Suicide Squad 13


Sans doute le blockbuster le plus attendu de cet été, Suicide Squad s’est rapidement fait descendre par la critique… A raison. Sombre, bruyant, mal scénarisé, que pouvons-nous tirer d’un si mauvais film ? Beaucoup de choses, dont une réalité assez navrante concernant Hollywood et ses franchises.

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Une très, très mauvaise blague

Superman est mort. Qui pourra alors protéger le monde (comprendre ici les États-Unis, hors Gotham car Batman y zone déjà), qui dans les dizaines, vingtaines de super-héros de l’univers de DC Comics pourra combattre la menace des super-méchants ? D’autres super-méchants ! Le comic Suicide Squad compte parmi l’un de mes préférés, réunissant les personnages les plus intéressants de l’univers DC Comics : les antagonistes. Réunir une ligue de super-vilains en les forçant à collaborer pour la justice grâce à un implant explosif menaçant de les tuer à la moindre occasion, un scénario béton entrainant des aventures totalement folles. Aussi vous recommanderai-je, au lieu de vous crever les yeux devant le film, de vous rattraper avec les comics. Retour sur ladite adaptation : le film est trop sombre, compte trop de personnages (sans compter les caméos de Batman et Flash), le scénario est totalement bâclé, les séquences d’action sont très mauvaises et je suspecte le monteur d’avoir travaillé avec des moufles. L’intrigue n’a aucune raison d’être, pour le simple fait que la fameuse Suicide Squad est constituée et les personnages réunis alors qu’il n’y a encore aucune menace, et donc aucune raison de former l’équipe. La première partie du film, qui sert de scène d’exposition dans une prison du bayou, est très longue, la première scène d’action n’a lieu qu’une heure après le début du film durant lequel tous les protagonistes sont emprisonnés et se contentent d’insulter/menacer les geôliers. Si le casting est correct, trop de personnages se retrouvent effacés par leur propre profusion, un réel problème que l’on retrouvait déjà dans Captain America: Civil War (Anthony et Joe Russo, 2016). Seul personnage qui mériterait presque un film à elle toute seule, Enchantress, malheureusement plombée par son côté « gentil » trop niais et effacé. On fait face à une « marvellisation » de DC Comics, au scénario en ligne droite, au principe similaire si ce n’est 13936788_1105517416160816_1060941966_ncalqué. L’équipe serait même repartie en tournage suite au succès de Deadpool (Tim Miller, 2016), afin d’obtenir un film plus fun, avec davantage de légèreté et de laisser-aller (dont on se serait bien passé) pour une meilleure audience. Je ne m’étendrai pas sur les créatures de synthèse moches. Oui, juste moches, on ne comprend même pas ce qu’elles sont, ce qu’elles font, à part vouloir détruire le monde.

Suicide Squad est tout simplement mauvais de A à Z, la faute à quoi ? Une communication très mal menée, promettant un film tout autre que celui projeté dans les salles noires actuellement. Ambiance néonnée, très colorée et décalée prometteuse, différente des habituelles villes noires où ne cesse de tomber la pluie, accompagnée d’une bande son pop. La bande-son est au rendez-vous, mais envahit la totalité du film, des présentations des personnages aux scènes de combat jusqu’aux quelques passages « émotions », omniprésente, mal mixée, rendant parfois certains dialogues à peine audibles. Les affiches promettaient un film décomplexé, loin des ambiances trop sombres des autres films de super-héros. Raté. Les décors semblent à peine avoir été étudiés, se contentant d’une ville détruite aux airs de New York 1997 (John Carpenter, 1981), de cellules en béton et de salles de réunion, faisant perdre au spectateur toute notion d’espace. Deuxième énorme erreur de la communication du film : autant mettre en avant le personnage du Joker. La première photo diffusée du film fut celle de Jared Leto en Joker, laissant penser que le personnage aurait une place centrale dans l’intrigue du film. Personnage très apprécié de l’univers de DC Comics, antagoniste le plus populaire de Batman, la promotion s’est énormément jouée autour de ce nouveau chara-design, pour une prestation ne dépassant finalement pas les dix minutes, et un personnage malheureusement trop insipide pour être apprécié. Enchantress subit le même sort, se révélant finalement être l’antagoniste de l’histoire, et non un membre de la squad. Sans parler Slipknot, dont la durée de vie n’a pas dépassé les deux minutes. À défaut de qualifier Suicide Squad de mauvais, je préfère le voir comme une déception, notamment à cause d’un marketing trop différent du produit final, et d’une production catastrophique poussée par les franchises à succès.

