Hi8 Resurrectio


L’heure tardive n’a pas empêché la rédaction de Fais Pas Genre de jeter un œil vif sur le film de Stefan Sierecki Hi8 Resurrectio, rejeton allemand de A Serbian Film et en compétition du Sadique-master Festival.

La cinéphilie

Le succès du tortur-porn aura peut-être eu au moins ce mérite : renouer avec un cinéma d’exploitation pur et dur, faisant fi de toute morale dans le seul but de choquer, d’aller plus loin encore que le précédent. On avait en réalité perdu cette fibre décomplexée et putassière, depuis les glorieuses 70’s et ces naissances aussi douteuses que la nazisploitation (de laquelle nous vous parlerons bientôt), le film de cannibales ou le mondo (sur le sujet, je conseille ô combien l’ouvrage somme de Sébastien Gayraud et Maxime Lachaud Mondo movies et films de cannibales : Reflets dans un œil mort) : c’est peut-être un détail pour vous, mais pour moi et bien d’autres cinéphiles, ça veut dire beaucoup. Le succès des Saw (2004-?) et autres a jeté sur les écrans des long-métrages ouvertement racoleurs, se concurrençant en cruauté et en ingéniosité morbide, parfois avec du sens (le premier Hostel est une satire corsée de l’américanisme, à l’image de ce qu’Eli Roth refera plus tard avec The Green Inferno…Film de cannibale tiens, comme par hasard) parfois d’un esprit uniquement commercial et bas du front (The Human Centipede, évidemment). A Serbian Film, quant à lui est un cas à part. Oui, il serait de mauvaise foi de prétendre que Srdjan Spasojevic a conçu son bébé de manière totalement désintéressée et dépourvu du cynisme relatif qu’il y a à faire du jusqu’au-boutisme un fond de commerce ou de communication. Cependant quoi qu’en disent ses détracteurs, si A Serbian Film n’est pas venu d’un autre pays, c’est qu’il y a peut-être une raison, et que l’argument qu’il est une expression de rage et de dégoût émanant d’un État gangrené par une guerre passée, aux blessures encore vives, est tout à fait recevable… Ce point est une chose qu’on ne peut par contre pas lier à l’Allemagne, pays dont est originaire Hi8 Resurrectio, présenté en compétition durant la nuit Sadique-master Festival.

Présenté par Tinam Bordage, le directeur du festival, comme une parodie de A Serbian Film, Hi8 Resurrectio ne partage en fait que peu de choses avec son modèle. Steven est un réalisateur underground qui peine par conséquent à boucler le budget de son dernier projet (doit bien y avoir évidemment une part autobiographique là-dedans pour son réalisateur Stefan Sierecki, j’espère que c’est la seule) et répond à une annonce alléchante : une boîte de prod appelée 666 Films cherche des réalisateurs pour mettre en boîte des images : on en sait pas plus mais c’est bien payé. Steven se jette dedans la tête la première, et découvre avec effroi et vomi qu’on lui demande de filmer des espèces de snuff, auxquels il va participer d’abord malgré lui, puis sous l’influence d’une sorte de sort maléfique… Vous avez bien lu, et en l’état il n’a pas grand rapport en fait, avec le film de Spasojevic, si ce n’est qu’il partage la relative mise en abyme (le but est de faire une vidéo) et le goût pour les sévices sadiques, mais à part un petit coupage de bite oklm, pas aussi sexuels que dans A Serbian Film (un nourrisson violé étant déjà le summum). Il ajoute a contrario une touche fantastique (les patrons de Steven semblent être dotés d’un pouvoir particulier) qui sera appuyée dans le dernier quart d’heure, et qui est elle, complètement absente de son modèle.

Alors pourquoi Tinam Bordage parle de parodie, et pas d’une variante ou d’une déclinaison ? Car Hi8 Resurrectio bénéficie en effet d’un grand absent d’A Serbian… : l’humour. Pas forcément évident à saisir tout le temps, pas tout le temps présent (le gros du film, c’est quand même de la torture et de l’hémoglobine), mais bien là, comme peuvent en attester par exemple les séquences d’introduction entre Steven et ses copains, à base de blagues à la con, de bières bues cul-sec et de gerbe dans des Doritos, ou le personnage de l’homme au masque de bois, homme de main massif et mutique qui fait penser au bourreau cagoulé de 8MM (Joel Schumacher, 1999) mais en beaucoup, beaucoup plus sentimental. L’exagération typique de la parodie n’échappera à personne non plus lors de la scène où Steven se masturbe devant une vidéo de son propre méfait (normal) et son éjaculât est un geyser qui rivaliserait sans mal avec les pornos les plus fantasques…Bref on a pu rire un peu, pour compenser le certain manque de rythme et de réel intérêt cinématographique de la chose.


A propos de Alexandre Santos

En parallèle d'écrire des scénarios et des pièces de théâtre, Alexandre prend aussi la plume pour dire du mal (et du bien parfois) de ce que font les autres. Considérant "Cannibal Holocaust", Annie Girardot et Yasujiro Ozu comme trois des plus beaux cadeaux offerts par les Dieux du Cinéma, il a un certain mal à avoir des goûts cohérents mais suit pour ça un traitement à l'Institut Gérard Jugnot de Jouy-le-Moutiers. Spécialiste des westerns et films noirs des années 50, il peut parfois surprendre son monde en défendant un cinéma "indéfendable" et trash. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/s2uTM

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