Le spectre de Frankenstein 1


Frankenstein ou le Prométhée moderne de Mary Shelley (la fille de la mère des féministes) est de loin l’un de mes romans préférés, et si j’ai tort de trouver la soit-disante « meilleure adaptation » réalisée par Kenneth Branagh plutôt chiante, c’est parce que je lui préfère – et de loin – l’atmosphère brumeuse en noir et blanc des films des années 30.

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Frankenstein n’est pas mort ! Vive Frankenstein !

Après Bela Lugosi en Dracula ( Tod Browning, 1931) le studio Universal continua sur sa lancée la même année avec Frankenstein (James Whale, 1931) et son imposant monstre, les deux films seront d’ailleurs souvent – et le sont probablement toujours – proposés en double-feature au cinéma. Tourné en 1942 avec un budget moindre Le Spectre de Frankenstein sort au moment où les monstres de Universal n’ont plus trop la côte. Victime de ce désaveu du public, les monsters movies passèrent de la catégorie A à celle de la série B. Plus tard, la firme décidera de tous les mélanger pour créer des histoires épiques, des cross-le-spectre-de-frankenstein3over en somme, qui ramèneront de nouveau les spectateurs dans les salles. Le film dont il est question n’en est pas un, mais préfigure l’esprit de saga et de suite qui feront le succès des Universal Monsters.

Parlons du scénario. Des villageois détruisent le château espérant conjurer le mauvais sort qui pèse sur le village, une bonne fois pour toutes. Ce faisant, ils libèrent la créature de Frankenstein (Lon Chaney Jr) qui était emmurée vivante. Retrouvée par Igor, son fidèle ami (Bela Lugosi, oui oui), la créature se recharge avec les éclairs aussi vite qu’un iPhone branché sur secteur, trop lentement. Sur la route pour retrouver l’un des fils de son maître afin de récupérer sa force d’origine grâce à son aide, la créature de Frankenstein rencontre une petite fille qui a envoyé son ballon sur le toit. Ne voyant pas la laideur du monstre mais uniquement le fait qu’il est géant, elle lui demande de l’aide et le considère comme son ami – jolie ré-appropriation du mythe de la Belle et la Bête – pendant que les villageois hurlent comme la plupart des villageois, au kidnapping. Évidemment le fils du docteur Frankenstein (que nous appellerons Frankenstein Junior) refuse que le monstre entre dans sa vie et préfère soigner les maladies mentales, en le-spectre-de-frankenstein5extrayant les cerveaux de ses pauvres patients et en les remplaçant par des cerveaux volés sur des cadavres sains d’esprits. Les chiens ne font pas des chats, n’est-ce pas ? Du coup, comme ça le saoule un peu que le monstre ait le béguin pour sa fille, il décide de le démembrer – c’est bien naturel, car après tout ce n’est pas un meurtre puisque ce n’est pas un humain – et une chose est sûre il n’est pas végétarien… Par un concours de circonstances – un petit meurtre quoi – Frankenstein Junior décide qu’une petite transplantation de cerveau était plutôt bienvenue, et que le transplanté hériterait certes d’un physique disgracieux mais qu’au moins il aurait la vie éternelle. Pas de bol, c’est le cerveau d’Igor qui termine dans le corps du monstre, prêt à devenir le plus méchant des vilains. Volet ultime de la saga, la créature, enfin Igor en fait, finit aveugle et dans le feu.

Le-Spectre-de-Frankenstein-jaquetteS’il est considéré par beaucoup comme un film mineur de la saga des Universal Monsters, j’ai pour ma part grandement du mal à attribuer à ce film ce malencontreux adjectif, tant j’ai une tendresse particulière pour ces films sans moyens et parfois aussi… Sans scénario. Parait-il que celui-ci annoncerait le début de la fin de la série des Frankenstein. Le seul défaut que je lui trouve est de ne pas avoir pris le temps d’exploiter l’idée très intéressante du cerveau d’Igor dans le corps de la créature. Évidemment que le seul spectre qui règne sur ce film c’est celui de James Whale dont cette suite n’arrive pas à la taille – parce qu’à la cheville, oui quand même – des précédentes réalisations – qui sont d’ailleurs citées dans ledit film, grâce à l’utilisation de flashbacks – mais tant pis ! On sait qu’on est face à une énième suite, et que comme souvent, elles ne valent pas l’original. Soit, si l’on s’accorde à apprécier une série B qui ne cherche rien d’autre que d’en être une : le plaisir en reste quand même coupable et n’en est que meilleur.

L’édition DVD bénéficie outre d’une introduction de cinq minutes par le toujours passionnant Jean-Pierre Dionnet – le co-papa des Enfants du rock et de Metal Hurlant, qui plus est producteur de film et critique de cinéma – qu’il est possible de négliger mais ça serait dommage de passer à côté de ça. Dans les bonus nous retrouvons encore l’ami Dionnet qui nous parle pendant près de quinze minutes passionnantes de la genèse du Frankenstein de Mary Shelley – livre écrit du haut de ses 18 ans – jusqu’aux premiers films de cinéma adaptés de son ouvrage. On appréciera également le petit livret écrit par Damien Aubel – rédacteur en chef cinéma de Transfuge – retraçant la genèse de la saga des Frankenstein, un petit bonus agréable qui clôture la jolie édition de cette dernière !


A propos de Angie Haÿne

Biberonnée aux Chair de Poule et à X-Files, Angie grandit avec une tendresse particulière pour les monstres, la faute à Jean Cocteau et sa bête, et développe en même temps une phobie envers les enfants démons. Elle tombe amoureuse d'Antoine Doinel en 1999 et cherche depuis un moyen d'entrer les films de Truffaut pour l'épouser. En attendant, elle joue la comédie avant d'ouvrir sa propre salle de cinéma. Ses spécialités sont les comédies musicales, la filmographie de Jean Cocteau, les sorcières et la motion-capture.


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