Ant-Man 5


Après des années de développement particulièrement houleuses, Marvel conclue la Phase II de son univers cinématographique avec Ant-Man, le super héros fourmi. Retour sur cette catastrophe annoncée qui n’en est pas une.

L’homme qui rétrécit

Conclusion de la Phase II de l’Univers Cinématographique Marvel, Ant-Man fut aussi l’une des arlésiennes du développement de la galaxie de super-héros de l’écurie. Longtemps désiré par les fans, sa mise en production fut annoncée dès 2006 avant de trouver en 2009 son réalisateur en la personne de l’anglais Edgar Wright. Après des années de développement, des imbroglios et de multiples désaccords artistiques finirent par convaincre le réalisateur de Shaun of the Dead (2004) et de Scott Pilgrim vs. The World (2010) d’abandonner le navire. A l’époque, cette décision électrocuta littéralement la planète geek qui salivait depuis de longs mois sur les probabilités que ce Ant-Man version Edgar Wright soit le meilleur film Marvel de tous les temps. Pour ma part, j’ai accueilli la nouvelle avec un regain d’intérêt pour le projet. En effet, je ne suis pas vraiment fan d’Edgar Wright car je reproche à son cinéma quelques facilités, notamment d’écriture et de montage – mon confrère Nicolas partage cet avis et vous en parlait dans son article sur Scott Pilgrim – mais je savais que le script avait été co-écrit par Wright avec son compère Joe Cornish, un scénariste à qui l’on doit – avec Edgar Wright déjà – la très bonne adaptation des Aventures de Tintin : le Secret de la Licorne (Steven Spielberg, 2011) et dont j’apprécie aussi le travail en tant que réalisateur avec son premier film, le génial Attack the Block (2011). Je l’avoue donc, secrètement, j’ai rêvé des jours et des jours que Marvel nous annonce que Joe Cornish reprendrait le flambeau. Il n’en est rien, après quelques semaines de suspense, le ton fut donné. Marvel revint à ses fondamentaux, en choisissant en remplacement, un énième petit faiseur du nom de Peyton Reed dont les seuls faits d’armes remarquables jusque là, étaient d’avoir réalisé la série d’animation Retour vers le Futur (1991-1992) et la comédie Yes Man (2009) avec le grimaçant Jim Carrey. Soit. D’emblée nous avions néanmoins la certitude que le nouveau Marvel serait une vraie comédie et s’éloignerait de la dérive récente du studio, qui, lorgnant surement du côté des films DC Comics produits par Warner Bros, obscurcissaient ses histoires en rendant les enjeux plus graves et l’atmosphère plus pesante et sombre. (Voir mon article : Quand Marvel broie du Noir).

Nul ne sait si Edgar Wright et Joe Cornish ont été évincés par Marvel et Disney, ou bien s’ils sont partis tout seuls, écrasés par le studio et ses exigences diverses. Si l’on en sait pas grand chose en réalité, l’hypothèse d’un départ uniquement du fait de Edgar Wright – emmenant avec lui son scénariste – semble la plus probable puisque durant toute la production et post-production du film, sous la direction du remplaçant, Marvel n’a eu de cesse que d’essayer de revenir à la vision de Edgar Wright qui semblait donc, lui convenir tout à fait. L’étonnement est donc grand en voyant le film, puisque si l’on s’attendait à voir un film aseptisé par un faiseur sans âme, on a plutôt l’impression de voir un film d’Edgar Wright réalisé par un autre. Peyton Reed l’avoue sans problème, la majorité des grandes idées du scénario de Joe Cornish et son compère réalisateur ont été conservées dans le film final. Par exemple, l’idée de réunir deux protagonistes ayant porté le costume de l’homme fourmi dans les comics serait celle de Wright. On retrouve donc le mentor Hank Pym – l’inventeur du costume et premier à l’avoir porté durant la guerre froide – interprété par un Michael Douglas parfait, chercher un disciple et le trouver en la personne du très bon et très cool Scott Lang (Paul Rudd) – qui deviendra, pour sûr, le super-héros le plus fun de la galaxie Marvel, en concurrence directe avec Star Lord (Chris Pratt) et renvoyant définitivement à la retraite Tony Stark aka Iron Man (Robert Downey Jr.). Idem, le ton comique du film et l’idée d’en faire un film de braquage assez fun, seraient aussi des idées des scénaristes originaux.

