La Prophétie de l’Horloge


Nouvelle production Amblin, La Prophétie de l’Horloge (2018) actuellement en salles, est aussi la première incursion de son réalisateur Eli Roth dans un projet fantastique familial. De quoi éveiller notre curiosité.

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Les saveurs d’autrefois

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S’il on vous avait dit il y a quelques temps que le réalisateur de Cabin Fever (2002) et de la saga Hostel (2005-2007) se serait attelé à la réalisation d’une comédie d’horreur familiale comme on les aime ici, avouez que vous n’y aurez pas cru. D’autant plus quand on jette un œil à sa récente filmographie, car ces dernières années, Eli Roth a commis à l’affilée un simili-remake de Cannibal Holocaust (Ruggero Deodato, 1980) intitulé The Green Inferno (2013), une très mauvaise comédie d’horreur, Knock Knock (2015) et le récent Death Wish (2018) remake bien fade du culte Un Justicier dans la Ville (Michael Winner, 1974). Et pourtant, c’est avec l’adaptation d’un roman gothique signé John Bellairs et publié en 1973, La Prophétie de l’Horloge (2018), que l’un des enfants terribles des bas-fonds d’Hollywood, petit protégé de Quentin Tarantino, fait aujourd’hui sa mue. Le film raconte l’histoire de Lewis, un petit orphelin de dix ans, qui se retrouve à emménager chez son étrange oncle,Jonathan Barnavelt (Jack Black), dont il découvre qu’il est en réalité un puissant mage vivant dans une bâtisse étonnante (elle est littéralement vivante) en compagnie d’une sublime sorcière (Cate Blanchett). Ce beau manoir appartenait jadis à un sorcier ultra puissant, récemment décédé, répondant au nom de Isaac Izard (Kyle MacLachlan). Avant de mourir, ce dernier avait caché une horloge magique dans les murs. Le tic-tac entêtant du mécanisme rend littéralement fou Barnavelt, qui, chaque nuit, tente de trouver où elle se cache. D’aventures en aventures, de mésaventures en mésaventures, le jeune Lewis, apprenant les rudiments de la magie, va accidentellement réveiller les morts, et par là même, le puissant Isaac Izard, devenu un puissant mage nécromancien dont le dessein maléfique doit être arrêté.

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En acceptant ce projet, Eli Roth dit avoir voulu renouer avec une tradition hollywoodienne en perdition qu’est la comédie d’horreur familiale – voir notre article Ce cinema qui n’existe plus, qui constatait déjà la disparition de ce genre à part entière, un constat peut-être plus discutable aujourd’hui, tant le revival des années 80 et 90 permet d’entrevoir son retour – et quoi de mieux alors que d’aller frapper à la porte d’Amblin Entertainment ? Cette maison de production mythique s’il en est, a été créée par Steven Spielberg himself en 1981 et a produit outre les projets du maître, quelques-uns des films les plus emblématiques de la culture populaire des années 80, tels que Gremlins (Joe Dante, 1984), Les Goonies (Richard Donner, 1985), la saga Retour vers le Futur (Robert Zemeckis, 1985-1990) mais encore Qui veut la peau de Roger Rabbit ? (Robert Zemeckis, 1988) et j’en passe… Son logo, tout aussi inoubliable, reprend comme un emblème, l’une des séquences du chef-d’oeuvre du genre qu’est E.T L’Extraterrestre (Steven Spielberg, 1982). C’est donc chez le cinéaste culte – qui l’avait d’ailleurs fait tourner dans un tout petit rôle dans Le Monde Perdu (Steven Spielberg, 1997) – que Roth semble avoir trouvé, après Quentin Tarantino, un nouveau mentor. Le cinéaste, qui se dit vouloir entreprendre une mutation de carrière à l’image de ses idoles Peter Jackson et Sam Raimi, avoue avoir beaucoup appris au contact du plus grand cinéaste de tous les temps – ça, c’est moi qui le dis, histoire de recevoir encore des insultes en commentaires par les adorateurs de Christopher Nolan – et s’être nourri de ses conseils de producteur.

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Il est vrai que l’on ne peut pas reprocher à La Prophétie de l’Horloge de bafouer son héritage, même s’il est bien lourd à porter. Quoi qu’on pense de la qualité du long-métrage – on y vient – ce qui le rend séduisant, c’est sa faculté à ne pas édulcorer son univers sombre. Car comme aime à le rappeler Eli Roth – et c’est exactement ce que je défendais dans ce fameux article partagé plus haut – les productions de cette époque ne craignaient pas de faire peur aux enfants, mais au contraire, leur proposait une alternative familiale aux films d’horreur qu’on disait pour les grands. Ainsi, Eli Roth déploie son savoir-faire de flibustier de l’horreur pour proposer un véritable conte macabre pour enfants, convoquant, ça et là, des figures du film d’épouvante, des revenants aux pantins maléfiques (l’une des séquences les plus terrifiantes du récit, montre la collection personnelle d’automates de Steven Spielberg (oui, oui) entreposée dans une salle du manoir bien flippante, prendre vie et s’attaquer aux héros). Même s’il évoque à bien des égards l’univers magique de la saga Harry Potter, le film parvient à imposer son propre monde et sa mythologie, qui n’est pas sans rappeler l’adaptation succulente de Chair de Poule (Rob Letterman, 2015) – la présence de Jack Black n’y est peut-être pas étrangère – et ce malgré des effets-spéciaux pas toujours du plus bel effet et un jeune comédien quelque peu… bancal.

Sans arriver à la cheville de ses illustres aînés, La Prophétie de l’Horloge aura au moins de quoi s’affirmer comme la petite madeleine de Proust de cette fin d’année et comme un prétendant honorable à la liste, déjà longue, des films à voir (et revoir) chaque année à Halloween. Il permettra aussi de confirmer la stature de Jack Black, acteur qui, comme Eli Roth aime le dire, aurait été de la trempe d’un Robin Williams s’il avait exercé vingt ou trente années plus tôt, à une époque où sa bouille expressive de gentil tonton aurait été exploitée comme il se doit. Pour l’heure, on espérera que d’autres longs-métrages de cette saveur envahiront les écrans dans les mois et années à venir, et pour peu, qu’ils soient un tout petit peu plus réussis… Allez, qu’on se le dise, même s’il n’y a pas de quoi se mettre subitement à aduler Eli Roth – ce n’est pas le genre de la maison – on ne va tout de même pas bouder notre plaisir. Pour sûr, on préfère le voir s’amuser à faire des films pour enfants un peu moyens, plutôt que des provocations gores bas-du-plafond d’adolescent écervelé.


A propos de Joris Laquittant

Sorti diplômé du département Montage de la Fémis en 2017, Joris monte et réalise des films en parallèle de son activité de Rédacteur en Chef tyrannique sur Fais pas Genre (ou inversement). A noter aussi qu'il est éleveur d'un Mogwaï depuis 2021 et qu'il a été témoin du Rayon Bleu. Ses spécialités sont le cinéma de genre populaire des années 80/90 et tout spécialement la filmographie de Joe Dante, le cinéma de genre français et les films de monstres. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/sJxKY

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