Downrange


Après un passage au PIFFF et dans une flopée d’autres festivals, Wild Side nous régale d’une sortie exclusive en DVD et Blu-ray de Downrange, la dernière création du sanglant Ryuhei Kitamura, réalisateur oscillant entre productions japonaises et américaines. 

© Tous droits réservés

Bla Bla Car de l’extrême

Ryuhei Kitamura est l’une des figures de proue des séries B horrifiques de ces dernières années. Maître reconnu dans l’adaptation live de mangas en tous genres (notamment Lupin the 3rd en 2014), c’est pourtant avec l’intense The Midnight Meat Train (2008) que Kitamura parvient à abattre les barrières avec un public international. S’en suit son second long-métrage américain, No One Lives (2013), qui rencontra un accueil plus discret et mitigé, n’empêchant cependant pas Kitamura de réaliser le plutôt attendu Downrange. Film à high-concept tourné vers le thriller plutôt que l’horreur, le Japonais nous propose un pari plutôt alléchant : six jeunes en covoiturage pris au piège par un tireur d’élite fou en plein milieu d’une route déserte.

© Tous droits réservés

S’éloignant de l’aspect si politico-horrifique qu’il affectionne, Kitamura s’aventure sur le terrain glissant du huis clos en y apportant l’originalité de le faire se dérouler en extérieur. La tentation de la fuite est immense mais redoutée, et seule une voiture à l’arrêt protège les victimes de leur bourreau. La gestion de la tension est maîtrisée, d’autant plus que le film débute dès ses premiers plans sur l’incident qui forcera les covoitureurs à s’arrêter au beau milieu de nulle part. Le réel signal d’envoi est donné quelques minutes plus tard avec une seule et unique balle, pour un effet gore qui annonce la couleur d’une situation où le moindre faux pas peut mener à une mort immédiate. Un départ sans-faute et prenant qui s’embourbe malheureusement assez vite dans une narration malmenée par des ellipses hasardeuses et des longueurs. Quelques scènes viennent éveiller notre curiosité malsaine sans pour autant parvenir à égaler la tension promise lors de cette première demi-heure. La faute en partie à des personnages clichés qui alourdissent les séquences de monologues ne leur apportant aucune réelle profondeur. Une faiblesse conséquente, sachant que le film ne tourne qu’autour de leur solidarité, leur personnalité et les actions quelque peu aléatoires qu’ils choisiront d’effectuer pour se sortir de ce mauvais pas.

Ceci étant dit, s’il y a bien un point où Downrange remporte son pari c’est bien dans la gestion du huis clos et de son environnement. Le choix de Kitamura est assumé jusqu’au bout de son récit, en alliant un tireur fou redoutable, une nature plus ou moins hostile et du gore sans retenue. Ainsi, le climat désertique joue énormément sur les décisions et actions des survivants, qui réalisent avec un peu de retard que seule la tombée de la nuit pourra être propice à une quelconque issue. Les rebondissements scénaristiques font de ce survival un très bon divertissement unissant geysers de sang et mise en scène aux petits oignons, où les malheureux qui auront la malchance de croiser cette no-go zone deviendront les victimes de choix d’un psychopathe sadique. D’ailleurs, Kitamura ose un choix intelligent et original en rendant le tireur embusqué totalement extérieur à la narration. Ni les personnages, ni le spectateur ne connaîtra son identité ou ses motivations, sans que ces non-révélations ne deviennent handicapantes pour la bonne compréhension du récit. La performance technique est également à retenir, le réalisateur s’imposant de filmer ce huis clos de près sans tomber dans le piège du grand angle qu’appelle le décor pour rester au contraire au plus proche de ses personnages. Chaque angle est étudié, chaque mouvement de caméra offre un point de vue restreignant sur un environnement pourtant si ouvert. Les quelques rebondissement et le climax permettront au réalisateur un total laisser-aller sur des scènes d’une violence parfois extrême aux effets certes cheap mais ô combien jouissifs. Si le final de cette aventure macabre laisse planer de nombreuses incohérences, il mène à une conclusion simple et amusante, apportant une note de fraîcheur supplémentaire à ce qui reste avant tout un bon divertissement.

Au regard de la filmographie du réalisateur il est clair que ce Downrange ne vaut pas la claque Midnight Meat Train, mais il ne s’avère pas pour autant aussi décevant qu’un No One Lives. Certains regretteront les excentricités nippones du réalisateur de Versus (2000) et Godzilla: Final Wars (2004), qui choisit de se tourner de plus en plus vers un cinéma américain grand public. Kitamura sera d’ailleurs à retrouver sans aucune excuse dans l’anthologie Nightmare Cinema (2018) aux côtés de Joe Dante, David Slade et Alejandro Brugués. En attendant, vous y réfléchirez à deux fois avant de valider votre prochain covoiturage qui pourrait bien s’avérer plus périlleux que prévu.


A propos de Jade Vincent

Jeune sorcière attendant toujours sa lettre de Poudlard, Jade se contente pour le moment de la magie du cinéma. Fan absolue de Jurassic Park, Robin Williams et Sono Sion, elle espère pouvoir un jour apporter sa pierre à l'édifice du septième art en tant que scénariste. Les rumeurs prétendent qu'elle voue un culte non assumé aux found-footages, mais chut... Ses spécialités sont le cinéma japonais et asiatique en général.

Laissez un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.