May the Devil take you


Digne représentant du cinéma de genre indonésien dans la compétition internationale de l’Étrange Festival, Timo Tjahjanto fait son grand retour dans l’horreur terrifiante et sanguinolente. Mêlant malédiction et possession avec un faux-air d’Evil Dead (Sam Raimi, 1983), May the Devil Take you s’impose comme l’un des immanquables de cette édition 2018.

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Malédiction à l’indonésienne

Si le nom de Timo Tjahjanto n’est pas totalement inconnu des adeptes d’horreur et histoires de fantômes, c’est en partie grâce à sa participation à plusieurs anthologies américaines, dont les excellentes The ABCs of Death (2012) et V/H/S/2 (2013). Les fans de la première heure préféreront citer Macabre (2009), premier long-métrage horrifique du réalisateur qui à l’époque s’était fait connaître avec son confrère Kimo Stamboel sous le nom des Mo Brothers. Depuis, Tjahjanto s’est peu à peu éloigné du genre qui a fait sa renommée internationale pour tourner plusieurs films d’actions qui ont rencontré un certain succès dans son pays d’origine, l’Indonésie. C’est donc avec une certaine excitation que l’on découvre à l’Étrange Festival son nouveau conte macabre, oscillant entre inspirations des classiques américains d’horreur et du folklore indonésien aux monstres abominables avides de chair humaine. Pari gagné, on ressort enchanté (et un peu traumatisé) de cette séance qui a fait l’unanimité !

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Le mieux reste de se laisser prendre sans connaître grand-chose du film, en retenant l’essentiel : un groupe de personnes coincé dans une maison démoniaque avec des saletés dans tous les coins sombres. Ne cherchez pas l’originalité de cette création indonésienne dans son scénario, l’histoire on la connaît tous : non, faire un pacte avec une sorcière démoniaque est rarement une bonne idée, s’enfermer dans une maison hantée par une nuit de tempête l’est encore moins, et on ne parlera pas du fameux « séparons-nous pour aller chercher de l’aide » ! Mais c’est en partie ce qui fait le charme de May the Devil Take you qui s’amuse avec les codes de l’horreur survivaliste et des malédictions familiales. Car là où Tjahjanto frappe (très) fort, c’est dans l’univers visuel qu’il instaure et l’ambiance qui en ressort, pesante, angoissante, et ô combien jubilatoire. Le réalisateur ne se prive pas d’un bestiaire monstrueux où se mêlent démons, prêtresses et possédés aux yeux rouges et dents pointues. Si le film use de quelques jump scares désormais propres au genre, il le fait intelligemment sans jamais tomber dans le ridicule, et en mettant en scène avec une certaine virtuosité ses créatures surgissant du moindre recoin du cadre. Le résultat est là : on flippe, on sursaute, on se laisse prendre au jeux du réalisateur qui s’amuse avec le moindre élément du décor, le moindre objet, pour transformer le séjour de ses personnages en un véritable cauchemar.

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Plus intéressant, May the Devil Take you puise une influence très américaine dans sa mise en scène et sa direction artistique d’ailleurs impeccable et regorgeant d’idées n’enviant rien aux très populaires Blumhouse Productions. On y retrouve un peu d’Insidious (James Wann, 2010), pas mal de Jusqu’en Enfer (Sam Raimi, 2009) et beaucoup d’Evil Dead avec une pincée d’Exorciste (William Friedkin, 1974) dans ce qui reste avant tout une histoire de malédiction familiale où suintent vomis et geysers de sang pour notre plus grand plaisir. On pourrait reprocher une première demi-heure un peu mitigée posant un univers déjà mille fois vu, mais on se laisse prendre aussitôt les personnages parvenus dans la tant redoutée demeure. Les manifestations démoniaques s’enchainent dans un rythme effréné jusqu’à un final réussi bien que prévisible, dans lequel on prend plaisir à sursauter et s’effrayer sans modération. Le film est accompagné d’un casting tout à fait remarquable, avec à sa tête les talentueuses Chelsea Islan et Pevita Pearce qui livrent une performance redoutable. Mention spéciale à la direction artistique, des effets spéciaux discrets mais efficaces et des maquillages qui transforme chaque victime en véritables monstruosités.

Vous l’aurez compris, May the Devil Take you ne brille pas par son originalité et ne renouvelle en rien le genre, mais s’amuse habilement avec ses codes tout en puisant dans les mythes indonésiens. En ressort un objet réussi qui ne joue pas dans la demi-mesure, et fera même son petit effet sur l’amateur le plus aguerri. On recommande donc avec plaisir la nouvelle création de Tjahjanto qui prouve que son travail auprès des productions américaines n’auront fait qu’inspirer et bonifier un univers qui lui est propre. C’est fun, ludique, un peu gore, frissons garantis !


A propos de Jade Vincent

Jeune sorcière attendant toujours sa lettre de Poudlard, Jade se contente pour le moment de la magie du cinéma. Fan absolue de Jurassic Park, Robin Williams et Sono Sion, elle espère pouvoir un jour apporter sa pierre à l'édifice du septième art en tant que scénariste. Les rumeurs prétendent qu'elle voue un culte non assumé aux found-footages, mais chut... Ses spécialités sont le cinéma japonais et asiatique en général.

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