Les dossiers Sadique-master


Après le web et le festival, Tinam Bordage continue son projet de domination omniprésente du monde artistique (spéciale kassdedi si tu me lis Tinam) en s’attaquant cette fois-ci à la littérature avec un livre-somme imposant et riche : Les dossiers Sadique-master, Dissection du cinéma underground extrême.

La philosophie dans l’urinoir

Maintenant qu’on est bien bien remis du festival Sadique-master que votre serviteur avait fouillé de fond en comble, tombant notamment amoureux de Atmo Horrox (film halluciné du Québec qui est un pays de genre à part entière, voir Les démons), on peut pas se reposer beaucoup plus finalement. Car Tinam Bordage infatigable sondeur du cinéma extrême nous propose un livre véritablement somme, au sens propre, intitulé Les dossiers Sadique-master, Dissection du cinéma extrême et publié chez l’excellentissime éditeur Camion Noir (face complémentaire du Camion Blanc musical pour ceux qui connaissent). Sur près de 540 pages, Bordage soutient le pari de livrer un catalogue analytique le plus complet possible de cette bête à mille têtes qu’est le cinéma underground extrême. Solidifié par l’érudition faisant par exemple la part belle aux références littéraires (évidement, Artaud, Baudelaire, Bataille…) de l’humour (il vaut mieux parfois vu les machins décrits) et une vraie posture analytique, l’auteur réussit tout d’abord ce qui paraissait le plus difficile : définir le cinéma extrême.

Balancé facilement, le terme « extrême » peut en effet tout et rien dire.. Ou pouvait toutefois, car Bordage le replace, de manière assez simple, en ce qu’il signifie questionner voire littéralement défoncer les limites de la société dans laquelle il naît. Frontières morales, religieuses, psychologiques, ésotériques mais aussi sentimentales ou physiques. Tout, dans cette idée, a ainsi du sens, au moins un certain sens, même les délires sado-uro-scato-émétophiles d’un Vomit Enema Ecstasy (ne googlisez pas, un conseil) : nous propulser face à nous-mêmes et à ce qu’on a défini comme les marges de notre construction, collective et personnelle. Car là est la dialectique incontournable de la définition de la marginalité est forte et le livre l’épouse tout à fait, n’hésitant pas non plus à faire des embardées vers le cinéma plus mainstream (avec des cinéastes comme Pier Paolo Pasolini, of course) : la marginalité permet à la norme de tenir, et la justifie et permet de s’y retrouver, comme la marge structure la feuille. Le cinéma extrême, et par extension le bouquin de Bordage permet un voyage dans cet extrême sans avoir besoin de prendre les risques cinématographiques de la vision des œuvres.

Rendre justice au septième art extrême en lui donnant un socle intellectuel et en livrant un inventaire complet « genres » par genres (du tortur porn à la pornographie en passant par le fake snuff et l’éventuel vrai), Tinam Bordage y parvient autant que possible. Après Les dossiers Sadique-master a les défauts de ses qualités. Imposante bible (lol), le livre s’apparente réellement à un catalogue analytique qui se prête assez peu à la lecture d’une traite, sauf pour les mordus et/ou particulièrement intéressés comme moi-même et la plupart de ceux qui suivent le travail de l’auteur. Pour le simple curieux, une lecture ponctuelle, piochante, est largement préconisée, pour profiter au mieux de la richesse d’informations et d’idées de l’ensemble. Du reste, l’effet listing est régulièrement contre-carré par une subjectivité assumée, se permettant de passer plusieurs pages sur un seul cinéaste à l’image d’Adam Rehmeir…Camion Noir et Tinam Bordage proposent bel et bien avec Les dossiers Sadique-master, Dissection du cinéma underground extrême une plongée complète, très informative, troublante et drôle parfois, mais surtout unique en France.

 


A propos de Alexandre Santos

En parallèle d'écrire des scénarios et des pièces de théâtre, Alexandre prend aussi la plume pour dire du mal (et du bien parfois) de ce que font les autres. Considérant "Cannibal Holocaust", Annie Girardot et Yasujiro Ozu comme trois des plus beaux cadeaux offerts par les Dieux du Cinéma, il a un certain mal à avoir des goûts cohérents mais suit pour ça un traitement à l'Institut Gérard Jugnot de Jouy-le-Moutiers. Spécialiste des westerns et films noirs des années 50, il peut parfois surprendre son monde en défendant un cinéma "indéfendable" et trash. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/s2uTM

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