Wishmaster


ESC Distribution sort Wishmaster (Robert Kurtzman, 1997) en édition pas loin d’être ultime pour une série B sympathique qui n’en aurait pas tant demandé : l’occasion de revenir sur le film et le combo DVD/Blu-Ray en question.

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Tequila-Djinn-Vodka

Pire que les rivages du Styx, pire que L’Enfer de Dante ou l’Apocalpyse de Saint-Jean, pire que d’être enfermé avec Benjamin Griveaux pendant huit heures, il y a le monde des sagas qui partent d’un premier opus en salles et qui finissent en direct-to-dvd-dispo-chez-Cash-Converters-à-0,99-euros. Ce ne sont pas les exemples qui manquent, bien qu’il soit curieux de voir que ce n’est pas lié à la qualité intrinsèque des sagas mais bien sûr à leur rentabilité voire à la capacité de prises de risque de leurs producteurs/distributeurs : les sagas Halloween (1978 -?) ou Freddy (1984-2010) n’ont ainsi pas eu de direct-to-video, tandis que les Chucky (1988-2017) et Hellraiser (1987-2018) si. Dans le même sens, les produits direct-to-video ne sont pas forcément moins bons que les sorties salles, et les sorties salles parfois pas franchement de meilleures qualités, là je pense précisément aux Vendredi 13, tous sortis au cinéma – du moins aux States – et franchement pas dignes d’autre chose que de les mater en bouffant du pop-corn, écoutant du Rammstein et en rotant entre deux gorgées de bière (ce qui est déjà pas mal). A la vue de cet unique exemple des films autour de Jason Vorhees, la destinée de la saga Wishmaster (1997-2002) apparaît comme injuste. En effet, si le premier volet a bien eu les honneurs d’une sortie salles en 1997 et n’a pas démérité avec des recettes à 15 millions de dollars pour un budget de 5, sa suite sera un direct-to-tv. Alors injustice ou pertinence ? Certainement entre les deux, lorsqu’on se penche sur cet épisode initial réalisé par Robert Kurtzman, proposé par ESC Distribution en combo DVD/Blu-Ray.

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Les premières minutes nous dévoilent l’Ancienne Perse. L’Empereur se fait avoir par un Djinn qui l’accompagne, une espèce de mauvais génie qui exauce vos vœux pour mieux vous la foutre ensuite. En l’occurrence, le vœu de l’Empereur entraîne la mise à mort d’une bonne partie de sa cour, et ne doit son salut qu’à la puissance magique d’un alchimiste qui parvient à enfermer l’esprit du Djinn dans une opale rouge. Une opale qu’on retrouve des siècles plus tard, « de nos jours », entre les mains d’un promoteur d’objets antiques qui libère le démon malgré lui, et aux dépens d’Alex, son experte archéologue qui doit affronter le Djinn… En soi, Wishmaster est une série B on ne peut plus sympathique avec ce qu’il faut de gore et d’exotisme pour appâter le chaland tout en amenant les sempiternelles réflexions sur la damnation et le désir. Nous avons récemment parlé de la trilogie Hellraiser et lorsqu’on voit à peu d’intervalles Helllraiser 3 (Anthony Hickox, 1992) et Wishmaster, il n’y a aucun doute que les deux films partagent un seul scénariste, Peter Atkins. Même thème donc, même appétence pour un univers ésotérique mélangeant les influences spirituelles (Islam et Zoroastrisme, quand Hellraiser convoquait davantage l’imagerie chrétienne), même héroïne féminine transportée à travers des dimensions de torture et de violence, même conclusion (dans Hellraiser 3, les Cénobites massacrent tout le monde dans une boîte de nuit, dans Wishmaster c’est à un vernissage). Le long-métrage de Kurtzman se veut film de monstre, avec l’outrance et le charme sans prétention que cela lui confère, en plus des petits clins d’œil aux fans via les cameo que l’on pourra relever ou non. Mais, parce qu’il y a toujours un mais, Wishmaster est très typé années 90, voire début années 90. A la vision, dans sa forme, autant que dans sa direction d’acteurs par exemple, il semble absolument contemporain d’un Hellraiser 3 justement ou d’un Candyman (Bernard Rose, 1992). Sauf qu’en 1997, le cinéma d’horreur est passé à autre chose, et cette autre chose c’est Scream (Wes Craven, 1997). Alors l’histoire de Djinn et son traitement paraissent anachroniques face au jeu méta post-moderne du film de Craven et du scénario de Kevin Williamson. Ceci explique peut-être pourquoi la saga a été destinée au marché télévisuel puis vidéo par la suite…

Alexandre Poncet, dans son analyse proposée en supplément, revient brièvement sur ce point et appuie les mérites du côté méta de Wishmaster qui jongle avec les références du film de monstre. Toutefois, ces références sont certainement trop subtiles pour séduire le spectateur qui ne les connaît pas, là où, précisément, Scream avait l’intelligente accessibilité d’exposer les codes verbalement avant de les détourner, pour que tout le monde, même celui qui n’aime pas les slashers, comprenne la portée ironique de la chose… Puisqu’on en parle, les bonnii sont très nourris, proposant de multiples entretiens avec le réalisateur, le co-producteur, le scénariste, les acteurs, et même le chef opérateur ; un making-of de près d’une demi-heure ; des spots TV et radio lors de la sortie (genre de bonus pas très utiles que votre serviteur aime beaucoup) ; une featurette sur les coulisses du tournage et enfin un story-board sans oublier le livret… ESC Distribution offre là une édition assez impressionnante pour une série B de cette « importance » et c’est un signe de plus du grand respect que l’éditeur a pour les amateurs de ses sorties.


A propos de Alexandre Santos

En parallèle d'écrire des scénarios et des pièces de théâtre, Alexandre prend aussi la plume pour dire du mal (et du bien parfois) de ce que font les autres. Considérant "Cannibal Holocaust", Annie Girardot et Yasujiro Ozu comme trois des plus beaux cadeaux offerts par les Dieux du Cinéma, il a un certain mal à avoir des goûts cohérents mais suit pour ça un traitement à l'Institut Gérard Jugnot de Jouy-le-Moutiers. Spécialiste des westerns et films noirs des années 50, il peut parfois surprendre son monde en défendant un cinéma "indéfendable" et trash. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/s2uTM

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