Spider-Man : Homecoming 4


Comme son titre l’indique ironiquement, Spider-Man est de retour à la maison après deux trilogies dans l’escarcelle de Sony Pictures – dont une seconde, avortée après un deuxième épisode qui avait partiellement déçu. Mais alors, que vaut cette arrivée du très populaire homme-araignée dans le Marvel Cinematic Universe ? On vous dit tout, même un peu trop, soyez prévenus.

Retour aux sources

Le premier Spider-Man réalisé en 2002 par Sam Raimi avait ouvert la voie à la déferlante super-héroïque qui atteindra pour certains son apogée avec la sortie prochaine de Avengers : Infinity War (Anthony & Joe Russo, 2018) quand pour d’autres il s’agira plutôt d’une véritable saturation. Si la première trilogie de Raimi a fortement marqué les esprits des fans – exception faite, peut-être, du décevant Spider-man 3 (2007) – le studio qui en détient les droits, Sony Pictures, préféra rebooter (comme on dit dans le jargon) la franchise en 2012 plutôt que d’en confier un quatrième volet au réalisateur fou de Evil Dead (1981). En résulta, deux épisodes réalisés par Marc Webb – avec un nom pareil, ça ne s’invente pas – le premier intitulé The Amazing Spider-Man sorti en 2012 puis sa suite The Amazing Spider-Man : Le Destin d’un Héros en 2014, dans lesquels Andrew Garfield reprenait le costume en latex rouge jusqu’alors enfilé par Tobey Macguire. Souvent détestés des fans, ces deux dernières adaptations en date avaient pourtant pour qualité de redonner un petit peu plus d’humour au personnage – omniprésent dans les comics mais surtout dans le dessin-animé des années 90 – en assumant par ailleurs pleinement l’aspect teen-movie et comédie romantique, parfois au détriment du scénario lui-même (antagonistes faiblards, scènes d’action un peu laborieuses…). L’échec (relatif) au box-office de cette suite du reboot – vous suivez ? – a sûrement largement pesé dans la balance pour que Sony daigne lâcher une partie de ses droits à un studio concurrent, Marvel Studios, qui espérait bien pouvoir récupérer le bébé qu’il avait laissé en garderie pour l’intégrer à son fameux MCU (Marvel Cinematic Universe). Il faut bien les comprendre, le tisseur est certainement le super-héros de l’écurie le plus apprécié des fans (et surtout des enfants) et amène avec lui, piégé dans sa toile, tout un potentiel marketing dont Disney serait bien bête de se passer. Introduit dans l’univers partagé par l’un des pires films de la phase 3 qu’est Captain America : Civil War (Anthony et Joe Russo, 2016) et ce juste le temps de participer à une baston finale décevante, le personnage en était toutefois l’une des principales réjouissances malgré seulement quelques minutes de présence à l’écran. La gouaille et l’irrévérence de cette nouvelle version du super-héros avait séduit les fans tant ils y voyaient un hommage appuyé à l’humour des comics et séries animées d’antan, en outre, un véritable retour aux sources.

Le titre de cette première aventure solo, d’une ironie grinçante, est une façon de plus pour Marvel d’affirmer qu’il n’y a pas mieux que la maison-mère pour traiter un personnage aussi iconique de son propre univers. Avec Spider-Man : Homecoming (comprendre « Retour à la maison ») l’araignée revient bel et bien au nid et s’affirme dès les premières minutes non pas comme un film en marge, mais bien ancré dans le gigantesque univers partagé de la franchise super-héroïque. A ce titre, le début, un poil laborieux, nous fait revivre façon found-footage – Peter Parker, adolescent de 15 ans se filme non-stop avec son téléphone comme un Youtubeur – la première intervention du collant sur le parvis de l’aéroport où a lieu la baston de Civil War. Les premières minutes inquiètent, tant Marvel peine à rendre consistant et crédible le recrutement du jeune lycéen par Tony Stark aka Iron Man. Pour une fois, alors qu’il est de bon ton de se plaindre de voir constamment le même schéma d’origin story à chaque nouvelle introduction de super-héros, on regrette ici de manquer d’informations essentielles sur les débuts du personnage. Entendons-nous, il ne s’agit pas tant de réclamer une nouvelle version de la séquence de la piqûre d’araignée génétiquement modifiée qui donne ses pouvoirs à Peter : on l’a déjà vue deux fois et sa simple évocation, ici, au détour d’un dialogue, suffit amplement. Mais tout au moins, il manque cruellement à cet épisode un prologue qui nous aurait permis de mieux comprendre le passif de super-héros bas-de-gamme œuvrant dans les rues du Queens (avec un génial costume fait-mains que l’on retrouve dans la seconde partie du film, après que Tony Stark lui ait confisqué le joujou high-tech qu’il lui avait confectionné sur-mesure, oups, j’ai spoilé) et le pourquoi du comment de son recrutement par le milliardaire des Avengers.