L’énorme imperfection du film, les éléments techniques exclus, est le fond, le caractère des personnages et leur traitement. La Suicide Squad réunit les super-vilains des différents univers de DC Comics. Des SUPER-VILAINS. Là est tout le problème du film. À trop vouloir humaniser les personnages, ils en perdent toute leur saveur et leur originalité qui nous les font pourtant aimer lorsqu’ils affrontent Batman ou encore Flash. Le film les transforme au mieux en gangstas à côté de la plaque, au pire en criminels en quête de rédemption. La question de la méchanceté des personnages est pourtant primordiale dans un film tel que Suicide Squad. Beaucoup ont mis en avant le fait qu’humaniser les personnages et leur donner un côté plus sympathique et gentil permettait une meilleure empathie de la part des spectateurs, fait que je démens profondément. Suicide Squad n’est pas le premier film à mettre sur le devant de la scène des personnages considérés comme mauvais, en en faisant l’élément original du scénario. Enlevez tout ce qui caractérise un personnage, et qu’obtiendrez-vous ? Un équivalent plus ou moins bancal, mais qui n’aura plus sa raison d’être et de se comporter. La série consacrée à Hannibal Lecter nous a prouvé que même le plus monstrueux des hommes pouvait être l’un des meilleurs héros que le cinéma ait connu, de même qu’Alex dans Orange Mécanique (Stanley Kubrick, 1972), ou les membres de la famille Firefly dans l’excellent The Devil’s Rejects (Rob Zombie, 2006). Le fait que la durée d’un seul film est insuffisante pour mettre en avant tous les membres de la squad  joue énormément sur ce problème de méchanceté (neuf personnages plus le Joker). Pas assez de profondeur, ou des transformations ahurissantes, dont celle d’Harley Quinn qui devient deux heures durant une sexy-woman au comportement d’adolescente stupide, très loin du personnage original (sans pour le moins insulter la prestation sympathique de Margot Robbie). Le traitement et la place accordée aux personnages féminins sont tout simplement scandaleux, allant de personnages ultra-clichés à des répliques telles que : « Mets lui une claque au cul et dis-lui quoi faire. » Suicide Squad était l’occasion de montrer des personnages féminins forts et indépendants, mais entre Harley Quinn et sa relation très mal traitée avec le Joker, Enchantress et son frère sans qui elle ne peut rien faire, son gentil double June devant être sauvée par son petit ami ou Katana attachée à son sabre qui contient l’âme de son mari décédé, c’est pas gagné. Les quelques personnages ayant le droit à plus de cinq minutes d’intérêt se retrouvent plus clichés les uns que les autres, laissant en arrière des personnages 13900988_1105517459494145_1569905490_nbien plus intéressants et délurés (entre autres Killer Croc et Captain Boomerang). Will Smith devient un personnage à part entière afin de respecter son image de mauvais garçon au bon fond, très loin du terrifiant Deadshot. La nouvelle version du Joker n’apporte absolument rien de nouveau, aucune folie, le personnage n’a de toute façon pas le temps de se développer pour devenir un minimum intéressant.

Bref, Suicide Squad est devenu en l’espace de quelques heures la plus grosse déception de l’été, de cette année peut-être, promettant un spectacle magistral et original, se révélant finalement être un autre de ces films de super-héros survendus et sans intérêts. À l’heure où j’écris ces lignes, les conditions de production et de réalisation du film viennent d’être dévoilées. Une création très (trop) rapide, un script écrit en six semaines à peine, une production poussée par les succès des films Marvel et le bide de Batman VS Superman (Zack Snyder, 2016), et l’obsession omniprésente des recettes par millions. Suicide Squad est à regarder avec un certain recul, celui d’une époque où les franchises à succès sont systématiquement gagnantes et règnent sur le cinéma contemporain, remplaçant originalité et création par stabilité et rentabilité. Suicide Squad n’est qu’une victime de plus de cette époque, arrivée trop tard ou peut-être trop tôt, qui restera dans les mémoires, mais pas pour les bonnes raisons.


A propos de Jade Vincent

Jeune sorcière attendant toujours sa lettre de Poudlard, Jade se contente pour le moment de la magie du cinéma. Fan absolue de Jurassic Park, Robin Williams et Sono Sion, elle espère pouvoir un jour apporter sa pierre à l'édifice du septième art en tant que scénariste. Les rumeurs prétendent qu'elle voue un culte non assumé aux found-footages, mais chut... Ses spécialités sont le cinéma japonais et asiatique en général.


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