Le Flingueur 2


Belle occasion de se pencher avec sérieux sur un cinéaste qui le mérite, Wild Side a concocté un combo DVD/Blu-Ray/livret du film Le Flingueur, polar 70’s avec un des mythes du cinéma, Charles Bronson.

Arthur (Charles Bronson) au premier plan, Steve derrière lui, dans un cimetière sous un ciel bleu, scène du film Le flingueur.

                                 © Tous Droits Réservés

Comme un père

Charles Bronson s'éloigne de deux voitures en flamme, scène du film Le flingueur.

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Michael Winner est une sorte d’anti-conformiste. S’il est passé à la postérité médiatique, c’est grâce à la série des Justicier dans la ville, dont le premier est un vigilante parmi les vigilantes, controversé par sa vision résolument musclée aux dits “problèmes de banlieue”. D’une franchise qui comporte cinq titres, Winner aura eu l’intelligence de ne réaliser que les deux premiers (tous les instigateurs d’une saga à succès ne peuvent pas en dire autant, n’est-ce pas monsieur Don Cult of Chucky Mancini)…Toutefois ce n’est aujourd’hui qu’un réalisateur renommé à demi-mots, qui sent un peu le souffre et qui l’a cherché comme il le dit lui-même : “Tous mes films sont tordus.” Les sujets provoc, il s’en est fait une spécialité mais sa filmographie dispose de surprises qui dépassent les simples clivages ou la complexité morale du sujet, à l’image du troublant Le Corrupteur dont nous vous avions parlé il y a quelques mois (voire années). Ou ce Flingueur (1972) proposé par Wild Side aujourd’hui.

Charles Bronson interprète Arthur Bishop, un tueur à gages solitaire et mutique (Charles Bronson quoi) qui a un code de conduite, mais assez difficile à appliquer de manière cool puisqu’il n’hésite pas à tuer un ami proche de son défunt père lorsqu’un contrat lui demande. Il se prend d’attachement pour le fils de cet ami, Steven et, souhaitant raccrocher, le prend sous son aile pour le former à ce beau métier d’avenir qu’est l’assassinat…Le Flingueur présente des qualités propres à un certain cinéma des 70’s qui forcent le respect en des temps de montage azimuté et de recherche de la coolitude à tout prix : 15 premières minutes sans aucun dialogue ; un personnage mystérieux et mutique avec juste quelques portes émotives laissées par-ci par-là par Bronson ; une mécanique narrative rodée avec un twist efficace bien qu’un peu prévisible par le manque d’ambiguïté  de Jan-Michael Vincent (qui joue Steve, le fils adoptif) ; ou encore, éparses, des scènes de folie (la fête dans l’appartement, la tentative de suicide assistée)…En ajoutant à cela une réalisation nerveuse, à l’épaule, avec forces zooms, et un plan final à l’effet et à la concision exemplaire, le long-métrage est à lui seul un condensé de ce que les valeurs apportées par le Nouvel Hollywood représentaient, un cinéma moderne et vivant, surprenant.

Toutefois, dans le livret accompagnant l’édition on parle d’un scénario à la qualité “exceptionnelle”,  je prendrais davantage de pincettes. Concis, efficace, oui, mais un gros défaut de vraisemblance pèse sur l’intrigue de l’œuvre, qui peine à faire croire véritablement à cette relation père-fils de substitution alors que le daron adoptif a buté sans état d’âme le père de l’autre et ne semble nourrir aucun fucking remord…Au visionnage, ce défaut pèse mais n’entraîne pas avec lui toutes les autres qualités, et encore moins celles de la belle édition de Wild Side. Artwork sublime, combo DVD-Blu-Ray permettant d’apprécier le film comme on l’a jamais vu sans pour autant perdre son grain d’images caractéristique, et des bonii pour le coup allant en profondeur dans l’œuvre et son contexte (n’évitant pas même la thèse du sous-texte gay), entre le livret rédigé par Samuel Blumenfield, et deux entretiens avec le biographe américain de Charles Bronson et le cinéaste Monte Hellman qui a failli tourner Le Flingueur…Mais dit qu’il aurait fait à quelques plans près pareil, du coup c’est cool.


A propos de Alexandre Santos

En parallèle d'écrire des scénarios et des pièces de théâtre, Alexandre prend aussi la plume pour dire du mal (et du bien parfois) de ce que font les autres. Considérant "Cannibal Holocaust", Annie Girardot et Yasujiro Ozu comme trois des plus beaux cadeaux offerts par les Dieux du Cinéma, il a un certain mal à avoir des goûts cohérents mais suit pour ça un traitement à l'Institut Gérard Jugnot de Jouy-le-Moutiers. Spécialiste des westerns et films noirs des années 50, il peut parfois surprendre son monde en défendant un cinéma "indéfendable" et trash. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/s2uTM


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2 commentaires sur “Le Flingueur