Captain America : Civil War 5


Les studios Marvel nous avaient promis le meilleur film jamais produit par le studio, Captain America : Civil War est finalement un pétard mouillé, une gigantesque blague, un film anecdotique au possible pour un duel annoncé d’anthologie qu’il convient d’arbitrer pour compter les (mauvais) points.

Capture d’écran 2016-05-18 à 19.44.48

La Hache de Guerre

Comme vous le savez peut-être, les studios Marvel organisent leur gigantesque entreprise cinématographique en phases. C’est un peu comme le calendrier maya mais en plus simple, et surtout ça ne prévoit pas de fin du monde qui n’a finalement pas lieu. C’est un peu plus fiable. La phase 2 s’était terminée l’an dernier en beauté avec un Ant-Man (Peyton Reed, 2015) fun au possible – dont je vous avais dit beaucoup de bien – et qui avait un peu redonné espoir, un brin de lumière même, dans une galaxie Marvel qui, Les Gardiens de la Galaxie (James Gunn, 2014) mis à part, s’était réfugié dans une noirceur apocalyptique un peu désenchantée – voir notre article Quand Marvel broie du noir écrit à l’époque de la sortie de Captain America : Le Soldat de l’Hiver (Anthony et Joe Russo, 2014). Avec ce Captain America : Civil War (Anthony et Joe Russo, 2016) c’est donc la phase 3 de l’univers cinématographique Marvel qui commence, avec la promesse d’un film pétaradant, sorte de Avengers 2.5 qui ne porte pas son nom puisqu’on y retrouve au casting plus de super-héros que dans les deux rassemblements orchestrés auparavant. Essayons de contextualiser un peu, car l’un des gros problèmes des films Marvel à ce stade, c’est qu’ils ne parviennent plus vraiment à exister de manière indépendante, en d’autres termes, voir ce Captain America : Civil War sans avoir vu Captain America : Le Soldat de l’Hiver et Avengers 2 : L’Ere d’Ultron (Josh Whedon, 2015) peut créer quelques dommages collatéraux, déjà qu’en les ayants vu j’ai eu du mal à suivre… Alors donc, petit résumé des épisodes précédents si vous voulez bien…

Capture d’écran 2016-05-18 à 19.45.31A la fin de Captain America : Le Soldat de l’Hiver, le soldat de l’hiver, qui est en fait Bucky le super copain de Captain America – qui lui est en fait un super soldat américain cryogénisé pendant la seconde guerre mondiale, vous suivez déjà plus ? – devient le grand méchant, instrumentalisé par Hydra – des ersatz de nazis, Hail Hydra et tout le bordel, la moustache et la mèche en moins – pour botter le cul du super-héros américain. Le film nous dévoile que toute l’organisation du Shield – l’organisation de protection qui s’occupe un peu de gérer son biz’ avec les super-héros pour botter le cul des aspirants vilains et accessoirement détruire des villes dans l’impunité la plus totale – est en fait infiltrée par Hydra. En résulte une explosion interne du Shield, et la fuite de son directeur Nick Fury, incarné par Samuel L. Jackson que Marvel peut ainsi mettre sur la touche pour faire un peu d’économie de salaires. Le Captain reprend alors les choses en main et on retrouve tous ses potos Avengers quelques mois plus tard, dans Avengers 2 : L’Ere d’Ultron, bien organisés dans une tour Avengers créée par Tony Stark (as Iron Man), tout ce beau monde aux supers pouvoirs se la jouant un peu solos à sauver le monde comme bon leur semble. Un peu what the fuck, cet épisode nous montrait un Iron Man flirtant avec le côté obscur de la force, voire sa création d’intelligence artificielle se retourner contre l’humanité et foutre un dawa tel que la petite troupe mettra quand même presque deux heures et demie à s’en remettre et le monde, lui, plusieurs décennies, tant les Avengers détruisent à peu prêt toute forme de vie sur leurs passages. Le film se concluait donc sur l’éclatement de l’équipe et la mise en retraite de plusieurs des vengeurs : Iron Man conscient de ses conneries réfléchissait à l’opportunité de vivre dans ses milliards pépère avec sa meuf, Hulk partait aux Bahamas tranquille en aéro-jet, Hawkeye se reconvertissait en père de famille bûcheron… Les autres, sous l’égide du Captain America reformaient une nouvelle équipe qui présageait un peu de renouveau. Ahaha, on y a bien cru !

Captain America : Civil War démarre donc où les deux films précédents se terminent. Les Avengers ont une nouvelle team, continuent de botter le cul des méchants et de tuer des civils un peu partout, sans faire exprès. Un jour, les Nations Unies se rendent compte que, quand même, c’est un peu du n’importe quoi de tuer cent innocents pour stopper un mec, et décident l’élaboration d’une loi pour que les Avengers ne puissent plus agir en totale ingérence et que leurs actions soient préalablement validées par le comité des Nations Unies. Nous voilà arrivés au stade des aberrations scénaristiques et de la psychologie incohérente. Parce qu’il fallait bien trouver un prétexte à adapter le plus célèbre des comics moderne consacré à Captain America : le sus-nommé Civil War dans lequel les super-héros se retrouvent scindés en deux clans se livrant une guerre fratricide (voir à quoi ça ressemble en vrai, et à quoi ça ressemble au cinéma). Dans le comic, l’un des clans est pour la promulgation d’une loi obligeant les super-héros à se déclarer au monde comme tel, et dans l’autre les super-héros sont contre, souhaitant pouvoir garder leurs identités secrètes. Le problème étant que, comme au cinéma la grande majorité des identités réelles des Avengers sont déjà connues de tous, l’argument de scission ne pouvait donc pas être le même. En résulte donc ce pauvre projet de loi et un désaccord bidon entre Tony Stark et le Captain America. L’un, celui avec l’armure, prend subitement conscience qu’il a tué plein de civils dans ses actions de vendetta super-héroïque et Capture d’écran 2016-05-18 à 19.45.12souhaite convaincre le super soldat américain de promulguer le texte. Mais le Captain n’entend pas baisser son froc et laisser 117 états fourrer leur nez (ou autre chose) dans leurs activités de protection des populations, qu’il juge personnellement juste, et ce même si ils ont déjà détruits New York, Londres, Washington et deux pays étrangers.

