Les Gardiens de la Galaxie – Vol.2 5


Alors que la concurrence tente d’imposer une noirceur cool qui fait flop, Marvel continue de creuser dans le sillon du super-héros movie pop et coloré avec ce deuxième volet des Gardiens de la Galaxie. Comme souvent avec les films Marvel, on ne résistera pas à vous en dévoiler ressorts et intrigues, aussi, passez votre tour si vous ne l’avez pas encore vu.

Mon papa à moi est une planète

Depuis plusieurs années, les studios Warner et Disney se livrent une guerre sans merci à grand coup de franchise super-héroïque, les premiers ayant longtemps joué avec leur catalogue DC Comics la carte de la noirceur et de films plus adultes et torturés. Après le succès de la trilogie The Dark Knight (Christopher Nolan, 2005-2012) le studio n’eu de cesse d’essayer de refaire monter une mayonnaise qui vraisemblablement ne parvient plus à prendre. En conséquence, le virage effectué par Warner et DC avec le pitoyable Suicide Squad (David Ayer, 2016) semblait largement lorgner sur les plates-bandes de Marvel en trempant leurs personnages dans un vernis de pop culture fun et bad-ass. Depuis sa création, le Marvel Cinematic Universe se démarque en effet de la concurrence par sa proportion à s’amuser des codes du genre, les détourner, s’en moquer parfois, dans un grand délire méta. Si certains films de super-héros récents de l’écurie Marvel ont parfois pu tanguer vers une noirceur que l’on trouvait jadis davantage dans les productions DC Comics – voir des films comme Thor : The Dark World (Alan Taylor, 2013), Captain America : The Winter Soldier (Joe & Anthony Russo, 2014) ou encore Captain America : Civil War (Joe & Anthony Russo, 2016) – la patte Marvel semble davantage s’exprimer dans la gouaille du personnage de Iron Man (2008-2010-2013) incarné par Robert Downey Jr. Qu’on se le dise, la révolution concrète du style Marvel doit largement à un petit ovni, sorti en 2014, mettant en scène une équipe d’outsiders très peu connus alors du grand public : Les Gardiens de la Galaxie. En allant dégoter le réalisateur James Gunn, le studio jouait la carte d’un cinéma mal-poli, fun, décomplexé. Véritable carton planétaire, le succès du film eut un impact significatif sur les autres films du studio, qui se retrouvèrent tous à des degrés différents perfusés de son humour, de son souci du kitsch et de son art de la punchline. A l’exception des films cités plus haut, on retrouve en effet dans des films comme Ant-Man (Peyton Reed, 2015), Doctor Strange (Scott Derrickson, 2016) la même ADN que dans le film de James Gunn, qu’on peut déjà par ailleurs sentir poindre, au regard de leurs bandes-annonces dans les deux prochains films à venir : Spider-Man : Homecoming (Jon Watts, 2017) et Thor : Ragnarok (Taika Waititi, 2017) dont les liens de parentés semblent toujours plus forts avec l’esthétique kitsch et so 80’s des Gardiens.

Attendu comme le messie, ce deuxième volet des aventures de Star-Lord, Gamorra, Drax, Groot et Rocket Racoon risquait sur le papier, disons-le, de décevoir, tant le premier film s’était imposé immédiatement comme LA référence des films de super-héros. On attendait surtout de savoir comment James Gunn allait pouvoir se dépatouiller de la nécessité de raccrocher les wagons de son odyssée spatiale avec l’autre partie des films du MCU, plus terriens : puisqu’on le sait, les deux équipes – les Avengers et les Gardiens – seront amenés à se réunir dans le prochain Avengers : Infinity War (Joe & Anthony Russo, 2018) pour ce qui s’annonce déjà comme le carnaval de super-héros de l’écurie. Mais alors que l’on pouvait craindre un énorme épisode d’introduction prétexte à cette réunification, James Gunn nous prend complètement à contre-pieds en livrant un film qui tend moins à préparer le terrain pour la suite qu’à développer l’histoire et la psychologie de ses personnages. En effet, dans cet épisode, l’accent est mis sur les relations sentimentales, amicales, fraternelles et familiales de nos héros. Qu’il s’agisse de l’histoire d’amour impossible entre Gamorra et Peter Quill aka StarLord, la crise existentielle de Rocket, la trajectoire toute particulière de Drax qui trouve ici un nouveau love-interest en la personne de Mantis, la relation conflictuelle entre les deux sœurs que sont Gamorra et Nebula et enfin le retour aux sources d’un Groot redevenu bébé – ce qui fait dire à ta meuf des phrases décontenançantes telle que “Ohlala il est pipou-mignon comme Benoit Hamon” – tous les personnages sans exception ont le droit à un développement psychologique plus conséquent. A ce titre, le sujet central du film, qui reste quand même la quête de Peter pour retrouver son père (ou plutôt l’inverse, puisque c’est plutôt le père qui veut retrouver son fils) converge dans ce sens.

