Cell phone


Enième adaptation du maître de l’horreur Stephen King, Cell phone a fait une brève apparition dans les salles noires, discrète et peu remarquée, après avoir été bloqué plus de deux ans par les distributeurs américains. À la tête de sa réalisation, Tod Williams, remarqué en 2010 pour la suite Paranormal Activity 2, succédant à Eli Roth à qui le projet avait originellement été confié. L’argument ? Une zombification cinématographique de plus… Causée par des ondes circulant à travers nos chers smartphones.

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Les morts au bout du fil

Stephen King est indéniablement l’auteur ayant connu le plus grand nombre d’adaptions de ses œuvres, entre chefs-d’œuvre (Carrie au bal du diable de Brian De Palma, 1976 ou Shining de Stanley Kubrick, 1980) et bides (Dreamcatcher, Lawrence Kasdan, 2003) en passant par le foutoir le plus complet provoqué par le maître de l’horreur même (Maximum Overdrive, Stephen King, 1986). Cell est l’un de ses quelques romans post-apocalyptiques, assez original et bien écrit pour être considéré comme un bon livre de série B, mêlant technologie et hommage aux histoires/films de zombies, dédicacé à George Romero lui-même. King propose en effet une nouvelle alternative à la zombification qui serait non pas provoquée par un virus médical, mais par une onde transmise par les téléphones portables reprogrammant le comportement des individus ayant le malheur de porter l’appareil à leur oreille. L’histoire qui en découle reste pourtant des plus classiques : Clay Riddel (John Cusack), auteur de bande dessinée, assiste à la transformation de plusieurs personnes qui, après avoir été en contact avec leurs téléphones, se mettent à massacrer tous ceux se trouvant à proximité. S’en suit une longue fuite dans la Nouvelle-Angleterre durant laquelle Clay s’allie avec deux survivants, donc Tom McCourt (Samuel L. Jackson).

2Jamais le film de zombie n’aura été autant exploité au cinéma que lors de ces dernières années, souvent avec succès, comme l’ont démontré les excellents 28 jours plus tard (Danny Boyle, 2002) ou Planète Terreur (Robert Rodriguez, 2007). En écrivant son livre, King déclarait déjà tout son amour à ce genre cinématographique, et pose par la même occasion la question suivante : que reste-t-il du film de zombie surexploité ? Cell phone lance le pari audacieux de réinterpréter des codes utilisés jusqu’à ne plus avoir de sens par les différentes productions inspirées par le mythique La Nuit des morts-vivants, qui au-delà d’un simple film d’horreur était une critique cinglante du consumérisme américain. King s’intéresse à nos moyens de communication actuels, les téléphones portables, s’illustrant dans la dématérialisation des appareils et à la place qu’ils tiennent dans nos vies au point de changer nos comportements sociaux. La zombification trouve ainsi ici un tout autre intérêt, une justification à la fois barrée et critique, déjà évoquée d’ailleurs dans le très bon Kairo (Kiyoshi Kurosawa, 2001) et son très moyen remake américain Pulse (Jim Sonzero, 2006). Les zombies deviennent des humains interconnectés, manipulés par des ondes téléphoniques, et non des êtres contrôlés par un quelconque virus, répondant à des pulsions meurtrières. Le point positif de Cell phone, le seul peut-être qui suffit à faire de lui un film sympathique et regardable, est qu’il reste fidèle à la narration du livre, allant jusqu’au bout de ses idées, malheureusement en trainant quelques zones d’ombre qui soulèvent de nombreuses interrogations.

4Cell phone reste pourtant un film très moyen, de par un casting peu convaincant, des décors et une mise en scène pas vraiment inspirés et des longueurs molles et sans intérêt. Là où le film tenait l’argument pour sortir du lot, la réalisation est paresseuse et se contente de ressasser ces fameux codes du film de zombie, oscillant entre le drame et le survival. Si la scène d’ouverture et de contamination s’avère être sympathique, Cell phone prend la tournure d’un road movie post-apocalyptique, quelque part entre La Route (John Hillcoat, 2009) et la série The Walking Dead (créée par Robert Kirkman et Frank Darabont), la tension dramatique en moins. Le duo Cusack/Jackson (coucou la Chambre 1408 ! Mikael Hafström, 2007) ne suffit pas à sauver le navire qui s’enfonce lentement entre effets numériques laids et longueur plombant le scénario. Ce qui aurait pu être une adaptation anecdotique mais sympathique est gâché par une réalisation hasardeuse et non maîtrisée, faisant de Cell phone un film de zombies de plus, ridicule à côté du Dernier train pour Busan (Yeon Sang-ho, 2016), sorti quelques mois plus tôt. À tous les amateurs du genre, je ne le déconseillerai pas, car la trame scénaristique est assez originale pour se détacher de la simple infection zombie, et pour la scène finale aussi absurde qu’étrangement réussie. Aux autres, passez votre chemin et repliez-vous sur quelques noms plus solides du film de zombies, ou des nombreuses adaptations de notre King bien aimé qui n’a jamais fini de nous surprendre.


A propos de Jade Vincent

Jeune sorcière attendant toujours sa lettre de Poudlard, Jade se contente pour le moment de la magie du cinéma. Fan absolue de Jurassic Park, Robin Williams et Sono Sion, elle espère pouvoir un jour apporter sa pierre à l'édifice du septième art en tant que scénariste. Les rumeurs prétendent qu'elle voue un culte non assumé aux found-footages, mais chut... Ses spécialités sont le cinéma japonais et asiatique en général.

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