Silent Running 1


Honoré par une rétrospective au Festival du Film d’Amiens, le spécialiste des effets spéciaux Douglas Trumbull est aussi passé derrière la caméra pour réaliser un film de science-fiction écolo, peut-être prémonitoire : Silent Running.

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Climato-sceptique

Sur Fais Pas Genre on profite de l’opportunité donnée par le Festival du Film d’Amiens (eh oui, une partie de nous est picarde, main sur le cœur) pour se pencher sur la carrière globale du sieur Douglas Trumbull, qu’on ne présente plus trop, puisqu’il a été superviseur des effets spéciaux sur des petits films tels que 2001, l’odyssée de l’espace (Stanley Kubrick, 1968) ou Blade Runner. (Ridley Scott, 1982). Mais ce qui nous occupe aujourd’hui est son travail de réalisateur, pas bien épais puisque Trumbull n’a été l’homme que de deux films, dont l’un est silent-running-00017Silent Running, tourné en 1972 (l’autre étant Brainstorm en 1983). Ce n’est pas parce qu’on a de toute évidence un sens visuel lorsqu’on est superviseur FX que prendre les rênes de la caméra coule de source : preuve en est, je vous mets au défi de me parler d’un grand film réalisé par un grand superviseur FX, allez-y, peut-être que je me trompe ! Silent Running, lui, est une œuvre qui mérite le détour, mais peut-être pas la réputation critique que d’aucuns lui offrent.

L’action se situe dans un futur lointain (pas tant que ça, diront certains) où on comprend que plus aucune végétation ne pousse sur Terre, et existent seulement des serres, dans un vaisseau spatial, chapeautées par quatre hommes. Sans que j’ai trop saisi pourquoi, ordre est donné de détruire ces mêmes serres, une décision contre laquelle va s’élever le héros du film, Lowell, amoureux de la nature et de la vie, biologiste, scientifique, médecin etc etc. Ne pouvant se résoudre déjà à détruire huit ans de travail (il a la charge de la mise en places des serres et de leur maintien) mais surtout à dire adieu à la végétation et aux animaux, Lowell est poussé à l’irréparable en sacrifiant littéralement ses collègues pour sauver une serre, dans laquelle il souhaite finir seul sa vie, perdu dans l’espace…Pour ceux qui se demandent ce que je suis en train de foutre, je ne vous ai là rien spoilé, puisque ce que je viens de vous raconter est bien le point de départ de Silent Running. Étonnement, les séquences où l’équipage est au complet sont des modèles de lourdeur, avec le jeu d’un Bruce Dern bien trop 960expressif et des dialogues nous faisant bien bien comprendre l’argument écologique du film : d’un côté il y a les crieurs d’alarmes qui trouvent la nature belle, de l’autre les aveugles qui ne pensent pas à demain et mangent de la bouffe au micro-ondes. L’opposition est grossière, abrutissante, et rend cette courte première partie du film pas loin d’indigeste.

A l’image de la libération solitaire de son personnage principal, c’est quand Douglas Trumbull n’a que Lowell à filmer qu’il se permet plus de finesse, une réflexion plus subtile sur le sens de l’action des hommes et la vanité, certainement, de la course aux étoiles. Ouvertement messianique (il faut voir le costume que Bruce Dern porte lorsqu’il s’occupe de sa serre), Lowell n’est en réalité pas présenté comme un Christ du futur, à la bonté parfaite et aux vues justes. Comme la Genèse le déclare de l’espèce humaine, il est blessé par un crime originel (le sacrifice de ses collègues) dont la culpabilité ne le quitte jamais, alourdie du sentiment de solitude et de la nostalgie, finalement, que peut provoquer l’absence d’êtres humains, même si on pense pouvoir s’en passer. Le rapport que Lowell entretient avec les deux robots à tout faire du vaisseau est à ce titre troublant, le personnage sombrant de plein pied dans un anthropomorphisme qui, de manière presque fantastique, finit par porter ses fruits quand on comprend que les robots deviennent de plus en plus intelligents et semblent même nourrir des sentiments (Pixar se souviendra des mouvements humanisants pour Wall-E). Cultivant le paradoxe encore un peu plus loin, Lowell, qui agit en pensant à la base pour le bien de l’humanité, montre son égoïsme et sa lâcheté, lorsqu’il refuse d’enterrer lui-même un des collègues qu’il a dû tuer et demande aux robots de le faire à sa place, tout en, bien sûr, livrant un discours à Dieu censé le pardonner pour son manquement à l’un des Dix Commandements. La scène finale clôt de manière très pessimiste la trajectoire ambiguë de Lowell et fait preuve d’un courage narratif, qui n’est néanmoins pas si surprenant que ça, à l’époque de la science-fiction pessimiste style Soleil Vert (Richard Fleischer, 1973) ou même, et ce bien que ce soit présenté avec humour, la conclusion de Dark Star de John Carpenter (1974). Hélas, malgré tout le talent de Douglas Trumbull, qui nous refait d’ailleurs une séquence de traversée spatiale de toutes les couleurs comme dans 2001, force est de constater que Silent Running a aussi visuellement (costumes, décors, design…) très mal vieilli. Terriblement 70’s pour moi, joliment désuet pour d’autres.


A propos de Alexandre Santos

En parallèle d'écrire des scénarios et des pièces de théâtre, Alexandre prend aussi la plume pour dire du mal (et du bien parfois) de ce que font les autres. Considérant "Cannibal Holocaust", Annie Girardot et Yasujiro Ozu comme trois des plus beaux cadeaux offerts par les Dieux du Cinéma, il a un certain mal à avoir des goûts cohérents mais suit pour ça un traitement à l'Institut Gérard Jugnot de Jouy-le-Moutiers. Spécialiste des westerns et films noirs des années 50, il peut parfois surprendre son monde en défendant un cinéma "indéfendable" et trash. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/s2uTM


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