Baiser Macabre


Première réalisation pour le fils de Mario Bava, Baiser Macabre ressort aujourd’hui dans une belle édition combo DVD/Bluray. L’occasion pour tout aficionado du giallo de redécouvrir une œuvre méconnue du réalisateur de Démons, malheureusement loin du niveau des réalisations du paternel.

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Au nom du père

Jane Barker mène une double vie : mère aimante et femme attentionnée le jour, elle se transforme en maîtresse sulfureuse la nuit. Ce n’est pas du goût de sa fille qui finit un beau jour par découvrir le pot aux roses. Pour se venger d’une mère en qui elle avait confiance, elle décide de… Tuer son petit frère en le noyant dans la baignoire. Alors que Jane se fait raccompagner par son amant Fred, celui-ci meurt tragiquement dans un accident de voiture. Un an plus tard, Jane s’est installée dans la maison de son défunt amant et nourrit une relation nécrophile avec sa tête, qu’elle conserve au réfrigérateur. Sa fille, loin d’avoir dit son dernier mot, est bien décidée à ne pas laisser sa mère ainsi.

13624898_301409203527594_510217019_nL’ironie du sort est parfois cruelle. Si 1980 marque le lancement de la carrière de cinéaste du jeune Lamberto Bava, la date désigne également la mort de son père, enterrant avec lui le genre qu’il a contribué à faire naître : le giallo. Débutant comme assistant-réalisateur sur les films de son père (notamment Opération peur, 1966 et Danger : Diabolik !, 1968), Lamberto Bava signe un premier téléfilm en 1979 adapté de La Vénus d’Ille de Prosper Mérimée, qu’il coréalise avec papa. Si certains des films de Bava junior ont pu accéder à une certaine notoriété et à un regain d’intérêt de la part des cinéphiles moins aguerris au cinéma de genre italien (on pense notamment à Démons, sorti cinq ans après Baiser Macabre et écrit avec Dario Argento), c’est loin d’être le cas du film qui nous intéresse ici. Et pour cause : le métrage, qui ne brille ni par l’originalité de son sujet ni par l’inventivité de sa mise en scène, peine à se démarquer des autres productions filmiques du même genre et de la même période.

Pourtant, force est de reconnaître que Lamberto Bava sait créer une ambiance particulièrement malsaine. Se déroulant presque exclusivement en huis clos, le réalisateur crée un climat étouffant à base de clairs-obscurs et de contre-plongées. Si ce choix esthétique se justifie en premier lieu pour des raisons économiques (rien ne coûte moins cher à produire qu’un huis clos), il permet également de figurer l’enfermement progressif de l’héroïne dans sa propre folie. Bava crée ainsi lieu un climat réaliste pour mieux en montrer la progressive dissolution, comme si 13598890_301409196860928_1828490115_nla conscience malade de l’héroïne finissait par nous contaminer. Néanmoins, à force de faire reposer son métrage sur sa seule ambiance, Bava finit par en oublier l’essentiel : faire un film qui ne soit pas une succession de scènes sans lien cohérent entre elles.

Ce ne sont pas les quelques cadrages audacieux ni même les scènes horrifiques qui viennent relever le tout. Les notions de direction d’acteurs ou même de rythme semblent être totalement étrangères à la grammaire filmique de Lamberto Bava qui se contente de parsemer son film de quelques « plans-nichons » pour être certain que le spectateur ne quitte pas la salle en cours de route. Lamberto Bava semble ainsi piocher dans les thématiques chères à son père (le film rappelle par certains aspects Le Corps et le Fouet de Mario Bava, 1963) ainsi qu’à Dario Argento  et fait de son film une insipide soupe aux clichés du giallo. Les comédiens s’avèrent bien difficiles à convaincre et le scénario, truffé d’invraisemblances, semble s’écrire à mesure que le film défile devant nos yeux. En dépit de son sujet transgressif, le film sombre vite dans un conformisme mollasson, qui semble plus être dû à une paresse de la part du réalisateur qu’à un réel manque de talent. Le film reste toutefois une curiosité qui ravira certainement les fans de giallo et de bizarreries filmiques à condition toutefois de ne pas être trop exigeant sur les nombreux défauts du métrage.

Capture d’écran 2016-07-08 à 22.55.31The Ecstasy of films a fait un travail remarquable sur l’édition DVD/Bluray du film, tant au niveau de sa restauration, dont la copie HD en souligne habilement les effets de couleur et de contraste, qu’au niveau des suppléments, riches en anecdotes et en analyse du film. Le film est proposé en version originale et en version italienne, le tout à la faveur d’une bande-son nettoyée qui rend bien compte de l’ambiance sonore du film. En ce qui concerne les suppléments, The Ecstasy of Films propose trois entretiens qui permettent de creuser un peu plus la genèse du film et les conditions houleuses de sa production. Lamberto Bava himself revient avec un plaisir non dissimulé sur son travail, parsème son entretien d’anecdotes de tournage savoureuses. Enfin, une interview croisée des trois scénaristes du film permet d’en mieux comprendre les enjeux et les thématiques abordées. Rajoutez à cela un livret très complet de 20 pages signé par Marc Toullec et vous aurez une édition très complète, qui compense les faiblesses du film par la richesse de son écrin.


A propos de Alban Couteau

Biberonné à Evil Dead depuis sa plus tendre enfance, Alban manie la plume comme certains la tronçonneuse. Capable de convoquer Dario Argento et Alain Resnais dans la même phrase, il entend bien montrer que la beauté cinématographique peut s’exprimer par l’hémoglobine et le mauvais gout. A bon entendeur !

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