Alfred Hitchcock Presents – Saison 3 1


Elephant Films continue sur sa lancée et complète son ambitieux projet de réédition intégrale des épisodes d’Alfred Hitchcock Presents par un troisième volume, un coffret violet plutôt engageant, avec bonus et frissons à la clé. L’occasion de (re)découvrir une moitié pas si immergée de l’empire hitchcockien.

Cadavres sur Canapé

On a souvent tendance à oublier qu’il fut un temps où, pour la majorité des gens, Hitchcock n’était pas l’éminent auteur de Vertigo (1958) ou Psycho (1960) mais “le gros bonhomme de la télévision”. Son œuvre télévisuelle, longtemps sous-évaluée parce que considérée comme alimentaire, est en grande partie responsable de son immense succès et de son accès à une postérité mondiale. Il ne serait donc pas très sérieux aujourd’hui, d’évaluer la carrière du maître en négligeant Alfred Hitchcock Presents : s’il n’en a écrit que quelques épisodes, la série est symptomatique de son ambition et de son projet global d’un empire du suspense. La saison 3 comporte 39 épisodes dont 15 inédits en France (qui n’étaient pas diffusés à la télévision à l’époque), d’environ 25 minutes chacun, comme pour les autres saisons. Le format passera à 50 minutes lorsque la série sera rebaptisée The Alfred Hitchcock Hour en 1962. A l’époque, notre bon vieux Hitchcock incarnait une sorte de star tous médias confondus. Presque aussi populaire que Mickey Mouse, son patronyme était prétexte à vendre toutes sortes de produits dérivés pour rentabiliser un max sur une persona devenue un infaillible argument marketing : des multiples recueils de nouvelles horrifiques à la publication mensuelle de The Hitchcock Mistery Magazine, en passant par la série qui dura quand même plus de 10 ans, le visage jovial de Hitch s’exhibait sur tous les fronts. Cette stratégie relevait d’une prise de conscience des studios de cinéma face à la sérieuse concurrence que commençait à incarner la télévision de masse. Progressivement, comprenant l’inévitable déclin de fréquentation des grands écrans, les majors commencèrent à investir dans le domaine télévisuel. En 1955, la MCA – une société d’artistes qui voyait en la télévision un moyen de s’emparer d’Hollywood – a l’idée d’utiliser l’image d’Hitchcock pour attirer le public. Quelques années plus tard, commence la diffusion de The Twilight Zone, sur une autre chaîne, aux mêmes horaires, et la figure de Rod Sterling vient concurrencer papa Hitch, d’autant plus qu’il incarne un auteurisme bien plus affirmé, en scénarisant lui-même 92 épisodes de la série et popularisant le dispositif narratif du plot-twist, dont il fait sa marque sérielle. La quatrième dimension, en version française, aura une influence fondatrice sur tout un panel de cinéastes qu’on affectionne particulièrement chez nous (parmi eux, John Landis, Joe Dante, Steven Spielberg et George Miller en livreront une déclinaison sur grand écran). Ces deux grandes séries d’anthologie (une histoire différente par épisode) ouvriront la voie à tout un tas d’autres lorgnant plus ou moins vers le genre comme Tales from the Darkside (1983-1988, du grand Romero), Tales from the Crypt (1986-1996, prochainement rebooté par M. Night Shyamalan : brace yourself !) ou encore Au delà du réel (1995-2002).

