages de respect et aux analyses de l’oeuvre, portés par des comparses directeurs de la photographie venant des quatre coins du monde : Vittorio Storaro, Bruno Delbonnel, Pierre William Glenn, Darius Khondji, Dante Spinotti… Autre richesse et pas des moindres, le documentaire se centre d’abord sur des entretiens menés avec le maître lui-même quelques mois avant sa disparition, donnant au document toute sa préciosité autant que son émotion. On retiendra en premier lieu et par dessus tout, la séquence qui inaugure et qui montre Zsigmond entrain de donner spontanément une leçon d’éclairage aux équipes chargées de filmer ces entretiens face caméra. Magique, ce moment dévoile en quelques minutes tout le génie du monsieur qui transforme sous nos yeux ébahis, en trois coups de baguette magique, un cadre et une lumière d’une pauvreté confondante en une véritable image de cinéma d’une profondeur et d’une densité inespérée.

Il s’agit là d’une des rares éclairs de génie du documentaire, qui est peut-être bien, par ailleurs, du fait de Zsigmond lui-même. Car si pour le reste, la forme reste assez traditionnelle et convenue, on n’en voudra pas à Pierre Filmon de ne pas avoir trop pris la lumières, tant l’entreprise est éminemment dédiée à rendre hommage au génie de Zsigmond. Un manque d’audace stylistique qui n’empêche donc pas le film d’être réellement passionnant pour quiconque s’intéresse bien entendu au personnage et à son immense carrière. Passé par Cannes Classiques en 2016 puis exploité en salles la même année, le travail de Pierre Filmon n’avait pas encore eu les honneurs d’une édition vidéo et il nous tardait donc que cette injustice soit réparée. C’est chose faite avec Tamasa Distribution qui offre une édition remarquable, proposant un master impeccable et une tripotée de suppléments tels que des scènes non-incluses dans le film mais néanmoins passionnantes, ou les commentaires audio du réalisateur. Alors si vous êtes un amateur de Zsigmond, d’ombres et de lumières, ou plus simplement de grand cinéma : vous savez ce qui vous reste à faire.


A propos de Joris Laquittant

Sorti diplômé du département Montage de la Fémis en 2017, Joris monte et réalise des films en parallèle de son activité de Rédacteur en Chef tyrannique sur Fais pas Genre (ou inversement). A noter aussi qu'il est éleveur d'un Mogwaï depuis 2021 et qu'il a été témoin du Rayon Bleu. Ses spécialités sont le cinéma de genre populaire des années 80/90 et tout spécialement la filmographie de Joe Dante, le cinéma de genre français et les films de monstres. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/sJxKY

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