[Masterclass] Eli Roth, l’enfant terrible


Enfant terrible (et attardé diront certains) du cinéma de genre américain, petit protégé de Quentin Tarantino, Eli Roth s’est forgé avec le temps une réputation de réalisateur inclassable, capable du pire comme du meilleur. Le Festival International du Film Fantastique de Gerardmer lui rendait hommage cette année, l’occasion pour le réalisateur de se livrer au petit jeu de la masterclass.

Eli Roth dans “Aftershock” / © Tous droits réservés

Le jour où j’ai été repéré avec mon petit film

« Depuis très jeune je suis fasciné par les films d’horreur et particulièrement le cinéma gore, j’en réalisais quelques-uns de mon côté, en amateur. J’ai donc toujours rêvé de faire du cinéma mais j’ai longtemps pensé qu’il était impossible de faire sa place à Hollywood avec un film d’horreur. C’est lorsque je suis rentré à l’Université de New-York et que j’ai découvert les trois premières réalisations de Peter Jackson : Bad Taste (1987), Meet the Feebles (1989) et Braindead (1992) puis dans la foulée Evil Dead (Sam Raimi, 1981) que j’ai compris que c’était peut-être possible. Beaucoup des grands réalisateurs que j’admire ont démarré avec le cinéma d’horreur, de David Cronenberg à James Cameron en passant par Guillermo Del Toro. Tous ont fait aussi des grands films pour Hollywood et encore aujourd’hui, ils sont pour moi des modèles. Mon plan de carrière, si j’en avais un, c’était de pouvoir réaliser des films d’horreur indépendants entre deux gros films pour Hollywood. Je crois qu’aujourd’hui, et déjà en 2002 quand j’ai réalisé Cabin Fever, la meilleure façon pour un jeune réalisateur de se faire remarquer par les studios aux États-Unis c’est de réaliser un petit film de genre indépendant qui rapporte gros. Mon premier projet n’a été fait qu’avec un budget de 1,2 millions de dollars, et il en a rapporté beaucoup plus. Cela m’a permis de me faire très vite un nom dans ce petit monde du cinéma d’horreur mais aussi d’être repéré par les studios. Mais Cabin Fever n’était pas un film de commande ou opportuniste, c’est au contraire un film très personnel. Pour en écrire le scénario je me suis inspiré d’une maladie de peau, le psoriasis, dont je suis moi-même atteint. »

Le jour où j’ai compris que l’horreur c’était pas pour du faux

« Je me sens proche d’un cinéma d’horreur très contextualisé, relié à une forme de réel. Pour moi, la pierre angulaire de ce cinéma d’horreur là c’est bien entendu Massacre à la Tronçonneuse (Tobe Hooper, 1974). J’ai toujours apprécié le slasher parce qu’il parvenait à nous faire peur avec des choses très concrètes, des personnages terrifiants et mystérieux, mais quand même bien réels, comme c’est le cas dans Halloween (John Carpenter, 1978) par exemple. J’aime bien sûr les films d’horreur qui convoquent davantage le supernaturel – je suis évidemment un grand fan de L’Exorciste (William Friedkin, 1973) mais quel fan d’horreur qui se respecte ne l’est pas ? Mais au fond de moi, ce n’est pas ce cinéma-là qui me terrifie le plus. Vous savez, j’ai grandi dans le Massachussets, dans l’une des villes les plus sûres et calmes des Etats-Unis. Ce qui me terrifiait réellement c’était d’imaginer ce qu’il adviendrait dans ma ville si quelqu’un surgissait avec une tronçonneuse et s’attaquait aux passants. C’est je crois un traumatisme vraiment lié à mes racines juives. Depuis tout petit j’entends parler des Nazis, les histoires qu’on nous racontait enfants sur cette période étaient vraiment très flippantes : « Alors tout allait bien et subitement, des mecs ont débarqué et ont massacré tout le monde ». J’ai grandi dans une famille littéralement traumatisée par l’Holocauste, on nous racontait ses histoires tout en nous disant qu’il fallait éviter d’aborder le sujet avec ceux de la communauté qui avaient ses fameux tatouages de matricule sur le bras. Ma plus grosse frayeur c’était donc que cela recommence, que des tarés débarquent aux Massachussets pour tous nous massacrer. »

