Monster Cars


Actuellement en salles, le film Monster Cars (Chris Wedge, 2016) intrigue par son argument promotionnel : celui d’avoir été inspiré par l’idée d’un enfant de quatre ans.

Fast and Tentaculous

La genèse improbable de certains films suffit parfois à les rendre suffisamment intriguants pour que j’ose m’y aventurer. C’est le cas du nouveau film de Chris Wedge, réalisateur de films d’animation plus ou moins à succès : entre autres le hit L’Age de Glace (2002), le moyen Robots (2005) et le génial Epic : La Bataille du Royaume Secret (2013). Le réalisateur signe ici son premier film en live-action avec ce Monster Cars (2016) dont l’argument promotionnel est assez étonnant puisque le studio aime à rappeler que le film aurait été inspiré par une idée originale – mais alors, vraiment originale… – du fils de quatre ans du directeur de Paramount Pictures, Adam Goodman. Cherchant alors, en 2013, une idée de film pour plaire aux jeunes spectateurs et s’assurer un marchandising de jouets très lucratif – dans la lignée de la saga Transformers (Michael Bay, 2007-2017) – Goodman s’est dit que le fiston était le meilleur cobaye pour savoir exactement ce que les gosses de son âge veulent voir au cinéma. Ce n’est pas une première dans le petit monde du cinéma puisque Robert Rodriguez en 2005 avait déjà fait écrire le scénario de Les Aventures de Sharkboy et LavaGirl par son jeune fils de sept ans dont le résultat était déjà assez… Alors tenez-vous bien, si le synopsis de Monster Cars est tout aussi what the fuck, il a quand même le mérite de l’être un tout petit moins que certains autres films écrits par des adultes…

Tripp – incarné par le jeune premier Lucas MacGyver Till – travaille dans une casse automobile et est un jeune mécanicien très doué. Un jour, alors que l’entreprise pétrolière du coin ouvre une faille en forant trop profond, plusieurs monstres – mélanges entre un cétacé et un calamar géant – tous mignons s’en échappent. L’un d’entre eux se réfugie dans la casse de Tripp et finir par faire copain-copain avec lui. Il faut dire que la particularité de ces monstres est qu’ils se nourrissent de pétrole et peuvent, par je ne sais quelle incongruité, faire fonctionner des mécanismes de fou-fou par simple contact tactile. Bon, soit. Le monstre mignon finit par se réfugier dans la carcasse d’un vieux 4×4 et va simplement en devenir… Le moteur. Le pitch du gamin s’exprime donc ici : « C’est l’histoire de monstres avec des tentacules qui servent de moteur dans les 4×4 ». Bingo. Remanié par le scénariste Derek Connolly – le scénariste de Jurassic World (Colin Trevorrow, 2015) – l’histoire reçoit finalement un sous-texte écologique par l’ajout de méchants directeurs d’une compagnie d’extraction pétrolière, même si on pourra largement remettre en cause le message du film qui tend à se mordre la queue – ou la tentacule – puisque le film tente de dénoncer l’industrie du pétrole tout en glorifiant auprès du jeune public les moteurs vrombissants de 4×4 hyper-tunés.

Toutefois, même si le film a toutes les caractéristiques de la série B, on lui reconnaîtra tout de même de réussir à raviver quelques peu l’esprit des grands films familiaux des années 80, produits pour la plupart par le mythique studio Amblin Entertainment. Ainsi, difficile de ne pas penser à E.T L’Extra-terrestre (Steven Spielberg, 1982) tant le film lui emprunte son schéma scénaristique : d’abord représenté comme une menace monstrueuse, Critch – c’est le petit nom que le héros donne à la créature – va finir par devenir le compagnon de route de Tripp et collaborer avec lui, faisant don de ses pouvoirs spéciaux pour l’aider à fuir des méchants qui aimeraient bien, d’ailleurs, mettre eux-mêmes la main sur la créature et l’éliminer, pour éviter que les autorités soient au courant de son existence et leur interdisent le forage pour des raisons écologiques. Vous l’imaginez bien, toute l’intrigue finale consistera pour le héros à permettre à son nouveau copain de retrouver sa « maison ». L’argument supplémentaire du film est bien sûr ses courses-poursuites motorisées, qui à grands renforts d’explosions pyrotechniques et carambolages spectaculaires proposent une alternative plus enfantine et légère à la saga Fast and Furious (2001-2017).

Orchestré spécifiquement pour un public familial cible, le film n’est donc rien d’autre qu’un produit commercial finement taillé, un film d’exploitation ultra calibré qu’il convient de regarder comme tel et qui réussit pleinement sa mission de divertissement – comme souvent, je m’impose d’aller voir les films qui leur sont spécifiquement destinés aux horaires où les enfants peuvent aller les voir, et croyez-moi, à entendre les gosses rires et s’esclaffer, le film touche parfaitement sa cible. Étonnamment, la Paramount a largement décidé d’enterrer tout espoir de succès pour ce film en annonçant, avant même sa sortie – prévue en janvier aux États-Unis – qu’ils estimaient une perte de tout juste 115 millions de dollars pour ce film qui leur a coûté tout de même 125 millions. Une technique promotionnelle plus que discutable, vous en conviendrez. Le studio – qui a repoussé la sortie du film plusieurs fois depuis un an – a fini par le sortir chez nous en France la même semaine qu’un certain Assassin’s Creed (Justin Kurzel, 2016) qui devrait largement drainer le public enfantin et renvoyer ainsi Monster Cars dans les abysses d’Hollywood dont il est sorti, à force de forage et de manque d’idées.


A propos de Joris Laquittant

Sorti diplômé du département Montage de la Fémis en 2017, Joris monte et réalise des films en parallèle de son activité de Rédacteur en Chef tyrannique sur Fais pas Genre (ou inversement). A noter aussi qu'il est éleveur d'un Mogwaï depuis 2021 et qu'il a été témoin du Rayon Bleu. Ses spécialités sont le cinéma de genre populaire des années 80/90 et tout spécialement la filmographie de Joe Dante, le cinéma de genre français et les films de monstres. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/sJxKY

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