El Ataud de Cristal


L’Étrange Festival inclut dans son focus catalan « Sitges a 50 ans » la première française d’El Ataud de Cristal, premier film du réalisateur Haritz Zubillaga. Découvert à Sitges en 2016, ce huis clos psychotique et malsain a pour signes particuliers de se dérouler intégralement dans une limousine, et d’avoir recours à un unique personnage féminin.

Piège de cristal

Les huis clos dans des endroits très confinés sont monnaie courante dans le genre du thriller. Ryan Reynolds s’est retrouvé six pieds sous terre dans Buried (Rodrigo Cortés, 2010), Colin Farrell a passé un mauvais moment dans une cabine téléphonique dans Phone Game (Joel Schumacher, 2002) et James Franco a tenu 127 heures le bras coincé sous un rocher (Danny Boyle, 2010). Si le huis clos dans une voiture n’est pas une première, le plus récent exemple étant Locke de Steven Knight (2014), jamais on a vu de limousine-prison équipée de caméras de surveillance dont il est impossible de s’échapper. Haritz Zubillaga a signé de nombreux courts-métrages multi-récompensés, dont She’s Lost Control (2010), narrant les mésaventures d’une femme confinée dans sa voiture, et qui a largement nourri l’univers de El Ataud de Cristal. Plus intéressant encore, le choix d’un personnage féminin dans l’univers des huis clos pourtant très masculin. Paola Bontempi incarne ainsi Amanda, une actrice partie recevoir un prix pour honorer sa carrière. Peu de temps après être montée dans la limousine qui doit la conduire à la cérémonie, le réseau téléphonique est brouillé, les portières verrouillées et les vitres teintées et incassables empêchent toute communication avec l’extérieur. Une voix déformée annonce à Amanda qu’elle l’obligera à faire tout ce qu’elle désire, la poussant d’humiliation en humiliation jusqu’à mettre sa vie en danger. Amanda n’a d’autre choix que de se prêter au jeu de “la voix” pour espérer sortir vivante de la limousine.

El Ataud de Cristal intrigue par son pitch accrocheur, son actrice époustouflante et son lieu unique, mais brille grâce à une mise en scène et une gestion des lumières maîtrisées. La limousine, bien qu’étant un espace restreint et bas de plafond, paraît immense et monstrueuse devant la caméra de Zubillaga, qui prend un malin plaisir à jouer sur la profondeur de champ et les ambiances colorées. Chaque couleur correspond à une situation exposée par la voix, on appréciera le très beau rendu d’une séquence filmée à la lumière bleue, le sang se muant en un vert électrique fluorescent. Zubillaga sublime son actrice ou au contraire la transforme en monstre le temps de ce film plutôt court, une heure dix, permettant un enchaînement efficace et intense de l’action. Le parti-pris du réalisateur est d’autant plus intéressant lorsque la voix déclare vouloir faire passer des auditions de l’extrême à Amanda, jouant avec chacune de ses réactions dans un second degré bien maîtrisé. Les séquences d’extérieur du film sont correctement mises en scène, on retiendra particulièrement les plans nocturnes envahis de lambeaux de brume, horrifiques et oppressants.

Le film est malheureusement un peu tiré vers le bas par le développement de son scénario. L’exposition est longue, la tension mettant bien trop de temps à s’installer entre la voix et Amanda qui échangent pendant dix minutes des banalités sans aucun intérêt. L’écriture des dialogues est très inégale, gênante dans un huis clos où la tension se construit autour de discussions entre une actrice et une voix. Le plus dérangeant reste l’humiliation que subit le personnage et les raisons de son calvaire, très exagérées, plongeant parfois dans le mauvais goût le plus total. L’intérêt d’avoir choisi une femme dans un huis clos aussi intimiste est quelque peu gâché par le choix des épreuves, à savoir se déshabiller, auditionner pour un film porno, mimer une fellation, etc. Si ces situations dégradantes sont finalement justifiées par le scénario, il est dommage qu’à notre époque les épreuves traversées par les personnages féminins dans ce genre de thriller soient toujours liées à une dégradation sexuelle, des attouchements au viol dans le pire des cas. El Ataud de Cristal était l’occasion de sortir des sentiers battus, et y parvient dans certaines épreuves intenses, dont l’une oblige Amanda à utiliser un défibrillateur sur elle-même pour éviter l’arrêt cardiaque. Dommage que ces quelques idées, efficaces et originales, ne soient que trop peu nombreuses comparées aux outrages sexuels que subit le personnage. Néanmoins, El Ataud de Cristal accroche par sa mise en scène et son actrice qui parviennent à faire un peu oublier un scénario qui se retrouve bien souvent en roue libre. On regrettera enfin un twist absurde mais une fois encore soutenu par le talent de Paola Bontempi qui nous fait adhérer à cette heure en limousine passée en sa compagnie, pour le meilleur et surtout pour le pire.


A propos de Jade Vincent

Jeune sorcière attendant toujours sa lettre de Poudlard, Jade se contente pour le moment de la magie du cinéma. Fan absolue de Jurassic Park, Robin Williams et Sono Sion, elle espère pouvoir un jour apporter sa pierre à l'édifice du septième art en tant que scénariste. Les rumeurs prétendent qu'elle voue un culte non assumé aux found-footages, mais chut... Ses spécialités sont le cinéma japonais et asiatique en général.

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