Le jour où j’ai dit non à Warner Bros

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« Avant de réaliser Cabin Fever et de faire voyager mes films en festivals, je ne connaissais pas l’existence de lieu comme le Festival International du Film Fantastique de Gerardmer ou ses homologues à Sitges ou Neuchâtel. Il y a encore vingt-ans nous n’avions pas d’équivalent à ces grands festivals consacrés au cinéma de genre aux États-Unis et donc beaucoup de films ne nous parvenaient pas de l’autre côté de l’atlantique. Nous venions aussi dans ces festivals pour découvrir le vivier de création mondiale du cinéma de genre et cela m’a personnellement beaucoup inspiré. J’ai ainsi pu y découvrir le cinéma asiatique qui a eu une grande influence sur mon travail par la suite, notamment les films de Park Chan-Wook comme Sympathy for Mister Vengeance (2002) ou Audition (1999) de Takashi Miike. Après Cabin Fever, les studios m’ont proposé tout et n’importe quoi, j’étais le poulain sur lequel chacun voulait mettre une pièce. J’ai été attaché à des projets que j’ai parfois longuement développés et qui se sont arrêtés brusquement parce que les studios n’avaient de cesse que de me répéter en boucle « On peut le faire que si on a Ben Affleck ou Daniel Craig ». J’ai végété comme ça pendant plus de deux ans, à attendre qu’un projet parvienne enfin à se faire. Et puis un jour, je me suis rappelé tous ces longs-métrages que j’adorais et que j’avais découverts en festivals, je me suis dit « N’oublie pas que c’est des films comme ça que tu veux faire ! ». Au même moment, Warner Bros m’a proposé l’adaptation de Shérif fais moi peur ! (Jay Chandrasekhar, 2005), j’en ai lu le scénario et était sûr qu’on ne pouvait vraiment rien en tirer de bon. Le studio me proposait un salaire mirobolant, je n’avais jamais vu autant de chiffres sur un chèque, c’était forcément tentant. J’ai témoigné de mes doutes à Quentin Tarantino qui m’a convaincu qu’il ne fallait pas le faire. Quelques temps plus tôt je lui avait pitché le scénario de Hostel (2006) et il m’a dit « C’est le meilleur traitement que j’ai lu depuis des années, c’est ça que tu dois faire ! ». Je l’ai écouté, j’ai dit à Warner Bros de chercher quelqu’un d’autre et on a fait Hostel ! »

Le jour où j’ai compris la nature humaine

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« Quand on prend l’ensemble des êtres humains et qu’on les réduit à quatre dénominateurs communs, on en reste vite à manger, tuer, baiser et dormir. Par ailleurs, si un homme sait qu’il peut faire quelque chose sans risquer le moindre soucis, alors, que cette chose soit bonne ou mauvaise, il la fera quand même ! Si vous prenez pour exemple Salo ou les 120 Journées de Sodome (Pier Paolo Pasolini, 1975) c’est un film très fort, très violent, très beau esthétiquement, mais surtout très profond. L’idée finale avec cet homme en fauteuil roulant qui jouit littéralement de la violence à laquelle il assiste est une image qui m’a vraiment marqué. Tout le brio du réalisateur est là, il a capturé la nature humaine. Car qu’on le veuille ou non, l’humain c’est aussi et surtout ça. Il suffit de voir les images de ces soldats de l’Etat Islamique qui se prennent en selfie, morts de rires, sur un monticule de cadavres. Ils ne sont ni les premiers hommes ni les derniers à se comporter ainsi, l’Histoire est jalonnée de ces événements qui témoignent de la véritable nature humaine et de ce dont elle est capable. C’est sur la base de ce constat nihiliste que j’ai développé le scénario de Hostel. Le peuple américain est un peuple qui se croît supérieur aux autres au motif qu’il possède de l’argent. Il faut savoir que seulement dix pour cent des citoyens américains possèdent un passeport, ce qui explique bien que la majorité d’entre eux soit complètement renfermée sur elle-même. La vision de l’Europe qu’ont ces Américains est totalement faussée, et pour ce qui est de l’Europe de l’Est c’est encore pire. Beaucoup de ces Américains pensent que les pays de l’Europe de l’Est sont des bordels à ciel ouvert, un parc d’attractions géants dans lequel tu peux tout faire si tu as des liasses de dollars dans la poche. La satire que propose Sacha Baron Cohen dans Borat (2006) n’est en cela pas si loufoque, c’est vraiment comme ça que la majorité des Américains voient les pays d’Europe de l’Est. Je crois que si Hostel a terrifié les spectateurs américains c’est parce qu’il leur expliquait que tout l’argent qu’ils pouvaient posséder n’allait pas les sauver face à l’inéluctabilité de ce qui les attendait. C’est la même chose qui terrifie le peuple américain dans le terrorisme islamiste. Si vous êtes dans une pièce avec un djihadiste qui veut vous couper la tête, vous aurez beau sortir votre carte Gold et lui filer votre code, ça n’arrêtera pas son geste. C’est vraiment quelque chose qui terrifie les Américains parce que leur modèle de pensée n’est pas construit comme cela : l’argent domine tout, elle vaut plus que la spiritualité, elle domine la folie comme la morale. »