Dans cette saison 3 comme dans les autres, la recette est identique : au générique, les notes emblématiques de la “Marche funèbre d’une marionnette”, qu’Hitchcock entendit la première fois lors d’une projection de L’aurore (1927) de Murnau, dont c’était la bande sonore, puis sa reconnaissable silhouette ronde qui se superpose à une caricature de lui-même qu’il dessina lui-même lors d’un anniversaire (#clubPicasso). Dans chaque épisode, des personnages banals (auxquels le spectateur lambda peut plus facilement s’identifier), et un “retournement macabre” à la fin pour, comme il le dit lui-même, “explorer les allées sombres du comportement humain”. Mais le plus emblématique, ce sont encore les petites séquences d’introduction et de conclusion aux épisodes, où le grand, le pitre Hitchcock, se livre à des sketchs écrits par James B. Allardice, qui écrivait aussi pour Jerry Lewis et à qui on doit donc l’humour macabre attribué au maître. Des simples bonsoirs (“Good evening télévision addicts !”) aux absurdités frôlant les confins du compréhensible, la british touch fait mouche et on attend ces petites bulles d’insolite, souvent sans aucun rapport avec les récits qu’elles ponctuent, avec presque plus d’impatience que les épisodes. Dans l’épisode 3, Hitchcock grimé en Sherlock Holmes nous accueille d’un “Good evening Watson wherever you are !”. A la fin de l’épisode, on le retrouve en train de faire des bulles de savon avec sa pipe : “C’est exactement la raison pour laquelle je ne prends jamais ma pipe au lit : if you fall asleep you can be bubbled to death”. Dans l’épisode 5, Hitchcock nous salue en tenue de détenu : “Good evening fellow inmates (…) J’ai été arrêté par la brigade des poids et mesures pour avoir menti sur mon poids. La tenue est une idée de mon tailleur : non seulement les rayures m’amincissent mais elles empêchent les gardiens de savoir où les barreaux s’arrêtent et où je commence. J’ai un costume différent pour chaque jour et sur chacun les rayures sont plus serrées. Dans 10 jours j’ai l’intention de disparaitre complètement.” Dans “La nuit de l’exécution“, il joue avec une pomme qui s’avère finalement être une grenade explosive, et la jette sur une vieille dame innocente, sans se départir de son flegme légendaire. Plus fort encore que ces embardées absurdes – voire carrément politiquement incorrectes – Hitchcock se moque régulièrement des commanditaires et leurs spots publicitaires en les incluant directement dans le dispositif, soit dans ses séquences d’introduction – “J’aimerais vous montrer une autre arme mortelle. Utilisée en large quantité, elle peut ennuyer une personne à mort !” annonce-t-il dans l’épisode 4 juste avant la coupure pub – soit dans le récit lui-même : l’épisode 21, “Invité pour le petit-déjeuner“, débute par un travelling descriptif des gestes du matin, en une parfaite parodie de réclame du nécessaire de la parfait ménagère. Cette irrévérence ludique ne l’allège pas d’une bonne vieille misogynie désuète comme on les aime : dans cette saison 3, lorsque les femmes ne sont pas vénales, elles sont soit folles soit frivoles. L’épisode “The Young One” (réalisé par le grand Robert Altman) introduit la jeune Carol Lynley en nymphette délurée, qui ne veut plus boire de limonades et flirte avec bien plus vieux qu’elle. Les sous-entendus sexuels sont gros comme des maisons, et tout ça cinq ans avant le Lolita (1962) de Kubrick ! Il semblerait que c’est à la télévision que les choses bougent !  Dans l’ensemble, les dialogues des mesdames et messieurs-tout-le-monde brillent d’une intelligente ironie, souvent tendre, quelques fois grinçante, et on se prend souvent à en rire.

Mais le jovial Hitchcock se fait parfois plus sérieux, notamment qu’on en vient aux thèmes du combat contre le fascisme, ou encore celui des blessés de guerre, comme le démontre le très mélancolique épisode 22, “The return of the hero“. L’unique effet comique ici est involontaire : le récit prend place dans un petit café français, ce qui occasionne immanquablement l’accent prononcé et risible que les Ricains nous attribuent. On y retrouve Susan Kohner, la Sarah-Jane de Mirage de la vie (1959, Douglas Sirk), en amoureuse éplorée d’un soldat tout juste sorti de l’hôpital. Il passe un appel à ses aristos de parents pour leur demander d’inviter au manoir un ami du front, qui a perdu une jambe en volant à son secours… Le registre de cette saison se révèle donc très varié, digressant parfois du label “petits meurtres à l’anglaise” et autres enquêtes policières pour virer à la comédie de mœurs, voire au mélodrame (dans “The festive diner” par exemple). On y retrouve des têtes connus du harpail hitchcockien, notamment Jessica Tandy (Les oiseaux), Joseph Cotten (L’ombre d’un doute) ou encore Barbara Bel Geddes (Sueurs froides). La petite famille Hitchcock s’étend aussi aux métiers techniques : le directeur de la photo et la maison de production de Psychose interviennent déjà dans la conception de cette troisième saison. Pour François Guérif, Psychose est l’équivalent cinématographique d’un épisode d’Alfred Hitchcock Presents : on y retrouve la même esthétique gothique, l’art de la chute et du rebondissement propres à son œuvre télévisuelle. Le fameux décor de la maison est d’ailleurs utilisé à plusieurs reprises dans la série, question d’économie des studios. Enfin, l’affreux plombier vicieux de l’épisode 11 (“Chantage“), qui s’introduit dans les foyers pour rôder dans les douches et intimider les épouses esseulées, est un Norman Bates avant l’heure, en plus voyou et moins psychopathe. La série est donc à la fois pour Hitchcock le moyen d’étendre son royaume du suspense, mais aussi un laboratoire d’expérimentations au sein duquel il teste, répète et affine des motifs qu’il utilisera ensuite au cinéma.

