A Cure for Life


Après l’échec public et critique de Lone Ranger : Naissance d’un héros (2013), le réalisateur de Rango (2011) et des trois premiers Pirates des Caraïbes revient au genre horrifique presque quinze ans après son excellent The Ring (2002) et nous livre avec A Cure for Life une vraie bête curieuse. Un conte d’épouvante gothique et atmosphérique qui voit se mêler traditions et modernité en son sein.

Thérapie Gothique

A Cure for Life nous narre l’histoire de Lockhart – incarné par Dane DeHaan – un jeune trader qui n’a pas froid aux yeux et dont l’ambition n’a d’égal que les immenses buildings de Manhattan. Ce dernier se voit confier la mission par ses employeurs d’aller chercher le grand patron de la compagnie Pembroke en Suisse où il a été admis en cure thermale dans un château perché haut dans les montagnes. Mais l’homme refuse de quitter sa retraite et son cadre idyllique mais pour le moins étrange, se disant souffrant d’un mal étrange qui ne peut être soigné que par le directeur des lieux, le Docteur Volmer. Les choses se compliquent encore quand notre jeune loup de la finance est victime d’un accident de voiture qui le contraint de rester sur place et de subir le traitement de Volmer…Va suivre une descente vers la folie pour Lockhart à mesure qu’il plonge dans les secrets de cet institut.

Verbinski nous offre un film aux premiers abords classique en renouant avec les racines de l’horreur voire même du fantastique, mais aussi assez moderne dans sa conception et son propos, le tout en mélangeant des sensibilités américaines et européennes. L’histoire place le mal en dehors du sol américain, dans ce cadre étrange qu’est ce château menaçant et perdu autour duquel gravitent de nombreux éléments très gothiques rappelant, entre autres, les films de la Hammer, avant de replacer ce mal dans nos corps, dans notre humanité. L’intrigue joue sur l’attente et la découverte : on suit Lockhart dans ce qui s’apparente à une descente progressive vers un état de folie à mesure qu’il découvre des éléments sur le château et son passé. Le protagoniste fait ainsi penser à presque tous les personnages des histoires de Lovecraft, des hommes se retrouvant face à des puissances obscures et anciennes défiant l’imagination, si bien qu’essayer de les comprendre ou de simplement appréhender – qu’il s’agisse de créatures ou autres dieux – les mène peu à peu vers la folie. Mais l’autre force du film vient aussi du discours sur nos sociétés modernes, dans ce monde où l’argent est divin et révèle le pire de l’Homme, les personnages sont tous atteints d’un mal qui ne peut être guéri qu’à l’institut. Mais la cure, le remède s’avère être plus néfaste que le Mal lui-même. Un discours sur nos sociétés et les idéaux qui les parcourent assez pertinent et subtil dans sa mise en image.

Le film jouit d’une atmosphère extrêmement travaillée qui, à mesure que le film se déroule devant nos yeux, gagne en intensité. Verbinski explore et nous montre son amour pour une certaine vision de l’horreur qui ne prend pas le spectateur pour un imbécile. Exit les jumpscares et place à un film qui veut mettre le spectateur dans les chaussures de son protagoniste afin que son malaise devienne le nôtre. La photographie de Bojan Bazelli – qui avait déjà travaillé avec Verbinski sur The Ring – est sublime. Des compositions d’une efficacité et d’une précision chirurgicale, de subtils jeux de lumière et une caméra s’adaptant à la folie galopante du récit : A Cure for Life est un plaisir pour les yeux. La musique joue également un rôle d’importance dans la création de l’ambiance si particulière du film. Si Hans Zimmer ne retrouve pas son ami – on se rappelle tous du magnifique score de The Ring – c’est un de ses protégés, Benjamin Wallfisch, à qui revient la lourde tâche d’illustrer musicalement le film. Et le résultat est à la hauteur avec une musique par moment malsaine, entêtante, simple, pure et puissante qui magnifie presque constamment les moments où elle se fait entendre. Mais à force de jouer et de ne rien se refuser, Verbinski en vient à rendre son film inégal et naviguant parfois dangereusement avec l’indigeste. Si le premier acte pose les bases et impose ce rythme très particulier que le film présente, sa deuxième partie nous perd un peu avec des scènes certes visuellement splendides mais où la tension s’amoindrit avant un final dantesque et gothiqueGénéreux mais maladroit, A Cure for Life demeure un petit bijou horrifique qui s’avère être une vraie proposition de cinéma. Honnête et beau, il signe le retour par la petite porte d’un réalisateur qui n’a clairement pas fini de nous surprendre.


A propos de Mathieu Pluquet

C'est après avoir découvert Le Voyage de Chihiro, Blade Runner et L'Exorciste que Mathieu se passionne pour le cinéma; depuis cette passion ne l'a pas quitté. Sinon il aime les comics, le café et est persuadé qu'un jour il volera dans le TARDIS et rencontrera le Docteur (et qu'il pourra lui piquer son tournevis sonique). Ses spécialités sont la filmographie de Guillermo Del Toro, les adaptations de comics et le cinéma de science-fiction.

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