Le jour où j’ai voulu désacraliser le mâle américain

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« Quand j’ai eu l’idée de Hostel : Chapitre 2 (2007) je voulais déconstruire l’image du mâle américain. Pour cela j’ai pensé que ce serait intéressant de se positionner cette fois de l’autre côté – le premier volet était du côté des victimes – pour faire des Américains du film les bourreaux, des vieux américains fortunés se payant le luxe de pouvoir torturer des jeunes femmes et assouvir des pulsions morbides. Ce type d’hommes américains dépeint dans le film sont à mon sens parmi les plus frustrés du monde, ils sont rongés par tout un tas de désirs inassouvis et malheureux dans leurs couples. Je suis persuadé que, quelque part, le mal se tapit en nous tous, grandissant progressivement sur le terreau de nos frustrations les plus intimes. Parfois, chez certains, cela finit par exploser et libérer le monstre qui reposait en lui. La majorité des problèmes de couples réside dans le fait que les personnes malheureuses ne parviennent pas à exprimer leurs frustrations et vivent une vie de compromis. Le personnage principal du film fait partie de cette catégorie de personnes : il a longtemps pensé qu’il vivait une vie parfaite, avant de se rendre compte qu’il n’était pas heureux dans son ménage. Toute la frustration qu’il a nourrie a pourri en lui et en a fait un tout autre homme, capable du pire. Je crois que le spectateur adore voir des personnages devenir complètement dingues, il y a quelque chose de très cathartique là dedans. Cela permet d’une certaine manière à nos frustrations de s’évacuer et d’éviter un pourrissement qui pourrait à notre tour nous transformer en monstre. Je crois fort en tout cela… Vous savez, mon père est psychanalyste et il est aussi l’un de mes consultants à la relecture de mes scénarios : je lui demande souvent de me dire si la psychologie de mes personnages tient la route. C’est important pour moi car comme je vous l’ai dit, j’aime que l’horreur surgisse du vraisemblable. »