A défaut de pouvoir livrer une critique exhaustive des 39 épisodes, je vous parle du plus faispasgenrable de tous : dans “La sirène de brume“, une jeune femme fiancée à un ennuyeux vieillard rencontre, un soir de bal brumeux, un homme séduisant dont elle s’éprend instantanément. Mais il s’avère marié, et elle ne le re-croisera que bien des années plus tard, à Chinatown, au détour d’un épais brouillard dont jaillissent les créatures improbables d’une procession costumée. Les amants impossibles contractent un pacte d’amitié, qu’ils placent sous le signe de ce brouillard qui ponctue leurs rencontres..Le brouillard, mauvaise augure nébuleuse, signe de l’inexorable malédiction qui ploie sur les amants maudits depuis le premier jour de leur rencontre, hante tous les plans de l’épisode et jusqu’au hors-champ qui les relie, puisque les souvenirs de la conteuse deviennent flash-backs lorsqu’une fumée blanche encercle son lit, vieille femme à l’hospice. Incarnation du tragique lorsqu’il dissimule le visage de l’homme et annonce sa mort prochaine, le brouillard devient phénomène maléfique dans cette hallucinante séquence du bateau fantôme qui, en tant que fidèle de John Carpenter, ne pouvait que m’interloquer. Je savais déjà que Big John s’était explicitement inspiré des Oiseaux (1963) pour réaliser The Fog (1980) : l’un des personnages du film mentionne d’ailleurs Bogeda Bay, le port de la petite bourgade inventée par Hitchcock. Mais, connaissant la familiarité de Carpenter avec le petit écran, et face à la la puissance d’évocation horrifique de cet épisode, je mettrais ma main à couper qu’il s’est aussi beaucoup inspiré de “La sirène de brume” pour ce récit de brouillard maléfique et maudit. Une fois la saison avalée, il ne faut pas non plus passer à côté du bonus du dernier DVD : l’entretien avec François Guérif, éditeur chez Rivages noirs, apporte un éclairage bienvenu sur l’armada de scénaristes qui œuvraient sur la série dans l’ombre du maître : parmi eux, Andrew Serl (épisode 22, “Le retour du héros“) – scénariste de Tempête sur la colline (Douglas Sirk, 1951), Le violent (Nicholas Ray, 1950) et Le mystérieux docteur Korvo (Otto Preminger, 1949) -, Ira Levin, auteur du roman Rosemary’s Baby, William Irish qui a écrit les romans à l’origine de Fenêtre sur cour (1954) mais aussi de La mariée était en noir (1968) et La sirène du Mississippi (1969) qu’adaptera plus tard le fan n°1 d’Hitchcock, Truffaut-, Henry Slesar -un publicitaire auteur de cinq romans et de centaines de nouvelles, connu pour son humour macabre, son esthétique gothique et son art de la chute -, Alec Copel, scénariste de Sueurs Froides et de La Main au collet (1955) ou encore, bien sûr, Roald Dahl. Guérif explique que les auteurs étaient primordiaux aux yeux d’Hitchcock, et que ce dernier, loin de toute condescendance, portait un regard avenant sur tous ces disciples d’un empire qu’il cherchait à bâtir, par toutes les voies envisageables (cinéma, télévision, littérature, comics …), et dont il s’auto-proclamait “patriarche du suspense”.

