Strictly Criminal 1


Le dernier film en date avec le Johnny Depp (« Dipp » comme dit ma maman) est une agréable surprise, et on vous dit pourquoi avec un sourire aussi large que celui du criminel milliardaire dont Strictly Criminal est le récit.

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Boston Celtics

strictly-criminal-bande-annonce-6-vost-2015-jpeg_thumbnail_sourceComme tant d’autres gros budgets, on peut lister les difficultés de développement que le projet « Black Mass » (titre anglais du film, oui en France on a encore traduit un titre en anglais par un autre titre anglais…Passons) a rencontrées depuis sa genèse en 2000. D’abord avec les Weinstein qui finissent par lâcher le bébé, c’est sous l’escarcelle du producteur Brian Oliver que le cinéaste Jim Sheridan, spécialiste de la diaspora irlandaise à Hollywood, rédige un premier scénario destiné à être réalisé par lui-même. Suite à diverses embrouilles sur Dream House (2011), Sheridan cède sa place au sérieux Barry Levinson qui lie au projet, pour incarner le fameux James Bulgar, Johnny Depp…Qui va lui-même céder sa place à Guy Pearce d’abord, puis Benedict Cumberbatch, avant d’endosser pour de bon le rôle sous la direction de Scott Cooper : pas de quoi se réjouir dans ce decrescendo de réalisateur a priori. Et pourtant, à la vision de Strictly Criminal, on se trouve devant un autre exemple de surprise américaine, thriller pas si bête ou formaté qu’on pourrait le penser et respectueuse du spectateur, à l’image de A most violent year (Jeffrey C. Chandor, 2014).

En 1975, James Withey Bulgar est un caïd de Boston connu et craint de tous, si ce n’est des italiens qui contrôlent encore plusieurs quartiers de la ville. L’agent fédéral John Conolly l’approche pour faire un deal : si Bulgar l’aide à virer les ritals, la police fermera les yeux sur les activités de son équipe. Le marché est conclu, et entraîne avec lui William Bulgar, frère du précédent et surtout….Sénateur. Aoutch…Du coup vous avez capté l’intrigue qui peut paraître bateau, et qui l’est en fait (comme quoi même quand c’est inspiré d’une histoire vraie, c’est que la vie manque d’originalité), basée sur les thématiques de la corruption, de la frontière entre bien et mal, du rapport au groupe, entre frères…Des trucs déjà traités chez ces gros relous de grecs antiques qui ne nous ont pas laissé grand-chose à traiter comme sujet hormis le selfie qu’ils ne devaient pas avoir prévu (et encore). Le déroulé du film est assez automatique, obéissant au schéma classique de l’ascension du gangster et de ceux qui l’aident (au détriment de la vie familiale), puis de la chute permise par un homme de bien (un nouveau procureur à la moitié du film). Bon si ça s’est passé comme ça dans la vraie vie on va pas le reprocher.strictly-criminal-bande-annonce-11-vost-2015-jpeg_thumbnail_source

Pour ce qu’on peut en dire en termes cinématographiques, on va déjà commencer par mettre un petit holà sur l’ami Johnny. Oui, il est excellent, dans la peau de ce personnage d’une brutalité inouïe, ambigu (dingue de son fils, de sa mère mais sans pitié pour quiconque d’autre, nihiliste solitaire mais qui se prend de passion pour l’IRA et se met à la financer) mais il est bien trop grimé (ces lentilles sont dégueulasses…) et caricatural pour faire oublier qu’on a devant soi un acteur. Heureusement, cette mascarade est compensée par la qualité essentielle du film : la direction d’acteur. Tout le monde livre purement et simplement une performance riche, permise grâce à un cadrage et à des séquences qui laissent la part belle à l’expression, plaçant les personnages au centre de l’intérêt, notamment dans le rapport à la violence (la scène où Rory Cochrane doit cacher le corps de sa belle-fille, tuée par sa faute). La caractérisation est particulièrement poussée, allant jusqu’à des détails imperceptibles pour l’œil distrait (Bulgar et Connolly ne boivent pas leur bière de la même façon, par exemple, l’un dans un verre, l’autre à la canette), laissant penser qu’une deuxième vision serait tout à fait pertinente pour en apprécier les subtilités de direction.

Efficace, visuellement irréprochable, réaliste (le coup de feu fait le bruit d’un vrai coup de feu, le sang ne coule que quand c’est nécessaire, un étranglement, c’est très moche à regarder), et portant à ses personnages un soin salvateur, Strictly Criminal est certainement un des thrillers ricains les plus enthousiasmants et honnêtes de 2015. Et c’est pas (que) grâce à Johnny Depp.


A propos de Alexandre Santos

En parallèle d'écrire des scénarios et des pièces de théâtre, Alexandre prend aussi la plume pour dire du mal (et du bien parfois) de ce que font les autres. Considérant "Cannibal Holocaust", Annie Girardot et Yasujiro Ozu comme trois des plus beaux cadeaux offerts par les Dieux du Cinéma, il a un certain mal à avoir des goûts cohérents mais suit pour ça un traitement à l'Institut Gérard Jugnot de Jouy-le-Moutiers. Spécialiste des westerns et films noirs des années 50, il peut parfois surprendre son monde en défendant un cinéma "indéfendable" et trash. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/s2uTM


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