Dachra


Après avoir été en compétition officielle au 24ème Etrange Festival, le film tunisien, Dachra (Abdelhamid Bouchnak, 2018) sorte de relecture locale du Projet Blair Witch (Daniel Myrick & Eduardo Sanchez, 1999) s’offre une étape à Gerardmer.

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Cauchemars Tunisien

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Yasmine est étudiante dans une école de journalisme de Tunisie. Un jour, un de leurs profs donne un devoir assez précis : réaliser un film documentaire sur un sujet exceptionnel et inédit mais ils ont seulement quelques jours pour tourner et monter l’objet. Yasmine et deux de ses camarades planchent alors sur ce sujet incroyable qu’ils pourraient dégoter pour se démarquer des autres. L’un d’entre eux les met sur la piste d’un fait divers un peu sordide : il y a plus de vingt ans, une femme a été internée en psychiatrie, accusée de sorcellerie. Leur enquête va donc tourner autour d’un meurtre particulièrement macabre ayant eu lieu à l’époque et dont on ne sait pas vraiment, encore aujourd’hui, les tenants et aboutissants. De rencontres en rencontres, d’investigations en investigations, le trio va se rendre dans la ville de Dachra qui pourrait bien être le théâtre de leurs futurs cauchemars.

Lors de la présentation du long-métrage, le réalisateur Abdelhamid Bouchnak a voulu mettre l’accent sur le point de départ de l’écriture de Dachra (2018), précisant que les faits relatés, s’ils ne sont pas réels, s’inspirent de tout un folklore de croyances encore bien enracinées dans la culture tunisienne. La sorcellerie serait en effet, selon ses dires, encore très présentes dans les villages tunisiens et offriraient aux journaux locaux des pages faits-divers assez gratinées, d’enfants sacrifiés en passant par les cadavres que l’on déterrent pour subtiliser des membres, afin de jeter des sorts sur d’autres personnes… C’est donc sur ce ciment occulte que le film se construit.

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Si son scénario rappelle à bien des égards celui du Projet Blair Witch (Daniel Myrick & Eduardo Sanchez, 1999) on assiste moins à un fade remake qu’à une relecture locale. Car en effet, si l’on a pu reprocher à certains films en compétition d’oublier leurs origines pour simplement singer la production américaine, Dachra assume et affirme son identité tunisienne et c’est très probablement ce qui fait sa force et son intérêt. Ne se vautrant pas dans la facilité du found-footage de gueule – heureusement, car l’association au Projet Blair Witch aurait été beaucoup trop appuyée – la mise en scène de Abdelhamid Bouchnak cherche moins la facilité que l’efficacité, et s’autorise quelques vrilles de maestria assez plaisantes (une caméra qui tourne parfois sur elle même, renversant l’image sporadiquement dans d’hypnotiques mouvements de spirales). Le final, effrayant et convoquant plus volontiers le slasher, surprend à saisir et laisse au final le spectateur, souffle coupé, sur un dernier frisson.

Franche réussite, Dachra (2018) s’invite dans les Festivals par delà le monde, qu’ils soient d’un bon ou d’un mauvais genre – il revient tout juste d’un passage à la Mostra de Venise – et pourrait imposer autant qu’un réalisateur, un élan bienvenu d’une production de genre dans les pays du Maghreb. La preuve en est, une fois de plus, qu’on peut, par l’entremets du cinéma de genre(s), raconter et contester avec tout autant de justesse qu’un film social, les travers de son pays. Que le cinéma français en prenne de la graine… 


A propos de Joris Laquittant

Sorti diplômé du département Montage de la Fémis en 2017, Joris monte et réalise des films en parallèle de son activité de Rédacteur en Chef tyrannique sur Fais pas Genre (ou inversement). A noter aussi qu'il est éleveur d'un Mogwaï depuis 2021 et qu'il a été témoin du Rayon Bleu. Ses spécialités sont le cinéma de genre populaire des années 80/90 et tout spécialement la filmographie de Joe Dante, le cinéma de genre français et les films de monstres. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/sJxKY

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