Carbone


Bénéficiant comme d’hab d’un casting renommé, Olivier Marchal livre avec Carbone un Marchal pur jus avec les mêmes qualités et les mêmes défauts que le reste de sa filmographie, mais qui fait quand même un peu plaisir par-là où il passe.

The World is Yours

Olivier Marchal a un double mérite : d’une part celui de ne parler que de ce qu’il connaît en tant qu’ancien flic et de l’autre, celui d’avoir contribué à la relative renaissance populaire d’un polar brut « à la française ». Désormais, chaque Marchal est suivi et commenté et le bonhomme est juste devenu un des cinéastes les plus connus du grand public, pour ne pas dire un incontournable. Cela dit, le mérite ne fait pas tout : il faut bien avouer que quelque chose manque dans la filmographie d’Olivier Marchal, qui a certes des qualités et des défauts au moins aussi gros. Carbone, son dernier en date, n’échappe pas à cette constatation, bien qu’il avait fait espérer quelque chose de plus neuf dans le travail du réalisateur. Inspiré d’une histoire vraie, Carbone suit les malversations du petit groupe mené par le chef d’entreprise en faillite Antoine (Benoît Magimel) autour d’une espèce de spéculation sur la TVA carbone (il est difficile de vous expliquer davantage, puisque ce n’est pas très clair sur le papier et à la vérité pas vraiment plus dans le film).

L’arnaque marche fort, mais pousse Antoine à s’accoquiner avec des gens trop virulents et ne pas arranger ses contacts déjà très compliqués avec son beau-père, un patriarche juif joué par Gérard Depardieu qui le méprise et souhaite le déchoir de ses droits parentaux pour récupérer son fils…On ajoute à cela un peu de confrontation diaspora juive/maghrébine et de flics ripoux et on obtient un canevas narratif rôdé et nerveux pour que ça se barre bien en couilles. Évidemment pas éloigné de la trame symbolique d’un Scarface (Brian De Palma, 1983) d’ailleurs cité de manière explicite, Carbone présente l’ascension et la chute d’un Antoine usé par la saloperie du système capitaliste et qui fait le choix de l’illégalité à très grande échelle. Si la teneur mythologique fonctionne toujours, le scénario, et c’est là un des problèmes majeurs des films d’Olivier Marchal, peine à s’éloigner des moindres carcans attendus. Tout est prévisible ou presque, et on sort de la salle en ayant l’impression d’avoir déjà vu ce long-métrage dans un autre contexte ou avec d’autres personnages. Impression systématique après chaque visionnage d’une œuvre d’Olivier Marchal…

Marchal gâche aussi un peu les choses par une tendance à vouloir forcer le noir et mériter sa réputation ténébreuse… Quitte à en faire trop. Des séquences sont vraiment too much (la torture de Laura Smet…) dans le sens où elles dénotent radicalement et surtout cassent la vraisemblance psychologique de l’ensemble. On peut aussi regretter ce goût pour la conclusion « je jette bébé avec l’eau du bain et la baignoire et l’appartement » : du pessimisme au nihilisme grossier il n’y a parfois qu’un pas que Olivier Marchal franchit, alors que peut-être un peu plus d’ambiguïté donnerait davantage de force…Reste que le cinéaste sait mettre en scène ses histoires et que visuellement le film est irréprochable et soigné, comme ses efforts précédents. L’interprétation, enfin, est LE point fort du long-métrage, portée par un Magimel parfait, un Michael Youn qui fat le taf et un Gringe dont les talents de comédiens laissent penser à un avenir sympatoche. En fait, c’est étrangement Depardieu qui est le moins convaincant, par son personnage sans profondeur ni ambiguïté, là encore…Bref, vous l’aurez compris : avec Carbone, on sait pas trop sur quel pied danser.

 

 


A propos de Alexandre Santos

En parallèle d'écrire des scénarios et des pièces de théâtre, Alexandre prend aussi la plume pour dire du mal (et du bien parfois) de ce que font les autres. Considérant "Cannibal Holocaust", Annie Girardot et Yasujiro Ozu comme trois des plus beaux cadeaux offerts par les Dieux du Cinéma, il a un certain mal à avoir des goûts cohérents mais suit pour ça un traitement à l'Institut Gérard Jugnot de Jouy-le-Moutiers. Spécialiste des westerns et films noirs des années 50, il peut parfois surprendre son monde en défendant un cinéma "indéfendable" et trash. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/s2uTM

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