Si d’une certaine manière on se réjouira qu’un film de super-héros s’autorise à développer la psychologie de ses personnages – quand au contraire, souvent, le genre ne donne pas vraiment l’exemple en la matière – cette qualité tourne parfois au vinaigre, tant le film souffre à plusieurs endroits de menues longueurs, toutes, pour la plupart, induites par ses séquences psychologisantes. La structure même du film décontenance, puisque Gunn s’amuse à ne pas dévoiler d’emblée le réel méchant du film, ce qui donne lieu, pendant plus des deux tiers du métrage, à une histoire sans autres enjeux apparents, précisément, que cette volonté d’aborder plus en profondeur les personnages. De fait, pendant presque une heure trente, le film ressemble plus à un soap-opera qu’à un space-opera, une dichotomie qu’il partage avec certains épisodes de la saga Star Wars. Ce qu’on semble vouloir nous dire, c’est que dans l’immensité de la Galaxie, la toute petite sphère familiale continue d’exister et cela même quand votre père est littéralement une planète. On y vient, ne maugréez pas si vous vous faites gâcher le film dans les prochaines lignes, parce que cela veut dire que vous avez sauté l’encart du haut qui vous en avertissait. Dommage pour vous… L’une des grandes surprises du film réside donc dans son méchant, probablement le plus incroyable des vilains que le Marvel Cinematic Universe ait jusqu’alors donné à voir. Incarné par l’indémodable Kurt Russell, le papa de Peter ‘StarLord’ Quill – toujours impeccablement incarné par le rigolo Chris Pratt – se révèle être Ego, un être surpuissant, un demi-dieu en somme, dont la particularité est de manier l’énergie et de façonner les choses selon son bon vouloir. Cette faculté lui a permis notamment de fabriquer une planète qui est une extension directe de son propre corps. Le dessein démoniaque du papounet se révèlant seulement dans le dernier tiers lorsque l’on découvre que Peter Quill n’est qu’un des nombreux marmots qu’il a eu par-delà la Galaxie, et une marionnette de plus pour permettre à Ego d’envahir chaque êtres vivants, chaque planètes, en les annexant de sa propre présence. En d’autres termes moins alambiqués, le mec peut aspirer n’importe qu’elle planète pour s’en faire des couilles. Voyez le concept.

Pour le reste, le film remporte une nouvelle fois la mise grâce à la malice de son réalisateur, toujours habile lorsqu’il s’agit de pirater le genre pour en faire une gigantesque potacherie pop ultra référencée. Avec son esthétique héritée des clips des années 80’s, sa bande-originale complètement pétée, sa proportion démesurée à manier le kitsch – des costumes aux maquillages – et à offrir au spectateurs des caméos aussi savoureux que ceux de stars des années 80 en la personne, mesdames messieurs, de Sylvester Stallone et David Hasselhoff, Les Gardiens de la Galaxie Vol.2 rafle une nouvelle fois la mise. En évitant l’écueil de la contamination des univers des autres productions Marvel sur la sienne, James Gunn prouve à nouveau que le monde qu’il a façonné autour de ses personnages est puissant et a plus pour vocation, comme Ego le fait, à coloniser les autres mondes qu’à se laisser gangréner. La préservation de cette singularité, précieuse pour le MCU, sera l’enjeu principal de leur autre réunion de famille qui se profile en 2018.


A propos de Joris Laquittant

Sorti diplômé du département Montage de la Fémis en 2017, Joris monte et réalise des films en parallèle de son activité de Rédacteur en Chef tyrannique sur Fais pas Genre (ou inversement). A noter aussi qu'il est éleveur d'un Mogwaï depuis 2021 et qu'il a été témoin du Rayon Bleu. Ses spécialités sont le cinéma de genre populaire des années 80/90 et tout spécialement la filmographie de Joe Dante, le cinéma de genre français et les films de monstres. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/sJxKY


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