Voilà l’un des problèmes de base du scénario de ce Civil War, on comprend mal comment Captain America, bon petit soldat de l’Amérique, n’accepte pas d’assumer son rôle au sein de la nation, et d’écouter gentiment les ordres de son Président. D’aucuns vous diront qu’au contraire, il représente là, sûrement métaphoriquement, les Etats-Unis qui usent de leur ingérence sans se soucier de l’avis des autres pays. Quoi qu’il en soit, le scénario aurait été probablement plus solide, si les deux rôles avaient été inversés, et si le personnage de Iron Man/Tony Stark avait continué à être exploité dans sa trajectoire de méchant parfait, amorcée dans Avengers 2 : L’Ere d’Ultron, mégalomane égocentrique incapable de s’émouvoir du malheur des autres. Héros du film, le Captain se retrouve finalement à défendre l’indéfendable. Difficile d’être contre Iron Man, qui semble apporter un dialogue de concession et de dialogue pour limiter un peu les dégâts que causent – et c’est indéfendable – les vengeurs depuis la Phase 1. En résulte un film très étrange où l’on ne demande pas au spectateur de choisir un camp – et ce malgré la campagne marketing qui était axée là dessus – mais où on le force à suivre le trajet complètement absurde de son héros éponyme, décrédibilisant une bonne fois pour toute l’aura qu’il avait déjà eu bien peine à entretenir. Bon admettons, parce qu’on est bien obligés…. Admettons qu’ils aient de bonnes raisons de se mettre sur la gueule. Au moins, sans véritable méchant, peut être qu’ils finiront bien par s’entre-tuer et nous surprendre un petit peu. Que nenni, et je sors l’alerte à spoiler, puisqu’après s’être enchaîné des mandales à tour de bras pendant 2h30 les deux couillons finissent par dire : « On fait la paix ? ». Générique. Tout ça pour ça ? Aucun mort ? Voilà donc la guerre civile qu’on nous annonçait ? Une pauvre baston sur le parvis d’un aéroport ! Une guerre fratricide qu’on disait. Un truc de ouf. Après ça le Marvel Universe devait être « totalement bouleversé »… Ça oui, pour être bouleversé il est bouleversé, il n’a jamais été aussi déceptif et chiant ! Tout ce teasing Capture d’écran 2016-05-18 à 19.44.55de malade pour finir sur un « On fait la paix ? » vous êtes sérieux les gars ? Il manquait plus que la chanson Mon frère de la comédie musicale Les 10 Commandements en générique de fin et on avait la totale !

Je vais essayer de ne pas être malhonnête, le film ne sert pas totalement à rien, parce qu’il sert bien entendu à teaser deux nouveaux super-héros – tant qu’à faire – ce qui constitue en soit les rares réjouissances du film : le prince du Wakanda Black Panther, dont on a hâte de voir le film, et le retour aux sources de Spiderman (excellent Tom Holland), qui redevient le gamin insupportable et gouailleur du comics, rejoignant le rang des super-héros marrants de la bande – mes préférés – avec Le Faucon et Ant-Man. Non. Qu’on se le dise, dénonçons, osons. J’ai beau faire des efforts… Vraiment, ce film ne sert à rien ! Absolument à rien ! Puisqu’il se termine exactement comme il avait commencé. Retour à la case départ, ne touchez pas vingt mille francs, déboursez douze balles et les trois euros de supplément 3D, et un peu d’harissa avec ça ? « Non ça ira merci bien, ça pique déjà suffisamment. ». La bonne surprise que fût Captain America : Le Soldat de l’Hiver sous ses pourtours de films d’espionnage des années 70 nous avait tous fait mettre beaucoup d’espoir dans ce duo de frangins réalisateurs, d’autant plus après la perte d’inspiration de Josh Whedon sur le deuxième volet de la grande réunion des vengeurs. Mais avec le recul, même si le second film de la saga du Captain est un bon film quand on le regarde de manière indépendante, il préfigurait quand même un virage cancéreux pour cette franchise : celle du trop sérieux, de la noirceur au forceps, tout ce qui me fait chier chez DC Comics transfusé dans un univers aux personnages bariolés comme dans un carnaval. Les films Marvel ne sont définitivement pas faits pour s’aventurer dans le drame sans l’envelopper d’un drap pulp, parce qu’ils ne sont jamais aussi bons que quand ils s’amusent à pirater des genres – le film d’évasion et le space-opera avec Les Gardiens de la Galaxie, le buddy-cops avec Avengers, le film de casse avec Ant-Man – sans se prendre trop au sérieux. Gageons que les prochains se détendront un peu du slip, pour nous détendre les zygomatiques. C’est pas gagné.


A propos de Joris Laquittant

Sorti diplômé du département Montage de la Fémis en 2017, Joris monte et réalise des films en parallèle de son activité de Rédacteur en Chef tyrannique sur Fais pas Genre (ou inversement). A noter aussi qu'il est éleveur d'un Mogwaï depuis 2021 et qu'il a été témoin du Rayon Bleu. Ses spécialités sont le cinéma de genre populaire des années 80/90 et tout spécialement la filmographie de Joe Dante, le cinéma de genre français et les films de monstres. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/sJxKY


Laissez un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

5 commentaires sur “Captain America : Civil War