Terrified


En lice pour le Grand prix du dernier PIFFF 2018 voilà une production argentine, troisième long-métrage de Demian Rugna, habitué du genre dans son pays. Présenté comme un hommage aux Insidious (2010-2013) et autres Conjuring de James Wan (2013, 2016), on s’attendait à une plongée dans un univers terrifiant et dérangeant. C’est raté.

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J’irais bien refaire un tour du côté de chez Wan

Il n’est pas coutume de voir des films de genre argentins sur grand écran. On pensera bien sûr à la co-production Les Nouveaux sauvages (Damian Szifron, 2014) qui avait apporté une touche de fraicheur malsaine sur la Croisette en 2013, au récent Meurs, Monstre, Meurs (Alejandro Fadel, 2019) vu à l’Etrange Festival et qui sortira en salles en France en Avril 2019, ou bien encore à des films de séries B comme Snuff 102 (Mariano Peralta, 2007) ou Necrophobia 3D (Daniel de la Vegua, 2013). Même si le genre y est largement apprécié, en particulier le polar et le thriller, force et de constater que le fantastique et l’horreur occupent une place quasi inexistante dans la production cinématographique argentine. C’est pourquoi la projection de ce Terrified avait de quoi attirer dans la sélection très éclectique et open du PIFFF. Lors de sa présentation, il est annoncé que lors de sa première mondiale au Festival international du film fantastique de Neuchâtel, la salle est ressortie terrifiée par le visionnage. Lorsqu’à notre tour on retrouve la lumière du jour, on se demande si on n’est pas un peu trop blasés par ce genre de film, ou si les Suisses sont bel et bien de véritables petites flipettes.

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Quand on veut rendre hommage au cinéma de Wan et à ses univers fantomatiques qui ont tant apporté au cinéma d’horreur des années 2010, autant bien le faire. Car non seulement Terrified se contente de copier de manière grossière les codes et jump scares de son confrère américain, mais il se permet en plus ce qui pourrait être une relecture grotesque du Insidious premier du nom. Là encore, les enfants sont victimes de malédictions plus ou moins mortelles. Là encore, on retrouve les gentils petits vieux médiums qui viennent fighter le mal avec leur matériel technologique du siècle dernier. L’histoire prend place dans une sympathique bourgade où trois maisons voisines sont le théâtre d’événements surnaturels étranges. Alors qu’une femme se fait assassiner par on ne sait quoi dans la première, un enfant revient d’outre-tombe dans la seconde, tandis que dans la troisième une mystérieuse créature hante son occupant. Il n’en faut pas moins à trois médiums pour mener l’enquête, accompagnés d’un flic qui se veut thug, mais ne paraît crédible dans aucune scène du long-métrage.

Pourtant, ça ne commençait pas si mal que ça. Les entités semeuses de troubles de Rugna avaient ce petit truc sympathique, que ce soit dans leurs premières apparitions, ou dans leur mythologie qui finalement ne sera jamais totalement dévoilée. Et c’est bien là le gros problème du film. On se retrouve spectateur d’une suite d’événements qui n’ont aucune justification, aucun approfondissement scénaristique, et ne trouveront aucune conclusion de quelques manières que ce soit. On pourrait finalement résumer le récit à « des gens sont morts parce que des choses qu’on sait pas trop ce que c’est les ont tués ». Et c’est tout bonnement frustrant. Au contraire, dans le cinéma de James Wan, une véritable mythologie est créée autour de ses fantômes et démons, au point d’en faire des spin-off à l’instar d’Annabelle (John R. Leonetti, 2014) ou La Nonne (Corin Hardy, 2018). Les personnages sont clairs, mènent une véritable bataille contre le Mal, et suivent une enquête où les justifications des apparitions sont mises à jour. Dans Terrified, on suit ce qui pourraient être trois histoires indépendantes, qui multiplient les effets en tous genres avec l’espoir, à l’image de son titre, de terrifier… 

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Car là est bien l’objectif de Rugna : terrifier. Terrifier avec des sons qui ne viennent de nulle part. Terrifier avec un monstre humanoïde bizarre. Terrifier avec des effets de suspens vus, revus et usés jusqu’à la moelle. Comme si le scénario n’était prétexte qu’à un exercice de style avec l’unique objectif de rassembler tout ce qui fonctionne du côté de chez Wan pour créer un ersatz fade et insipide de ses films cultes. La chronologie chaotique suffit à nous faire perdre le fil de l’intrigue, et le si mauvais jeu des acteurs n’aide pas à soutenir le rythme très long de cette enquête dont finalement on se fiche royalement. Niveau mise en scène, rien de bien nouveau non plus : c’est sombre, ça joue avec les « coucous je suis sous ton lit ou dans ton placard », les meubles bougent tout seuls dans un ensemble de plans fixes, etc. Les quelques moments de tensions sont éclipsés par d’insupportables jump scares tous prévisibles sans exception, et comme dans beaucoup d’autres cas, le long-métrage donne tout ce qu’il a dans ses premières scènes pour aussitôt s’assagir. On spoilera allégrement et sans craintes, le dernier plan, conclusion la plus terrifiante qui soit : une chaise projetée sur la caméra !

Quitte à regarder du pseudo-Wan, autant regarder le vrai, car Terrified est un bide absolu, dont on ne retiendra que la direction artistique plutôt réussie (sans être innovante) de ce qu’on nous avait vendu comme deux heures de purs frissons argentins. Reste à voir si ce cinéma saura développer une véritable identité de genre dans les années à suivre. Espérons juste que Rugna ne soit pas le chef de file d’une possible production en chaîne de pseudo-films d’horreur, ersatz de leurs homologues américains, qui sentent davantage le réchauffé qu’autre chose…


A propos de Jade Vincent

Jeune sorcière attendant toujours sa lettre de Poudlard, Jade se contente pour le moment de la magie du cinéma. Fan absolue de Jurassic Park, Robin Williams et Sono Sion, elle espère pouvoir un jour apporter sa pierre à l'édifice du septième art en tant que scénariste. Les rumeurs prétendent qu'elle voue un culte non assumé aux found-footages, mais chut... Ses spécialités sont le cinéma japonais et asiatique en général.

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