Le jour où j’ai voulu partir à l’aventure dans la jungle avec des copains

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« Aujourd’hui le cinéma américain ne prend plus du tout de risques. Vous tournez dans un studio avec des fonds verts et si quelque chose n’est pas bon, vous pouvez le retourner. J’aime le cinéma italien des années soixante à quatre-vingt parce que c’était un cinéma d’aventuriers et de fous furieux ! J’étais fasciné par tous ces types comme Ruggero Deodato, capables d’embarquer avec eux toute une équipe dans une expédition dans la jungle pour tourner un film gore ! Avec The Green Inferno (2013), en dehors de l’hommage, je voulais donc vivre ma propre expédition cinématographique. Nous sommes allés à la recherche d’un village totalement coupé du monde et nous l’avons trouvé en pleine jungle au Chili, en bordure d’une rivière. C’était l’endroit rêvé. Nous sommes donc allés leur demander s’ils accepteraient de tourner dans un film mais ils ne savaient pas ce que c’était, ils n’avaient même pas l’électricité et la plupart n’étaient jamais sortis de leur village. Nous sommes donc revenus avec des générateurs électriques et une télévision pour leur faire une projection privée. Tout le village s’est réuni et nous leur avons fait découvrir le cinéma. Deux semaines après que nous avions organisé cette séance, mon producteur m’a appelé tout excité pour me dire que le village avait accepté de nous accueillir. Il était très surpris et m’a donc demandé ce que nous leur avions montré. Je crois qu’il s’attendait à ce que l’on ait diffusé E.T L’Extraterrestre (Steven Spielberg , 1982) ou Autant en Emporte le Vent (Victor Fleming & George Cukor, 1939) mais sûrement pas Cannibal Holocaust (Ruggero Deodato, 1980) ! Il m’a engueulé en me disant « Eli ce n’est pas possible, tu n’as quand même pas montré Cannibal Holocaust à des enfants ? » je lui ai répondu « Si ! Et c’est super bizarre, ils pensent tous que c’est une comédie…» (rires) Je suis persuadé que l’on a bien fait, parce que si je leur avais montré autre chose ils auraient pu croire que c’était ça que l’on voulait tourner… Là c’était clair ! D’ailleurs pour eux désormais, le cinéma c’est des histoires où les gens se bouffent entre eux, et rien d’autre ! Le village a totalement été impliqué dans le tournage, les gosses me proposaient même des séquences ! Un jour plusieurs d’entre eux sont venus me voir avec un bébé python en me disant « on pourrait le jeter sur le visage des Américains dans la cage ». Les comédiennes étaient terrorisés d’autant plus que si les jeunes semblaient penser qu’il n’y avait pas trop de risques, on savait qu’un bébé python pouvait quand même mordre et avait déjà du venin. On a quand même fait la scène, mais on avait prévu un jeu sur les perspectives pour s’assurer que le serpent serait à une certaine distance de sécurité. Dès que j’ai lancé l’action, alors que tout était répété, les mômes n’ont rien écouté et ont commencé à agiter l’animal devant la tête de la comédienne… C’était tous les jours comme ça !  On a pris des risques incommensurables… La nature était très compliquée à dompter, notamment la rivière qui avait régulièrement des crues très violentes. Un jour nous avions attaché l’une des comédiennes à un poteau dans la rivière et avions convenu d’un mot-code pour que tout le monde, l’équipe comme les gens du village, puissent comprendre qu’il fallait s’arrêter, couper et la détacher. Mais la rivière ce jour là montait tellement vite et était si bruyante que pendant la prise, alors que l’eau montait et montait, je n’ai pas entendu que la comédienne avait prononcé le fameux mot ! J’étais estomaqué de voir à quel point elle tenait à continuer à jouer malgré cette eau qui montait… Quand on l’a descendue elle a voulu me tuer ! »

Le jour où j’ai compris que les réseaux sociaux c’était un peu dangereux

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« L’un des auteurs les plus célèbres aux Etats-Unis est un certain Dr.Seuss (le créateur du Grinch, ndlr) et notamment pour un livre intitulé Le Chat Chapeauté (adapté au cinéma en 2003 par Bo Welch avec Michael Myers dans le rôle titre, ndlr) qui raconte l’histoire d’un chat qui détruit une maison parce qu’on l’a laissé y entrer. Le message derrière ce livre pour enfants est très américain : « il faut faire attention à qui ont fait rentrer chez soi ». On a tous un jour dit à des gens qu’on ne connaissait qu’à peine, rencontrés en soirée ou ailleurs, « venez donc finir la soirée à la maison » avant de regretter parce que ces gens commencent à toucher à tout et sont complètement hors de contrôle, au point qu’on comprenne qu’on a peut-être fait une grosse erreur. Knock Knock (2015) est donc un peu mon adaptation à moi du livre du Dr. Seuss. J’ai donc imaginé ces deux filles qui rentrent chez un mec avec la certitude que quoi qu’elles fassent à l’intérieur, elles vont pouvoir s’en tirer et repartir comme si de rien était. Le long-métrage parle surtout du danger que représentent les réseaux sociaux aujourd’hui où plus rien n’est véritablement caché. La vie privée n’existe plus en tant que telle, la maison n’est plus le sanctuaire qu’elle était autrefois car on a tous tendance à laisser entrer tout le monde chez soi par le biais de nos smartphones et de nos réseaux sociaux. Cette défiance des réseaux sociaux est aussi au cœur de The Green Inferno où l’on suit une équipe de jeunes « politisés » qui partent dans une jungle reculée avec des idées pseudos militantes mais qui en réalité ne font cela que pour avoir des likes et être au maximum retweetés. Ces personnages sont exécrables – à l’exception du personnage féminin principal – parce qu’on comprend qu’ils font moins ça pour aider les populations aborigènes que pour avoir un maximum de considération à leur retour aux États-Unis et sur leurs réseaux sociaux. Aujourd’hui Twitter est devenu une arme très dangereuse, presque incontrôlable. En tant qu’artiste et cinéaste je fais très attention à la manière dont je l’utilise car cette possibilité de s’exprimer instinctivement et instantanément peut se retourner contre vous. Regardez ce qui est arrivé à James Gunn récemment par exemple. De fait, Hollywood est totalement terrifié en ce moment. Tout le monde a peur de parler, de s’exprimer, de dire quelque chose qui lui coûterait sa carrière. On a longtemps envoyé des tweets comme on pensait mais aujourd’hui, il faut réfléchir trois bonnes heures avant d’oser appuyer sur la touche « Envoyer ». C’est une période très étrange pour nous les artistes car je crois que nous avons comme nécessité dans nos métiers à s’exprimer de la manière la plus authentique qui soit, car c’est aussi comme ça que notre vision du monde, à travers notre art, peut être comprise. Or, désormais, vous ne pouvez plus être aussi vrai que vous l’étiez il y a encore cinq ans. Chaque petite phrase, chaque mauvais mot, peut vous envoyer au pilori. »

