Paddington 2


Beaucoup plus connu outre-Manche qu’ici bas, l’ourson nommé Paddington, héros d’un livre pour enfants écrit par Michael Bond, a vu ses aventures adaptées avec brio au cinéma il y a trois ans par Paul King, dont ce fût le premier film. Alors que les suites font généralement grincer des dents, celle-ci fût attendue, pour ce qui me concerne, avec une certaine impatience et je n’en fus pas déçue, bien au contraire. Retour sur un numéro deux qui fait l’exploit d’être meilleur que le un ! Si, si je vous jure !

Je vois la prison en rose

Pour ceux qui sont passés à côté du phénomène Paddington, le film, voici un bref résumé : Il y a quelques années, un explorateur fait la rencontre d’une famille d’ours à qui il apprend l’anglais et à faire de la marmelade en leur promettant qu’ils seront bien accueillis, dès qu’ils le souhaitent, dans la si jolie ville de Londres. Après le décès du vieil oncle, la tante de l’ourson, au nom imprononçable car on ne sait pas parler l’ours, se sentant trop vieille pour s’occuper de son petit, l’envoie à Londres retrouver l’explorateur. C’est en gare de Paddington (où vous pourrez désormais trouver une boutique vendant tous les produits dérivés concernant le petit ours, pas cons les anglais…) que l’ourson sera accueilli et baptisé par la famille Brown qui lui promet – non sans difficultés ou à priori pour Monsieur Brown – un hébergement pour quelques temps et de l’aide pour retrouver l’explorateur. Mais comme il faut un méchant dans tout bon film familial qui se respecte, si l’explorateur est bien evidemment mort depuis le temps, sa fille, elle, est bien vivante et cherche à empailler la petite créature pour l’exposer au Museum d’Histoire Naturelle de Londres. Paddington, premier du nom, avait surpris son monde tant il était un beau film pour grands et petits, traitant du respect d’autrui, de la bienveillance envers les étrangers et l’acceptation de l’autre, tout en ne lésinant pas sur les gags à base de baignoire dévalant les escaliers ou de brosses à dents devenant des cotons-tiges. En bref, tout ce qu’il nous faut en cette période de crise migratoire et d’obscurantisme politique.

Je préviens d’ores et déjà les âmes sensibles que les premières minutes de Paddington 2 peuvent faire pleurer (bah quoi ? Un bébé ours qui manque de se noyer moi ça me brise le coeur), mais qu’elles sont bienvenues pour comprendre le drôle de schéma familial de cette petite famille d’ours. Et nous retrouvons donc Paddington, quelques années plus tard, qui coule des jours heureux dans les jolis quartiers de Londres, sympathisant avec tout le monde, préparant les petits déjeuners à base de marmelade pour les voisins qui l’aiment tous à la folie. Tous ? Non, seul un irréductible crevard, le même que dans le premier film, crache sur lui à tout va, rappelant aux autres que c’est un étranger et qu’on ne doit pas faire confiance aux étrangers… allant même jusqu’à le pointer du doigt dans la rue (Oh qu’il est méchant !) bref, ce mec est pire que ton oncle raciste le 24 décembre après l’apéritif. Mais cela n’empêche en rien l’ourson de vaquer à ses occupations et de laver les vitres du quartier dans l’espoir d’offrir un beau (et très cher) livre pop-up sur Londres, pour le centième anniversaire de sa tante qui n’est jamais venue dans la capitale du royaume-uni et qui ne pourra probablement jamais y venir tout court. Mais vous avez oublié qu’il fallait un vrai méchant dans tous les bons films familiaux qui se respectent ? Surprise, il ne s’agit pas du connard de voisin, non, il s’agit de Hugh Grant (cœur cœur), jouant un acteur sur le déclin et un brin mégalo, réduit à jouer dans des publicités de pâtés pour chiens, qui, pour financer un one man show sur lui-même (ses plus beaux rôles et lui) vole le livre pop-up pour lequel économisait Paddington en le faisant accuser au passage. Car il se pourrait bien que le livre en question recèle un grand secret pour accéder à un trésor… Comme tout est extrême chez les Anglais (et parce-que le juge est chauve à cause d’un accident de tondeuse d’un Paddington apprenti coiffeur) pour le vol d’un vieux livre, l’ourson écope de dix ans de prison et se retrouve fissa derrière les barreaux.

Et c’est là que tout commence ! Paul King s’amuse des situations dans lesquelles se trouve Paddington pour en faire un film de genres, oui genres, au pluriel. Paddington est en prison ? Ok, une chaussette rouge dans le linge et hop, tous les prisonniers sont vêtus de roses et semblent sortis du Grand Budapest Hotel (Wes Anderson, 2014). La nourriture est infecte ? Ok, Paddington va parler au chef et ne repart pas avec un tampon dans son sandwich (la scène de la cantine citant pratiquement directement, celle du premier épisode d’Orange is the new black), au contraire, l’ourson lui apprend les rudiments de la marmelade donnant lieu à une belle digression vers ce qu’on appelera le buddy-movie culinaire. Et les prisonniers par la suite cuisineront leur spécialité, transformant le réfectoire en un superbe restaurant tout pastel, pour lequel il faudra désormais réserver. Mais plus que tout, Paddington est innocent et souhaite laver son nom de l’accusation de vol. Alors, avec une petite bande, ils prévoient de s’échapper à bord d’une montgolfière de fortune, passant des films de casse, à ceux d’évasion à la O’Brothers des frères Coen (2000). Citant au passage Les Temps Modernes (1936) et la moustache de Chaplin, les meilleurs James Bond ou encore les comédies musicales dans une scène post-générique poilante. Paul King s’amuse comme un enfant, et si l’on peut croire que ce mélange des genres puisse paraître grossier, il n’en est rien. Le réalisateur soigne l’univers de son film avec délicatesse et bienveillance, assumant encore plus, s’il le fallait, la morale politique de la prévenance envers les immigrés.

Nous retrouvons, pour notre plus grand plaisir, le casting du premier volet. Hugh Bonneville, en monsieur Brown qui se décoince totalement en faisant du yoga, Sally Hawkins toujours aussi inconsciente et heureuse. Brendan Gleeson qui assure dans le rôle du finalement pas si méchant que ça chef cuisto. Et surtout, ô surtout, Hugh Grant qui fait dans ce film un magnifique come-back dans ce rôle d’acteur oublié qui fait tout pour revenir sur le devant de la scène, parlant à ses costumes, citant ses personnages, Shakespeare et jurant sur le grand Laurence Olivier, manipulant l’art du maquillage et des prothèses en latex presque mieux que Denis Lavant dans Holy Motors (Leos Carax, 2012) ou Christopher Lloyd dans Qui veut la peau de Roger Rabbit ? (Robert Zemeckis, 1988). Sans retenue, avec beaucoup de second degré parfaitement dosé, ce méchant est de loin beaucoup plus réussi que la froide Nicole Kidman du premier volet. Le film est une friandise à consommer sans modération !


A propos de Angie Haÿne

Biberonnée aux Chair de Poule et à X-Files, Angie grandit avec une tendresse particulière pour les monstres, la faute à Jean Cocteau et sa bête, et développe en même temps une phobie envers les enfants démons. Elle tombe amoureuse d'Antoine Doinel en 1999 et cherche depuis un moyen d'entrer les films de Truffaut pour l'épouser. En attendant, elle joue la comédie avant d'ouvrir sa propre salle de cinéma. Ses spécialités sont les comédies musicales, la filmographie de Jean Cocteau, les sorcières et la motion-capture.

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