Pan


Lorsque j’ai appris que Joe Wright réaliserait une version de la pièce de théâtre de JM Barrie, Peter Pan, j’étais partagée entre la joie de pouvoir voir un beau film plein de lumières et de décors fabuleux et la crainte de voir Keira Knigthley grimée en Fée Clochette. Malheureusement pour le premier point et heureusement pour le second, Joe Wright renouvelle son style et abandonne les grandes tragédies romantiques qu’on aime d’un amour ardent, pour offrir un conte de fées sans fées.

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Horreur et faits jugés

Le postulat du film est posé dès le départ, comme pour vouloir se dédouaner d’un héritage déjà si imposant : les contes ont un passé avant d’exister en tant que tels et les ennemis étaient auparavant amis, annonçant clairement la couleur guimauve de ce qui allait suivre.2b521bea-e765-496a-adb3-feba5d7ca480-620x372 A l’aube de la seconde guerre mondiale, Peter, qui n’est pas encore Pan, est abandonné à contre-cœur par sa mère aux portes d’un crasseux orphelinat londonien, géré par une espèce de Miss Trunchbull (Legourdin), une bonne sœur gloutonne et méchante qui vend les orphelins à des pirates venus d’une autre planète. Peter, qui a bien grandi dyslexique et turbulent, se fait à son tour enlever par ces vénaux de pirates – pléonasme – sur un bateau volant. Pour passer de la Terre à la deuxième étoile à droite et tout droit jusqu’au matin, l’engin affronte les avions anglais qui le prennent pour une nouvelle sorte d’arme allemande et affronte la gravité lors d’une magnifique mais bien trop courte séquence où Peter joue aux billes avec Saturne avant de brutalement atterrir au pays imaginaire. Une île sale et lugubre peuplée d’enfants aux allures de mineurs – le métier, parce qu’un enfant de base c’est mineur il me semble – scandant avec colère aux nouveaux venus Smell like teen spirits de Nirvana (qui en français donnerai : “ça sent l’esprit adolescent //Charge tes flingues et amène tes amis, C’est drôle  de perdre et de faire semblant, je connais un gros mot, amusons nous” etc etc), une idée plutôt chouette mais malheureusement avortée. Ce genre de chant est repris quelques fois dans les 10 minutes qui suivent puis l’idée est rangée dans un tiroir pour être remplacée par des effets spéciaux grotesques et super moches qui sont entièrement excusables pour des téléfilms et séries des années 2000 mais qui font tâche aujourd’hui, pays imaginaire ou non. Le film a cependant de bonnes idées à la Hook (Spielberg, 1992) comme lorsque les balles des armes à feu sont remplacées par des fumées colorées proposant une alternative à la violence sanglante digne du plus mauvais des pirates.

pan2Deux scènes méritent d’être retenues dans ce bourbier numérique, deux scènes où la nature du pays imaginaire permet à Peter de connaître ses origines –  tout en se passant de montrer encore une fois la moindre goutte de sang et c’est très bien comme ça. Peter a une mère humaine et un père fée, malheureusement le méchant Barbe Noire veut éradiquer les fées et voler toute la poussière qu’elles produisent pour rester éternellement jeune. Papa est tué et Maman s’enferme avec les fées dans une cachette à l’abri des pirates, et c’est dans la souche d’un arbre que cette histoire est contée sous la forme d’une jolie animation. Plus tard Peter, sur une plage, plonge de nouveau dans le passé et utilise la mer comme Dumbledore utiliserait sa pensine. Ces deux courts moments sont un instant de répit agréable pour le spectateur essoufflé par les effets numériques d’une laideur abyssale.

Le jeu des acteurs est assez gênant et ce n’est pas entièrement la faute à la VF – après avoir vu un film américain doublé en espagnol, on ne peut qu’être indulgent et fier du travail des adaptateurs français je pan-5vous le dis – personne ne croit à ce qu’il fait.  Le jeune Levi Miller est insupportable, Rooney Mara est aussi crédible en Lily la tigresse que Kate Winslet le serait en esclave afro-américaine. Crochet incarné par Garrett Hedlund est un mauvais personnage qui s’offre tout les tics d’Indiana Jones et du Lone Ranger à la fois, tout sauf un pirate et l’acteur a du mal à se dépatouiller avec cet insolent personnage. Et la romance entre ces deux derniers est imbuvable. Mention spéciale pour la pauvre Cara Delevigne qui incarne trois sirènes plutôt très moches, mais de toutes façons depuis que je sais que les marins prenaient les lamantins pour des sirènes ça m’a refroidi niveau légendes aquatiques. Seul Hugh Jackman tire son épingle du jeu et s’amuse avec son personnage de Barbe Noir à la recherche de l’immortalité. Le plus triste dans tout ça, c’est que les comédiens ont signé un contrat d’engagement pour plusieurs films. Laissez-moi pleurer maintenant.


A propos de Angie Haÿne

Biberonnée aux Chair de Poule et à X-Files, Angie grandit avec une tendresse particulière pour les monstres, la faute à Jean Cocteau et sa bête, et développe en même temps une phobie envers les enfants démons. Elle tombe amoureuse d'Antoine Doinel en 1999 et cherche depuis un moyen d'entrer les films de Truffaut pour l'épouser. En attendant, elle joue la comédie avant d'ouvrir sa propre salle de cinéma. Ses spécialités sont les comédies musicales, la filmographie de Jean Cocteau, les sorcières et la motion-capture.

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