Le jour où j’ai appris à vandaliser les œuvres d’arts

« Ma mère est artiste-peintre donc j’ai été très tôt sensibilisé à l’art, je passais mon temps dans les musées où j’ai appris à le respecter et surtout à le comprendre. Pour moi, il n’y a rien de plus dégueulasse que de saccager une œuvre d’art. On retrouve cela dans le personnage de Keanu Reeves dans Knock Knock qui considère les œuvres d’arts qu’il collectionne chez lui comme ses biens les plus précieux alors même que pour les deux filles qui les vandalisent, ces œuvres ne sont rien d’autre que de la merde… Il y a en même temps quelque chose de très transgressif et en cela jouissif dans le vandalisme. En préparant ces scènes nous avons longuement discuté avec l’équipe sur notre définition de l’art, de ce qui en est ou n’en est pas. Personne n’avait la même. C’est quelque chose qui est très subjectif et c’est je crois la même chose pour les films. S’il y a des gens pour considérer mes films comme des œuvres d’arts, il y en a tout autant pour penser qu’ils sont au mieux des films pornographiques ou au pire de gros tas de merde ! »

Le jour où Tarantino m’a écrit un rôle sur mesure

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« Quentin Tarantino m’avait vu joué dans mon premier film, Cabin Fever et m’avait offert un petit rôle dans Boulevard de la Mort (2007) qui a en fait été comme une audition pour Inglourious Basterds (2009). Quentin m’a simplement présenté le personnage dont il avait l’idée, c’était un juif qui venait de Boston. Vu que j’ai des origines juives et que la question de l’Holocauste est un vrai traumatisme dans ma famille comme je vous l’ai expliqué, Quentin me demandait régulièrement mon avis sur comment le personnage pourrait parler, penser ou se comporter. Un jour il m’a appelé pour me demander si je pensais que cela serait possible qu’un juif donne l’absolution à un Nazi si cela permettait de mettre fin au Troisième Reich. J’ai répondu très sérieusement que je pensais qu’à ce sujet, les Juifs n’auraient même pas pensé au principe d’absolution et lui aurait directement éclaté la gueule. Quentin a rigolé et m’a dit : « Ok, parfait ! » et le personnage de juif vengeur à la batte de baseball est né ainsi. Les scénarios de Quentin sont très intéressants parce qu’il a tendance à y ajouter des éléments dont il sait qu’ils ne figureront pas dans le montage final, voir même qui ne seront pas tournés. Ce sont souvent des descriptions ou des scènes qui n’ont pour seul but que de définir le personnage et aider le comédien qui va l’incarner à le comprendre et le connaître. Par ailleurs, il incite tous ces comédiens à participer à la création de l’histoire de son personnage car cela leur permet de s’imprégner complètement dans leur rôle. J’ai donc choisi la rue de Boston dans laquelle mon personnage avait grandi, comment s’appelaient ses copains, quels métiers faisaient ses parents… Puis au tout début du tournage, au moment de la lecture générale du scénario, nous nous sommes tous retrouvés dans une salle, tout le casting, et il a demandé à chacun d’entre nous de raconter l’histoire de son personnage. Un seul n’a pas joué le jeu et n’avait pas travaillé et il a été viré sur le champ ! Quentin exige beaucoup de ces comédiens mais cela se ressent dans l’incarnation à l’écran. C’est une méthode très proche de celle de l’Actor Studio, j’ai vraiment adoré ça.» 

Propos de Eli Roth
au Festival International du Film Fantastique de Gerardmer 2019

Propos recueillis par Willys Carpentier
et retranscrits par Joris Laquittant

Discussion animée par Jean-François Rauger

 

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