Passée cette déception, le film étonne par son ton résolument moderne et sa faculté à mélanger les genres. Déjà il y a quelques années, l’origin-story du super-héros fourmidable Ant-Man (Peyton Reed, 2015) avait surpris son monde en mélangeant habilement la comédie et le film de casse. Ici, le rajeunissement du héros permet au film d’emprunter les codes du teen-movie et du sous-genre du film de campus si bien qu’on retrouve ci et là, l’ADN des films de Judd Appatow, Greg Mottola ou bien encore de John Hughes. C’est donc de par son casting de jeunes talents et bien aidé par des dialogues écrits au cordeau que le film trouve toute sa singularité et finit par séduire une fois son laborieux premier quart d’heure passé. A tous les égards, le film de Jon Watts parvient à se démarquer de l’influence écrasante de la trilogie de Sam Raimi, parvenant par miracle à faire du neuf avec du vieux en en détournant, dès que possible, les caractéristiques principales. Tante May s’en voit rajeunie et devient une selfmade-woman séduisante, le personnage de Mary-Jane est modernisé sous les traits de la chanteuse estampillé Disney Zendaya, le costume high-tech concocté par Stark pour son petit protégé donne lieu non pas à une séquence d’initiation aux nouvelles capacités physiques du héros – Peter en aurait déjà acquis la maitrise depuis longtemps – mais plutôt à la découverte progressive des différentes options de son costume. En stage auprès de son mentor – qui joue ici le rôle de père ou parrain de substitution de Peter, que l’on sait orphelin – le jeune adolescent doit faire ses preuves pour espérer rejoindre l’écurie de super-héros des Avengers.


Alors qu’il tente d’accomplir des missions de plus en plus périlleuses en bottant le cul de tous les méchants qu’il rencontre la nuit dans son quartier New-Yorkais du Queens, Peter va se retrouver pourchassé très vite par un vrai super-méchant, avec des ailes bioniques et tout le tintouin qui va avec. Ce dernier, incarné par un impeccable Michael Keaton – même s’il s’agit de l’un des interprètes mythiques de Batman, on pense très souvent au film Birdman (Alejandro Gonzales Innaritu, 2015) – voit d’un mauvais œil qu’une Araignée vienne emprisonner dans sa toile une partie des petites frappes qui l’aident à entretenir son réseau de trafic d’armes aliens. Parmi les nombreuses qualités du long-métrage, ce méchant – relecture modernisée d’un antagoniste célèbre du tisseur qu’on appelle Le Vautour – intrigue par son ambiguïté et sa vraie profondeur. Faisant son beurre en récupérant les armes extraterrestres sur les ruines des combats de super-héros pour les revendre au marché noir, ce charognard n’est pas tout à fait qu’un méchant. Ce bon père de famille a perdu le monopole de sa boîte de « nettoyage » après que l’état et Stark Industries ait décidé d’en récupérer la gestion. Le personnage représente donc à lui seul la lutte entre le prolétaire et l’état milliardaire. Le duel entre Le Vautour et Spider-Man est donc l’occasion de questionner à nouveau la légitimité des Avengers à faire la loi partout où il passe, prolongeant ainsi l’une des thématiques centrales de Captain America : Civil War. C’est une maxime qui se vérifie à chaque fois : un film de super-héros n’est réussi que lorsque son méchant l’est aussi. La subtilité de l’écriture comme de l’interprétation du personnage du Vautour offre au film ses meilleurs moments : en premier lieu sûrement l’une des séquences parmi les plus mémorables jamais vues dans un Marvel depuis très longtemps, dans laquelle Peter Parker se fait dévoilé par son ennemi alors qu’il est passager de son véhicule.

Puisqu’on est plus à un spoil prêt, n’ayons pas peur d’en dévoiler jusqu’à la fin. Elle étonne, elle aussi, par le virage à 180° qu’elle prend alors qu’on attendait l’avénement logique de Peter Parker et son arrivée définitive dans l’équipe des vengeurs. Au contraire, son choix de faire la nique à Tony Stark, donne à ce qui aurait put être une conclusion ultra-conventionnelle un élan inattendu. Le trajet de Peter Parker dans cet échiquier super-héroïque sera l’un des enjeux scénaristiques majeurs des prochaines productions puisqu’on imagine mal l’équipée se passer du tisseur pour affronter Thanos lors de la kermesse géante organisée en 2018.


A propos de Joris Laquittant

Sorti diplômé du département Montage de la Fémis en 2017, Joris monte et réalise des films en parallèle de son activité de Rédacteur en Chef tyrannique sur Fais pas Genre (ou inversement). A noter aussi qu'il est éleveur d'un Mogwaï depuis 2021 et qu'il a été témoin du Rayon Bleu. Ses spécialités sont le cinéma de genre populaire des années 80/90 et tout spécialement la filmographie de Joe Dante, le cinéma de genre français et les films de monstres. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/sJxKY


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