Cold Skin 2


A l’occasion des 50 ans du festival de Sitges, l’Etrange Festival rend hommage à la manifestation catalane et propose par la même occasion l’avant-première mondiale de Cold Skin, le nouveau long-métrage du français Xavier Gens. Fais Pas Genre vous en dit plus sur le nouveau film du réalisateur de Frontière(s) (2007)

Isolation lovecraftienne

Adaptation du roman de Albert Sanchez Piñol, Cold Skin raconte l’histoire d’un officier météorologique envoyé sur une île en Antarctique au lendemain de la Grande Guerre. Faisant la rencontre de celui qui semble être le seul habitant de l’île en la personne de Gunner, notre héros va très vite s’apercevoir qu’il n’est pas le seul sur ce bout de terre perdue… Et pas non plus le bienvenu. Cold Skin signe le retour du réalisateur français Xavier Gens à la réalisation presque six ans après le huis clos post-apocalyptique The Divide (2011). Véritable rupture dans la filmographie du réalisateur, le film écarte une certaine violence très rentre-dedans et les moments très graphiques auxquels le réalisateur nous avait habitué jusqu’alors, si ce n’est dans le très inégal et décevant Hitman (2007). Gens ouvre son horizon vers une horreur plus ancrée dans le fantastique avec cette histoire navigant entre le romantisme de Thomas Mann – dans une certaine mesure – et un récit peuplé de créatures aquatiques que Lovecraft n’aurait sûrement pas reniées.

Le film montre un personnage jeune et beau mais avec une certaine noirceur et une lâcheté sans doute liée à son passé, qu’il cherche à fuir au même titre que le monde dans lequel il vit, soit un monde ravagé par quatre ans de conflit comme l’Humanité n’en a jamais vu et qui tente de se reconstruire et de continuer l’exploration du monde. Gens n’hésite pas à torturer ce personnage et à le plonger dans une quête pour sa propre survie qui ravivera des souvenirs traumatiques et des instincts que le protagoniste incarné par David Oakes tentait d’enfouir en lui via une construction studieuse et une tension qui se veut quasi-permanente dès que les premières heures de la nuit se font sentir. La succession des cycles jour/nuit nous donne une idée de la temporalité de l’histoire et le temps sur lequel elle s’étend mais entraîne le spectateur dans un rythme que l’on pourrait presque qualifier d’aliénant, à l’image du quotidien des personnages qui se battent pour leur survie.

Gens s’attache aussi à rendre compte de la psychologie des personnages. Du fait de l’isolement, les protagonistes vont peu à peu sombrer dans une folie induite par les tâches répétitives du quotidien et les évènements nocturnes. Mais le réalisateur tente de faire du jeune officier une sorte d’idéaliste qui, malgré la menace qu’il doit affronter tous les soirs et le caractère de son « allié » Gunner,  cherche à tisser des liens avec les quelques créatures qu’il parvient à rencontrer et à instaurer le dialogue plutôt que de faire parler les armes ; une chose que Gunner ne voit pas du même œil et dont le passé – et donc les raisons de ses actions – se révèle au fur et à mesure du récit.

Cependant, on pourrait reprocher au film de ne pas trop se détacher du roman originel et de parfois être incohérent : pourquoi la créature captive de Gunner ne s’échappe pas ? Appelle t-elle son espèce afin d’être sauvée ou est-elle obligée par Gunner d’attirer ses frères et sœurs vers une mort violente ? Tant de questions qui ne sont pas follement dérangeantes au final, Gens préférant montrer les parcours émotionnels de ses personnages plutôt que de tout miser sur le récit. Avec cette adaptation qui peut être vue comme une relecture lovecraftienne du mythe de la sirène, Xavier Gens délivre avec Cold Skin un film surprenant d’une certaine beauté. Une œuvre intéressante qui permet au réalisateur de faire son grand retour d’une façon pour le moins inattendue.


A propos de Mathieu Pluquet

C'est après avoir découvert Le Voyage de Chihiro, Blade Runner et L'Exorciste que Mathieu se passionne pour le cinéma; depuis cette passion ne l'a pas quitté. Sinon il aime les comics, le café et est persuadé qu'un jour il volera dans le TARDIS et rencontrera le Docteur (et qu'il pourra lui piquer son tournevis sonique). Ses spécialités sont la filmographie de Guillermo Del Toro, les adaptations de comics et le cinéma de science-fiction.


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2 commentaires sur “Cold Skin