Fahrenheit 451 (2018)


52 ans après sa première adaptation cinématographique signée môsieur François Truffaut, voilà qu’est apparue l’an dernier – préalablement sur nos petits écrans –une remise au goût du jour du très célèbre roman dystopique de Ray Bradbury, Fahrenheit 451. Sorti en DVD en Novembre dernier par la Warner, on vous raconte si la flamme a pris… ou pas.

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Livres brulées… au vent

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On le sait tous, l’œuvre originelle écrite par Ray Bradbury, roman culte de la science-fiction américaine, reprenait les bons vieux autodafés nazis comme thème pour créer un monde dystopique où toute forme de littérature serait proscrite et donc détruite. Le livre, sorti en 1953, utilisait une prose poétique et lyrique pour construire la satire d’une société américaine courant selon certains égards, dangereusement vers l’analphabétisation. 65 ans sont passés et les données ont changé. François Truffaut avait, en son temps, rendu avec grâce la poésie enflammée du récit de l’américain en sortant de ces carcans habituels pour la science-fiction. Que nous amène alors la relecture moderne de l’américano-iranien Ramin Bahrani – un habitué des DTV comme le prouve son dernier essai, 99 Homes (2016) – se servant de l’appui d’HBO Films pour nous offrir cette galette aux atours de téléfilm aux moyens gonflés ? Plus proche photographiquement d’un Blade Runner (Ridley Scott, 1982) que du rougeâtre film de Truffaut, les prémices de la pellicule nous montrent que déjà, quelque chose a changé dans la manière dont ce futur –certainement pas si éloigné que ça – consomme la culture.  Pas de livres à l’horizon, ce sont des ordinateurs que Michael B. Jordan s’amuse à brûler dans l’allégresse, sous les acclamations en live-streaming de ses admirateurs sur le Neuf, sorte de nouvelle version d’Internet, en beaucoup plus restreint. Le bonheur et le contentement du public vont se compter à coups d’emoji, mais ne donneront pas énormément le sourire au spectateur devant son écran.

Si un des premiers plans dévoile un autodafé d’ordinateurs récupérés auprès « d’aiguilles » – le nom des méchants lecteurs d’e-books – le film emmène cependant très rapidement son spectateur et ses héros à la rencontre du St Graal en la demeure d’une vieille femme solitaire possédant une assez gigantesque bibliothèque, garnies d’ouvrages allant de Kafka, Poe à… Mein Kampf. Le moment certainement le plus classieux du recit apparaissant à cet instant d’un plan d’immolation de la vieille femme en contre-plongée, qui n’est pas sans rappeler un même plan du long-métrage de Truffaut. Esthétiquement, tout y est. Bahrani n’en finit pas d’offrir à l’œil de son spectateur un monde nocturne qu’éclaire une truffée de néons – que ne denigrerait pas Nicolas Winding Refn – et le feu vengeur embrasant chaque maudite page de littérature. Pour du DTV, il faut admettre que l’effort est plaisant. Mais si la galette est belle, ce n’est pas pour autant qu’elle est forcément agréable. L’assistance connaissant un tant soit peu l’œuvre de Ray Bradbury découvrira de fil en aiguille que le film se débarrasse bien vite de ce qui faisait le sel de l’ouvrage culte, tout en en capturant quelques bouts de chandelles au besoin. Exit la femme de Montag – le personnage principal, joué par Michael B Jordan – la narration prendra le virage d’une romance tout aussi fade qu’elle est inutile entre lui-même et le personnage de Sofia Boutella, Clarisse, malheureusement pas aidée par l’ère futuristico-moderne dans laquelle évolue le récit. Grossièrement, la dystopie ne sert que de trame de fond à un scénario banal et plutôt bancal de revirement (rapide) du meilleur et du pire des pompiers pyromanes de la team « salamandre », tombé d’extase sur des écrits de Fiodor Dostoïevski. Du combat intérieur d’amour pour sa nouvelle cause à celui du respect qu’il porte pour son supérieur hiérarchique, le capitaine Beatty – campé par un solide Michael Shannon- l’interprète de Creed (Ryan Coogler, 2015-2019) n’en sort pas sans K.O et se montre, à mon sens, assez insupportable dans son rôle.

Si l’intention et les premières idées étaient les bonnes, HBO et son commis d’office Ramin Bahrani se vautrent au bout du compte dans une médiocrité assez navrante. Si les artifices fonctionnent, le long-métrage, tel une coulée d’or sur la côte de bœuf de Ribéry, est joli mais ne sert finalement, pas à grand-chose. A retenir uniquement une prestation convaincante de Michael Shannon dans la même posture de vilain vraiment pas très gentil que celle avec laquelle il nous avait laissés dans La Forme de l’Eau (Guillermo Del Toro, 2018). « Là où on brûle des livres, on finit aussi par brûler des hommes » si Heinrich Heine disait vrai, il ne parlait pourtant pas de brûler tout esprit de narration et de structure d’un récit avec. A cet échec peu fantasque pourtant passé par Cannes en séance de minuit lors de la dernière édition, on préférera aisément la version de 1966 de Truffaut et dans une moindre mesure, l’Equilibrium de Kurt Wimmer (2002) qui s’inspirait assez allègrement lui aussi du fameux livre.


A propos de Willys Carpentier

Son prénom n’est pas une référence cinéphile au Bruce que l’on connait tous, même s’il partage son nom avec son idole absolue, John. Sa passion pour le cinéma qui fait pas genre découle de celle qu’il a pour le Death Metal, elle fait peur et est pleine de saturation et d’hémoglobine et ce même si plus jeune, il ne décrochait pas de Peter Pan. Enfin, fait intéressant, il porte une haine sans égards pour Woody Allen.

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