A Vigilante


Encore une pépite présentée lors de l’édition 2018 de L’étrange Festival, A Vigilante, premier long-métrage, écrit et réalisé par l’Australienne Sarah Daggar-Nickson, est un revenge movie au féminin qui ne s’embarrasse ni des codes ni des clichés.

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Dis camion !

« Je regarde par la fenêtre et les camions continuent de passer », c’est avec cette phrase que commence chaque message s’adressant à Sadie, une jeune femme qui contre de quoi subvenir à ses besoins propose ses services pour éloigner les maris abusifs et/ou les mères monstrueuses, et ce afin que les familles puissent vivre en paix et commencer une nouvelle vie, saine et sans danger. Loin d’être une vengeresse accomplie, Sadie apprend en permanence le krav maga dans les livres, et le maquillage SFX grâce à des tutos Youtube, pour que l’on ne puisse jamais la reconnaître. D’emblée, ce personnage de vengeresse est humain et attachant. Mais Sadie a une règle et une seule : elle ne tue pas. Elle ne se contente que de casser des nez et de ligoter des bonhommes, espérant un jour pouvoir rendre ce service gratuitement. Ponctué de flash-back se passant dans des groupes de soutiens pour femmes battues, A Vigilante sert également de message préventif pour ces dernières, possibles spectatrices. Sadie leur ordonnant de se trouver un bon groupe de soutien pour qu’elles puissent se reconstruire. Mais la jeune femme, comme on s’en doute n’est pas devenue vengeresse par hasard ou par vocation, non, comme d’autres femmes avant et après elle, elle a dû se relever d’un mari passablement fou, adepte de randonnées survivalistes, qui passait la majeure partie de son temps à lui casser les os pour les soigner ensuite. On a connu mieux comme passe-temps. Se servant de ce que ce dernier lui a appris, elle commence une traque discrète pour le retrouver et lui faire la peau. Car Sadie, contrairement aux femmes qu’elles libèrent, ne peut recommencer sa vie tant que son mari n’aura pas été traduit en justice.

Jusqu’à ces dernières années, c’était souvent par le prisme de réalisateurs masculins que le cinéma donnait à voir des personnages de vengeresses revanchardes, pensons à Abel Ferrara et sa muette hystérique dans L’Ange de la vengeance (1981), à Quentin Tarantino dans Kill Bill (2003, 2004), à La mariée était en noir de François Truffaut (1968) et j’en passe. Quel plaisir de voir donc des réalisatrices reprendre le flambeau et créer des personnages tout en nuance du récent Revenge de Coralie Fargeat (2017) au très bon Marlina, la tueuse en quatre actes (Mouly Surya, 2017) pour illustrer notre exemple. Pour ce film, la réalisatrice, qui signe là son premier long-métrage, a interrogé des victimes de violences familiales pour pouvoir construire des personnes sincères, et c’est amplement réussi. La trop peu exploitée Olivia Wilde vue dans Lazarus Effect (David Gelb, 2015) mais aussi dans l’excellente série de Martin Scorsese, Vinyl (2016), qui est également la productrice du film, signe ici une interprétation poignante, touchante et profondément humaine. Une justicière pleine de traumatisme qui trouve la force de se relever en sauvant les autres. Le récit tient en haleine et jamais ne tombe dans le pathos ou les clichés évidents. Les témoignages sont parfois durs à entendre, mais ne déversent jamais dans le voyeurisme en ce qui les concerne. Mais comme la perfection n’existe pas, il reste un seul défaut, un personnage sans nuances et au jeu assez grossier, parfois même cartoonesque, qu’est celui du mari complètement allumé de Sadie, incarné par Morgan Spector, qui déçoit un peu. La photographie du film, signée Alan McIntyre Smith, accompagne la narration avec la délicatesse qu’elle mérite, malgré son lourd et pesant sujet, et les plans hivernaux sont sublimes.

Il est évident aujourd’hui que nous assistons – enfin et pour notre plus grand plaisir – à un renversement de situation au profit des femmes, qui depuis le mouvement #metoo, réussissent enfin à prendre la parole pour se défendre de la violente emprise patriarcale. A Vigilante, de par sa réalisatrice, son sujet et le traitement de ce dernier, en est l’exemple parfait. Il ne reste plus qu’à espérer qu’il sorte enfin des festivals afin d’être distribué et vu du grand public ! Mais à l’heure ou le public de la Mostra de Venise, hue avec racisme et misogynie, The Nightingale, le dernier film de la réalisatrice Jennifer Kent (dont le précédent était le plutôt chouette Mister Babadook), parlant également de l’histoire d’une femme vengeresse faisant équipe avec un aborigène australien, gageons que les sociétés de distributions auront du mal à prendre des risques.


A propos de Angie Haÿne

Biberonnée aux Chair de Poule et à X-Files, Angie grandit avec une tendresse particulière pour les monstres, la faute à Jean Cocteau et sa bête, et développe en même temps une phobie envers les enfants démons. Elle tombe amoureuse d'Antoine Doinel en 1999 et cherche depuis un moyen d'entrer les films de Truffaut pour l'épouser. En attendant, elle joue la comédie avant d'ouvrir sa propre salle de cinéma. Ses spécialités sont les comédies musicales, la filmographie de Jean Cocteau, les sorcières et la motion-capture.

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