The Mermaid


Stephen Chow, le papa des délirants Crazy Kung-fu (2004) et Shaolin Soccer (2001), a frappé fort, très fort avec sa dernière création The Mermaid. Le film est devenu le plus gros carton de tous les temps du box-office chinois en à peine deux semaines d’exploitation, battant à plate couture Star Wars 7 (J.J. Abrams, 2015) projeté dans la même période. Si le film n’a pas encore atteint nos cinémas occidentaux, certains festivals l’ont intégré dans leur programmation, tel est le cas du PIFF 2016 qui le projettera pour la première fois en France.

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Ma sirène bien aimée

Le cinéma asiatique est entre autres bien connu pour ses comédies burlesques, oscillant entre bon goût, absurde et parfois nanar. Stephen Chow reste pour les cinéphiles les plus assidus l’un des réalisateurs les plus fous et délirants du moment, si ce n’est LE grand nom de la comédie hongkongaise. Si ses derniers films CJ7 (2008) et Journey to the West (2013) se sont révélés plutôt moyens malgré de bons résultats au box-office, The Mermaid vient mettre un point d’honneur dans la filmographie de Chow et s’affiche comme l’une de ses meilleures réalisations, sans pour le moins atteindre le niveau du mythique Crazy Kung-Fu. S’engageant sur le terrain de la comédie romantique et barrée comme on les aime, le film narre les aventures de Shan, une sirène envoyée par un homme-pieuvre pour tuer un patron milliardaire responsable de la destruction de la flore sous-marine leur servant d’habitat. Cette dernière, skateuse hors-pair et amatrice de poulet rôti, use de tous ses charmes pour attirer l’homme dans une série de pièges mortels, tout en tombant sous son charme.

2The Mermaid est un film en demi-teinte, proposant une énième version du conte de La petite sirène. Au rendez-vous, tous les éléments constituant l’une de ces comédies décalées où l’absurde règne en maître. S’éloignant de ses terrains de prédilection, Stephen Chow laisse de côté kung-fu et autres légendes des arts martiaux pour se concentrer sur un univers fantastique où les interactions entre sirènes et humains deviennent jouissives et drôles à souhait. La scène d’ouverture donne parfaitement son ton au film, à travers la visite d’un musée de pacotille géré par un homme n’hésitant pas à se travestir en sirène. Que ce soit dans le traitement de ses personnages, à travers l’univers d’un playboy multimilliardaire et celui d’une sirène à la vie pas si simple, ou même dans ses thématiques liées au monde de l’argent, Chow livre un tableau simple et merveilleux d’un univers assez atypique pour ce type de production. La première partie oscille entre gags et scénettes romantiques, découvrant des personnages haut en couleur et touchants, de la sirène qui se déplace en skate jusqu’au milliardaire chantant du Bruce Lee. Dommage que les personnages soient trop nombreux pour donner à chacun sa place, tant chacun mériterait davantage son petit quart d’heure de gloire devant la caméra. Les décors sont tout simplement époustouflants, les effets spéciaux et autres images de synthèses plutôt bien maîtrisés (mention spéciale à l’homme-poulpe aux tentacules parfaitement animées) pour un rendu totalement immersif au pays des hommes-poissons. The Mermaid laissera cependant un peu sur sa fin, avec des gags parfois bofs, des séquences exagérées ou un dénouement un peu trop simplet pour un projet de cette envergure. Le film reste parfaitement appréciable pour tous les amateurs du genre, y compris ceux souhaitant se lancer sur le terrain de la comédie burlesque hongkongaise.

Stephen Chow vient pourtant prendre à revers sa comédie pour la transformer progressivement en une fable écologique bien plus violente qu’on ne pouvait le présager en regardant les quelques extraits diffusés sur le net. Le climax du film atteint son apogée lors d’un massacre barbare et sanglant de sirène à coup de mitraillette, de gourdins bien vénères et de machettes. Tu sais les gentilles sirènes que tu as vu et bien aimé dans les deux tiers du film ? Elles ont surement fini dans la boîte de thon que tu vas manger ce soir avec tes pâtes. Chow prend le pari de créer non seulement un film mainstream dans son fil rouge, 4mais exprime une opinion toute tranchée sur la situation écologique asiatique (mais pas seulement) actuelle. On y retrouve l’invention d’une arme redoutable, le sonar, destiné à émettre des fréquences si intenses qu’elles détruisent toute forme de vie sous-marine y étant confrontée. S’y ajoute la pollution intense des océans par les multinationales, obligeant les sirènes à se réfugier dans une épave située sous une source d’eau pure. Enfin, la tuerie discrète des sirènes par l’Homme, n’étant pas étranger aux massacres illégaux de dauphins pratiqués dans certaines baies chinoises et japonaises. The Mermaid ne nous livre pas une simple histoire d’amour so cute, mais un véritable combat contre l’impact de l’homme sur les océans et ses habitants, jusqu’à un final totalement cruel, à la limite du gore (jeunes sirènes s’abstenir). Rassurez-vous, le happy end est au rendez-vous avec des incrustations sur fond de documentaires National Geographic tellement ridicules qu’elles vous redonneront le sourire.

The Mermaid est une de ces comédies asiatiques déjantées, aux effets spéciaux parfois totalement nanardesques, qui au mieux déclencheront une série de fous rires, au pire plusieurs pouffements bien mérités. Chow choisit de ne pas se limiter à la simple comédie à gags en constituant un background suffisamment dramatique pour ne pas rester un simple élément secondaire du film, et où les conséquences finissent par tomber sur chaque personnage de manière très réaliste. De cela, The Mermaid se détache un peu d’une simple comédie absurde, Chow ayant déjà utilisé une structure narrative similaire pour sa précédente réalisation, Journey to the West. Le succès du film auprès du public chinois tient peut-être simplement du fait qu’une comédie c’est cool, mais une comédie avec un background élaboré et sérieux peut rendre un film moins codifié et plus intéressant dans son traitement. The Mermaid reste un très bon film du réalisateur, prenant une place toute particulière dans sa filmographie, à découvrir de toute urgence.


A propos de Jade Vincent

Jeune sorcière attendant toujours sa lettre de Poudlard, Jade se contente pour le moment de la magie du cinéma. Fan absolue de Jurassic Park, Robin Williams et Sono Sion, elle espère pouvoir un jour apporter sa pierre à l'édifice du septième art en tant que scénariste. Les rumeurs prétendent qu'elle voue un culte non assumé aux found-footages, mais chut... Ses spécialités sont le cinéma japonais et asiatique en général.

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