Green Room


Le petit dernier du survival indépendant a déboulé sur nos écrans le 27 avril 2016 : on vous livre notre avis sur Green Room, qui fait quand même du bien par où qu’il passe…Enfin pour nous les spectateurs, mais pas trop trop pour les personnages.

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Nazi Punks Fuck Off

A une époque où, même dans les grandes villes ou dans notre capitale, on en voit quasiment jamais (faut dire ce qui est, malgré l’affaire Clément Méric et l’existence des fameux anti-fa), les skinheads relèvent plus que jamais du symbole marginalisé. S’ils représentaient une menace plus palpable dans les années 80, beaucoup plus visibles, ils ne sont désormais convoqués que pour une charge politique (alors qu’elle est insignifiante) ou une utilisation artistique permettant de représenter très simplement un extrême à des fins humoristiques ou dramatiques. En ce qui concerne le traitement cinématographique, pour ceux que ça intéresse (et ceux que ça intéresse pas c’est pareil) on ne peut que conseiller entretien-avec-jeremy-saulnier,M328994par exemple la filmographie du secouant Alan Clarke, et puis d’autres que j’ai pas envie de citer parce que j’ai envie de citer que Clarke. Jérémy Saulnier, lui, alors que l’époque ne demandait que ça, met de côté toute portée politique, voire même symbolique de ces trublions chauves et bretellés. Si vous vous attendez à voir dans Green Room un vibrant plaidoyer allégorique soulignant la stupidité de ces néo-nazis…Bah ptet bien que vous pouvez passer votre chemin. Et c’est tant mieux.

A cause d’un vieux plan embrouille par un de leurs contacts, les quatre membres du groupe punk The Ain’t Rights (un vrai groupe de surcroît, qui interprète ses propres compos dans la bande originale) se retrouvent à jouer pour un concert dans une salle miteuse, perdue dans la forêt et pleine à craquer de skinheads ayant plus envie de pogoter que de se faire une bonne partie de go dominicale. Une gonzesse se fait poignarder sous leurs yeux ou presque, et ils sont bloqués sur place, à la merci des zigotos qui ne souhaitent pas les laisser partir tranquilles après ce qu’ils ont vus, mais plutôt les retenir prisonniers avant de les faire disparaître avec les preuves…Dans une grosse majorité du film, les membres du groupe sont ainsi retranchés dans une pièce, subissant les assauts des skinheads dirigés par un patriarche grisonnant mais au fond assez vénère, joué par Monsieur Magneto Patrick Stewart. Ils vont passer du traditionnel état de choc face à une situation qu’ils n’ont jamais connue à peu à peu, une posture de combat, décidés à s’échapper de ce lieu de merde quitte à buter du facho-punk. Des extrémistes chauves qui apparaissent comme un gang soudé, une fraternité violente et ne reculant devant rien pour protéger les leurs.

Green Room est une réussite en ce qu’il ne cherche pas à pousser plus loin que son nez. La base du bordel, c’est une histoire d’Amour mélangée avec du business mais sur laquelle on ne s’attarde pas, car le sujet du film et sa force, c’est juste celle d’un survival pur, posant la question continuelle de la survie de ses personnages face à un environnement carrément hostile, ainsi que des différentes étapes dans la personnalité de chacun d’eux. Pour cela, Saulnier (également auteur du long-métrage) livre un scénario assez ingénieux et stimulant, qui parvient à assez d’inventivité et d’utilisation de toutes les ressources à sa disposition (bien maigres) pour ne jamais s’essouffler, alternant entre les manigances des skins pour buter ces indésirables, et les idées bien vues (pour la plupart) de nos protagonistes pour continuer à mener leur existence. Aucunegreen-room-visuel2 pirouette scénaristique ne paraît trop grosse alors même que le film prend un malin plaisir à casser presque dans l’œuf chaque tentative de nos héros, à chaque fois que l’espoir semble pointer le bout de son nez. On a des héros qui prennent très cher, un body count au top, et malgré tout une fin qui tient la route sans deus ex machina à la con, parce que le scénario a su écrire et se jouer des situations et, quand il l’a fallu, des personnages.

N’hésitant pas à être assez graphique le temps de quelques plans, Green Room rate néanmoins le titre de « grosse claque ». La brutalité du film est en réalité assez sage (les individus bouffés par des chiens, par exemple, le sont systématiquement en hors-champ) et surtout ne fonctionne pas vraiment sur un crescendo pour lequel la fin paraîtrait paroxysmique, ce qui est quand même censé être l’itinéraire de tout bon survival qui se respecte. On sera assez chieurs également pour ne pas oublier l’amalgame un peu relou que les initiés auront vu d’eux-mêmes : au concert des skins, ils passent bien du punk white power…Mais après du Obituary ? Comme si le death metal avait besoin de ça, une petite assimilation pas justifiée du tout…Enfin bon, c’était bien quand même.


A propos de Alexandre Santos

En parallèle d'écrire des scénarios et des pièces de théâtre, Alexandre prend aussi la plume pour dire du mal (et du bien parfois) de ce que font les autres. Considérant "Cannibal Holocaust", Annie Girardot et Yasujiro Ozu comme trois des plus beaux cadeaux offerts par les Dieux du Cinéma, il a un certain mal à avoir des goûts cohérents mais suit pour ça un traitement à l'Institut Gérard Jugnot de Jouy-le-Moutiers. Spécialiste des westerns et films noirs des années 50, il peut parfois surprendre son monde en défendant un cinéma "indéfendable" et trash. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/s2uTM

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