Low Life


L’Étrange Festival est l’occasion de découvrir chaque année les talents naissants qui façonneront peut-être le cinéma de genre de demain. La 23ème édition ne fait pas exception avec la présence en compétition de Low Life, premier film de l’américain Ryan Prows, traçant l’épopée de personnages liés à un trafic humain. Barré et pulp à souhait, Low Life pourrait bien être l’une des meilleures surprises de la compétition.

Viva el Monstruo !

Au cœur de la cité des anges, Teddy Haynes, propriétaire d’un restaurant de tacos, est le dirigeant d’un improbable trafic humain en tous genres (ventes d’organes, prostitution, etc.) auquel sont mêlés les héros improbables de ce simili-Pulp Fiction (Quentin Tarantino, 1994). À travers quatre arcs narratifs est ainsi narrée la lutte acharnée de plusieurs personnages contre Teddy. Soit, tour à tour, un catcheur aux allures de super-héros looser, une ex-héroïnomane dont la fille a été vendue à ce même Teddy et un jeune voyou, au visage recouvert d’une croix gammée, tout juste sorti de prison. S’il peut ressortir de ce premier film un petit côté cheap et bricolé, Low Life bénéficie d’une mise en scène parfois très accomplie et drôle à souhait, où chaque réplique est parfaitement dosée. Il est toutefois important de préciser que le film s’est fait dans des conditions très particulières et compliquées, Ryan Prows ayant eu bien du mal à faire financer son premier long-métrage et à le voir aboutir. On notera de petits cafouillages sur l’éclairage, ou l’utilisation abusive d’une caméra épaule tremblotante, mais rien de bien trop gênant pour gâcher le film. Le casting jouit d’une diversité très riche et talentueuse, portant chaque personnage avec brio. Mention spéciale à Nicki Micheaux dont l’intensité du jeu laisse sans voix… Bien que profondément humain dans ses propos et son ton, Low Life est doté d’un humour noir et absurde qui fait mouche à chaque réplique. De cet humour découlent les meilleures scènes du film, presque toutes attribuées à El Monstruo, véritable figure de proue de ce pulp movie. En ressortent de nombreuses petites idées de mise en scène disséminées ça et là du film, laissant malheureusement certaines séquences bien moins rythmées à la traîne entre deux bastons pour le moins surprenantes.

Low Life frappe là où ça fait mal en s’attaquant au sujet des trafics humains d’immigrés clandestins, incapables d’être défendus par les autorités, et dont la disparition passe totalement inaperçue. La figure d’El Monstruo est tout particulièrement intéressante, tournant autour d’un mythe presque religieux propre à la communauté latino auquel se réfère une grande partie des personnages. Entre anti-héros et Saint sauveur, El Monstruo est connu par tous comme le défenseur des opprimés, de la justice et surtout des immigrés dans le besoin. Ses traditions sont ancestrales, remontant à des générations, mais le catcheur semble perdu entre désillusion et honneur familial, s’impliquant auprès des mauvaises personnes et dans les mauvaises causes. Sans cesse remis en question avant tout par lui-même, son seul salut est la naissance d’un héritier auquel reviendrait le nom et le masque d’El Monstruo, et qui deviendrait ce qu’il n’a jamais pu être : un sauveur. Chaque personnage, autodestructeur à sa manière, est ainsi bercé de désillusions et voit en l’autre un espoir non seulement de survie mais de soutien. Loin des habituels drames sociaux, Low Life est une véritable démonstration de la puissance et de l’efficacité du cinéma de genre face à l’actualité et aux sujets sensibles, sans tomber dans le mauvais goût ou le politiquement incorrect.

Ryan Prows nous livre un premier film certes imparfait mais très prometteur, nous donnant davantage envie de nous plonger dans son univers barré et sanglant. Porté par un message humain et vengeur, Low Life ouvre une voie toute tracée à Prows et son équipe qui s’amusent à tordre les codes du film d’action pour un résultat qui dépasse les attentes.


A propos de Jade Vincent

Jeune sorcière attendant toujours sa lettre de Poudlard, Jade se contente pour le moment de la magie du cinéma. Fan absolue de Jurassic Park, Robin Williams et Sono Sion, elle espère pouvoir un jour apporter sa pierre à l'édifice du septième art en tant que scénariste. Les rumeurs prétendent qu'elle voue un culte non assumé aux found-footages, mais chut... Ses spécialités sont le cinéma japonais et asiatique en général.

Laissez un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.