Cette primauté des scénaristes dans la série relève d’une véritable théorie hitchcockienne de la télévision. Dans un entretien pour les Cahiers du cinéma, Hitchcock explique sa conception du médium : c’est, selon lui, du cinéma simplifié, du théâtre photographié (un avis partagé par la majorité des productions de l’époque : la plupart des “dramatiques” étaient ainsi des adaptations filmées de pièces déjà existantes) qui ne nécessite pas de plans compliqués (qui seraient de toute manière imperceptibles sur un écran de 30 cm² en N&B). En somme, la mise en scène importe moins que l’histoire, qui est elle primordiale. Et c’est en cela qu’on ne peut prétendre un mépris d’Hitchcock envers ce médium souvent jugé inférieur au cinéma : s’il accorde peu de crédit à la réalisation télévisuelle, il considère les scénarios de sa série comme bien plus riches et plus purs que ses scénarios de cinéma. Hitchcock confie préférer de toute la série l’épisode 28, “Lamb to the slaughter”, en français “L’inspecteur se met à table“, qu’il a réalisé lui-même d’après un scénario de Roald Dahl (qui séduisit le maître par ses savoureux recueils de nouvelles, Bizarre ! Bizarre ! et Kiss Kiss, et scénarise aussi l’épisode “Dip in the pool” de la même saison), dans lequel une femme assassine son époux à coup de gigot congelé. Sans se départir de son calme, l’ingénieuse ménagère met le gigot à cuire au four, et invite plus tard à dîner l’enquêteur venu enquêter sur le crime, lequel déguste sans le savoir l’arme du crime. En bonus, Jean-François Rauger – directeur de la programmation à la Cinémathèque française et par ailleurs spécialiste du cinéma fantastique – décrypte l’épisode, images à l’appui. C’est selon lui, une démonstration exemplaire de la figure de la mère en tant que personnage de terreur chez Hitchcock : lorsqu’elle ouvre son four, le rôti fait office d’embryon. Cette interprétation de Rauger est intéressante en ce qu’elle met en lumière une tendance très récurrente de la série, même si elle ne plonge pas proprement dans l’horreur, à donner des auras étranges et inquiétantes à de simples objets du quotidien. On connait déjà la propension d’Hitchcock dans ses films à une valorisation surréaliste des objets qui, au-delà de simples macguffins, deviennent parfois, par la force du gros plan, d’immenses apparitions sur l’écran, frisant l’abstraction, des monstres du quotidien à l’inquiétante étrangeté. Dans la série, cette figure de style est démultipliée : des objets bizarres, à la frontière de l’identifiable, parsèment l’environnement des personnages et hantent leur quotidien de classe moyenne, font ployer au sein même de leurs petits pavillons proprets la menace du mal et de sa propagation comme un rôti-métaphore de chair humaine donc, mais aussi un œil de verre (“The Glass Eye“, épisode 1), une angoissante valise en crocodile (de l’épisode éponyme, 34ème de la saison), un vase en céramique humaine (constitué avec les os d’une victime réduits en poudre dans l’épisode 3, “Crime parfait“), et j’en passe et des meilleures… Une représentation des objets qui peut mener le spectateur à s’inquiéter sur son propre mobilier : le téléviseur devant lequel il s’installe chaque soir, dans la chaleur de son foyer, n’est-il pas lui aussi un étrange objet, qui contamine la pièce de sa lueur blafarde, un petit temple du mal qui répand ses ondes maléfiques dans l’espace clos du salon, mêlant ses images intruses à notre intimité ? Un objet d’autant plus terrifiant qu’il n’est pas seulement regardé mais surtout regardant, comme Hitchcock le démontre régulièrement par ses pitreries brisant le quatrième mur : il adresse souvent à son spectateur des apostrophes moqueuses du genre “Je pensais qu’il était d’usage de regarder la télévision habillé.” et autres remarques de connivence, notamment lorsqu’il nous demande, un parapluie à la main, d’ôter “ce bocal à poissons posé sur le téléviseur”.

