Robot Monster


La chaîne franco-allemande Arte ouvre sa programmation à un cycle « L’art du nanar », à la télévision, en replay et en VOD : parmi les webdocumentaires et quatre films proposés, Fais Pas Genre se penche sur « l’œuvre » de science-fiction Robot Monster, un sacré cas.

Le scaphandre et le gorille

Aaaaaaaaaaaaaaaah la science-fiction des 50’s, entre paranoïa nucléaro-soviétique, produits fauchés pour drive-ins méga-consommateurs, et chef-d’œuvres qui payent pas de mine ! Hormis quelques pépites, la décennie n’est pas vraiment considérée comme la meilleure en qualité, tant les comparaisons a posteriori ne peuvent souvent tourner qu’en sa défaveur (tous les films n’ont pas la même force relativement intimiste de L’invasion des profanateurs de sépulture pour faire le poids face à la puissance plastique d’un Alien). Il faut néanmoins profiter de l’occasion présentée par le cycle « L’art du nanar » pour balancer une vérité sur la considération injuste de la SF des années cinquante, en particulier sur ses nanars. Pour prendre un exemple parlant, lorsqu’on lit que Plan 9 from outer space est un des voire LE film le plus mauvais de l’histoire du cinéma, il faut bien avoir à l’esprit que ce jugement est un statut d’universitaires ou de journalistes dopés au cinéma de maître et d’auteur. A quiconque aura un goût plus ouvert et prononcé pour le cinéma de genre ou ce que le septième art peut avoir d’extrême, le célèbre film d’Ed Wood ne saurait apparaître autrement qu’un long-métrage simplement maladroit, bardé dé défaut, mais plus digne de sympathie que bien, bien des merdes largement plus opportunistes et dénuées de la moindre envie ou tendresse envers le cinéma. Il y a des milliards de films qui sont pires que ces nanars des années 50, mais ceux-là, l’intelligentsia stupide qui décerne le triste prix de « pire film de… » ne les verra jamais, bien calée dans sa zone de confort cinéphile… Robot Monster, tourné en 1953, est aussi considéré comme un des pires films de science-fiction de tous les temps mais nous est proposé par la tendresse et l’ouverture d’esprit d’Arte, qui sait faire des merveilles (on oublie pas qu’elle a été la première chaîne hertziennne française à diffuser Breaking Bad n’est-ce pas).

Une famille composée de deux parents (homme et femme, ouf on se garde le lectorat de la Manif pour tous) et de leurs trois enfants (un petit garçon, une petite fille, et une bonne meuf de genre 19 ans) est, grâce au papa scientifique, la seule survivante d’une attaque extra-terrestre visant à décimer la population terrienne. Un spécimen de la race extra-terrestre belliqueuse est envoyé sur Terre pour finir le travail et buter sa mère aux cinq (six en fait, puisque le boyfriend de la bonne meuf de 19 ans est aussi de la partie) humains qui veulent pas crever. Maîtrisant une technologie « avancée » Ro-Man, le nom de l’alien, a la particularité physiologique d’avoir un corps de gorille et un scaphandre à la place de la tête et est tenu en échec par les humanoïdes, suscitant la colère de sa hiérarchie…Vous l’aurez compris, tous les ingrédients sont là pour avoir un bon petit nanar SF des 50’s : scénario avec très peu de personnages et se déroulant dans une vallée déserte pour limiter TOUS les coûts, monstre ridicule, et sous-texte atomique métaphorisé avec non pas une grosse cuillère mais une putain de truelle. Le jeu d’acteur est outré, le suspense absent, les effets spéciaux dignes d’un George Mélies (ce qui est pas mal…Si on tourne son film en 1898, moins en 1953) mais évidemment, une affection mêlée de nostalgie pointe son nez dès les premières minutes du générique : ce regret d’un cinéma naïf, à l’époque du tout numérique parfait et de plus en plus factice.

Même dans le fouillis des productions de l’époque, conçues en nombre pour alimenter les circuits tels que les drive-in, Robot Monster a été particulièrement remarqué, ou conspué, pour être plus précis. Il est vrai qu’avec un budget de 16 000 dollars, on aurait quand même pu espérer un peu mieux et pas avoir l’impression qu’on se fout de notre gueule, à l’image du costume de Ro-Man dont la raison d’être est simplement que le réalisateur, Phill Tucker, avait un ami qui avait déjà un costume de gorille et qu’il a juste rajouté un scaphandre pour faire plus « science-fiction ». Cela prête à sourire, comme tout Robot Monster, malheureusement ça n’a pas été le cas pour Tucker, qui visiblement pensait réaliser une vraie œuvre de cinéma et a fait une tentative de suicide après la réception catastrophique de son bébé…Le septième art est un monde cruel, mais vous pourrez toujours vous en réjouir en regardant les autres films du cycle « L’art du nanar » que sont Clash of the Ninjas (Godfrey Ho, 1986), L’espion qui venait du froid (Mario Bava, 1966) et La Momie Aztèque contre le robot (Rafael Portillo, 1958) déjà chroniqué en nos pages !


A propos de Alexandre Santos

En parallèle d'écrire des scénarios et des pièces de théâtre, Alexandre prend aussi la plume pour dire du mal (et du bien parfois) de ce que font les autres. Considérant "Cannibal Holocaust", Annie Girardot et Yasujiro Ozu comme trois des plus beaux cadeaux offerts par les Dieux du Cinéma, il a un certain mal à avoir des goûts cohérents mais suit pour ça un traitement à l'Institut Gérard Jugnot de Jouy-le-Moutiers. Spécialiste des westerns et films noirs des années 50, il peut parfois surprendre son monde en défendant un cinéma "indéfendable" et trash. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/s2uTM

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