La série d’Hitchcock se révèle donc par bien des aspects tout aussi réflexive que ses films, et offre autant de voies d’interprétation. Jean Douchet interprétait Fenêtre sur cour comme une métaphore du cinéma, en considérant la carrière bicéphale d’Hitchcock, il est tentant d’en faire de même avec la télévision : le personnage de James Stewart observe plusieurs fenêtres, qui sont autant de chaînes de télévision, avec leurs registres et leurs programmes variés (les ébats du couple de jeunes mariés en guise de téléfilm érotique des horaires nocturnes, le mélodrame “Miss Lonelyheart” de la vieille fille, l’émission musicale et mondaine de la jeune danseuse, la retransmission de concert classique que livre le voisin compositeur ou encore le thriller du crime qui se déroule en face), entre lesquelles son regard aimanté suit un mouvement de va-et-vient, à la manière du zapping offert par une télécommande. En regardant Alfred Hitchcock Presents, et le spectacle de cette banalité court-circuitée par des évènements morbides ou étonnants, on se dit que chaque vie développée par épisode aurait pu faire l’objet du regard inquisiteur de James Stewart. Serait-il intervenu pour donner une voix au “Témoin silencieux” (épisode 5) et dénoncer le tueur de baby-sitter ? Aurait-il empêché l’issue funeste de “La nuit de l’exécution” (épisode 13) ? Tous ces personnages ressemblent en tout cas à s’y méprendre aux voisins qu’il aurait pu avoir.

La série d’Hitchcock n’est pas de celles qu’on binge-watche. Déjà, parce que ce sympathique feuilleton d’un autre temps n’est pas conçu sur le modèle auquel nous sommes habitués. Beaucoup de temps s’est écoulé depuis que les séries, pour fidéliser les spectateurs trop volages, ont pris un chemin feuilletonant (c’est à dire, une intrigue qui se poursuit d’un épisode à un autre, d’une saison à l’autre). On assiste depuis peu à un retour à l’anthologie, mais sous une forme intermédiaire : les intrigues et les univers varient entre les saisons, mais le spectateur a quand même le temps de s’attacher aux personnages à l’échelle d’une saison : Fargo, True Detective et American Horror Story pour ne citer que les plus connues. Les séries d’anthologie aux épisodes autonomes se font quant à elles beaucoup plus rares, à l’exception de Black Mirror, la dystopie chic et choc en téléfilms d’1h00. Ensuite, parce que s’engouffrer d’une traite 39 épisodes aux schémas répétitifs – et à la qualité, il faut le dire, un peu variable – n’est pas option très ingénieuse. Alfred Hitchcock Presents doit être savouré, et pourquoi pas distillé semaine après semaine pour se remettre dans les conditions d’époque. Il faut considérer chaque épisode comme un petit objet étrange, pas forcément un bijou – ou alors une de ces pierreries en toc au charme insolite qui poussent à la curiosité – une parenthèse d’humour noir et de désuétude, qui prend son temps et trébuche souvent, loin des standards des programmes actuels. D’où l’intérêt de se procurer les saisons intégrales en coffrets, pour pouvoir piocher à loisir et en fonction de l’humeur du jour parmi les titres, qui sont des poèmes à eux tout seuls (“La sirène de brume“, “Bull in a China Shop“, “Le courrier prophétique“, “Lamb to the slaughters“…), ou bien laisser son doigt glisser le long des tranches colorées et s’arrêter au hasard sur un DVD, puis le visionner comme on visite un cabinet de curiosités. Un remède infaillible contre l’humeur maussade des jours de pluie, et un échappatoire à ces après-midi d’été cuisantes vers la salvatrice fraicheur du salon. Notez que le jeu en vaut la chandelle, puisque le dernier épisode de la série est réalisé par un autre maître qui fait pas genre, William Friedkin lui-même. Par ailleurs, on s’agite en milieu informé au sujet d’un reboot de la série, approuvé par les ayant-droits d’Hitchcock, sous le titre Welcome to Hitchcock. Ce serait dommage d’accueillir la version 2.0 sans avoir goûté à l’ADN original (un peu comme regarder Bates Motel – dont la saison 5 vient de s’achever – sans avoir vu Psychose). En bref, la saison 3 d’Alfred Hitchcock Presents est un rôti du dimanche : un rituel hebdomadaire à la cuisson aléatoire, un plat rassasiant aux multiples usages, aussi bien banals que meurtriers.


A propos de Bortolotti Marie

Marie aime autant "L'antre de la folie" que "Les demoiselles de Rochefort" et a configuré Netflix en page d'accueil de son navigateur. Sa consommation de café et de donuts dépasse celle de Dale Cooper et Dexter Morgan réunis. Si elle faisait partie d'un groupe de rock, il s'appellerait Voodoo Bullshit. Spécialiste série au sein de la rédaction, Marie est aussi incollable sur Ghibli et John Carpenter.


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