Alors, pour prouver qu’il n’est pas arrivé sur le film pour réaliser le film d’un autre, l’actuel réalisateur a néanmoins précisé que lui et son scénariste, Adam McKay – l’un des as des saillies comiques à Hollywood, puisqu’il a été de longues années le dialoguiste vedette de l’émission culte du Saturday Night Live – bien épaulés par l’acteur Paul Rudd – lui aussi membre d’une des écuries comiques les plus adulées d’Amérique, la fameuse team Appatow – ont réécri beaucoup de choses et apporté de nombreuses nouvelles idées. Ainsi, l’un des passages les plus incroyables visuellement du film (attention spoiler) montrant l’homme-fourmi entrer dans une dimension sub-atomique : est absolument bluffant. Avec ses effets psyché, la séquence rappelle les grandes heures des comics cosmiques des années 70, période durant laquelle les probables expérimentations sous psychotropes des auteurs se ressentaient dans les cases. Plus étonnant, Reed précise que les nombreuses séquences de montage imbriqué, très prisées par Edgar Wright dans sa filmographie – c’est limite une signature – n’étaient pas des idées originalement présentes dans le scénario. C’est donc au choix un comble, ou une marque de courage absolue du réalisateur, qui plutôt que d’essayer de se dépatouiller d’un scénario marqué au fer rouge par la personnalité et le style de son auteur, a préféré en appuyer les traits, au bénéfice du film, quitte à rajouter des références presque évidentes au cinéma de son prédécesseur. Voilà pourquoi le film, de part son histoire et sa genèse particulière, est un objet non identifié. La sensation est déroutante, on a vraiment la double impression de voir le film qu’Edgar Wright aurait pu faire, mais aussi celui qu’il a refusé de faire. On imagine en effet que ses réticences envers les modifications demandées par le studio – les fameux désaccords artistiques – concernaient l’ajout, un peu artificiel il est vrai, d’une scène, entre autre, mettant en œuvre un Avenger au prise avec l’homme-fourmi, histoire bien sûr, de connecter ce nouveau personnage au reste de l’univers Marvel.

L’une des grandes attentes du film était, bien entendu, de savoir de quelle manière le pouvoir de ce nouveau super-héros serait rendu à l’écran. Emmitouflé dans sa combi-latex steam punk, Scott Lang a le pouvoir, grâce à des modificateurs de tailles d’atomes créés par Hank Pym, de rétrécir à la taille d’une fourmi. Comme l’insecte, il garde néanmoins, à cette taille, une force conséquente, celle là même qui donnerait aux fourmis la faculté de porter plusieurs fois leurs poids. Ant-Man est donc le prototype d’un soldat quasiment invisible et invincible, capable de foutre des patates gigantesques à ses ennemis tout en étant à la taille d’une formicidé. Parce qu’il a conscience du danger que pourrait représenter un tel pouvoir s’il tombait dans les mains d’un méchant, de surcroit chauve, Hank Pym protège secrètement sa création depuis de longues années. Mais en secret, l’héritier de son entreprise d’innovation scientifique, un certain Darren Cross – un mec méchant et… de surcroit chauve – a découvert comment recréer à l’infini le pouvoir derrière le costume d’Ant-Man et compte bien s’en servir pour mettre sur le marché le Yellow Jacket, une armure sophistiquée destinée à équiper des soldats dans les conflits armés. Le Dr. Hank Pym trouve donc en Scott Lang – un as du cambriolage, Arsène Lupin plutôt cool – l’héritier parfait pour devenir le nouveau Ant-Man et botter son cul au méchant de surcroit chauve. Le film reprend donc le canevas du récit d’apprentissage – et c’est, commentez-moi si je me trompe, inédit dans le MCU – on y retrouve donc un maître vieillissant qui doit transmettre ses pouvoirs à un disciple pour qu’il fasse perdurer la légende. La séquence de découverte des pouvoirs, lieu commun de ce type de récit – on pense bien sûr à l’enseignement de la force que Yoda prodigue au jeune Luke Skywalker – est l’une des plus réussie du film. Sommet d’action spectaculaire, la séquence plonge le spectateur lui même à l’état de fourmi, d’autant plus quand le film est vu en IMAX 3D comme ce fut mon cas. L’effet de profondeur, les distorsions de l’image mais aussi du son, et par extension du temps, donne à ces moments de transformation une force cinématographique incroyable. L’émerveillement ressenti rappelle bien sûr quelques emblématiques essais cinématographiques sur ce terrain vaste mais minuscule : du mythique L’homme qui rétrécit (Jack Arnold, 1957) – dont l’une des séquences cultes montrant l’homme microscopique se faire attaquer par un chat gigantesque a le droit ici a un clin d’œil bien senti avec… un Ant-Man en prise avec une souris géante ! – mais aussi le moins connu La Révolte des Poupées (Attack of the Puppet People, 1958) sans oublier la production Disney Chéri, j’ai rétréci les gosses (Joe Johnston, 1989) dont le titre anglais Honey, I Shrunk the Kids est même largement cité par l’un des titres de la superbe bande-originale du film – composée par Christophe Beck, l’homme déjà derrière les orchestrations de La Reine des Neiges (2013) – intitulé Honey, I Shrunk Myself !

Par son humour décapant et son recours bien senti aux codes du genre du film de braquage – j’aurais pu appeler cet article Fourmission Impossible – le film s’assume comme une série B décomplexée et rigolarde, s’inscrivant dans le lignage fun des Gardiens de la Galaxie (James Gunn, 2014). La recette, résolument plus légère, fonctionne, à mon sens, bien d’avantage que les prophéties apocalyptiques de certaines autres productions Marvel qui ne consistent qu’à montrer un monde rongé par le mal, château de cendre prêt à partir en fumée, à l’image du Londres dévasté de Thor, Le Monde des Ténèbres (Alan Taylor, 2013) ou du chaos généralisé de Avengers : L’Ere d’Ultron (Joss Whedon, 2015). Ici, on se combat pour le destin de l’humanité dans une chambre de petite fille, entre les peluches et les petits trains. Concluant son histoire par la très touchante allégorie du papa super-héros – vous savez, ce fin mot de petite fille : « Mon Papa c’est le plus fort ! » – le film replace son personnage dans son univers et dans son contexte : cet héros là est hors-norme mais ne se prend pas au sérieux. Scott Lang est donc l’anti Tony Stark, son alter-ego qui ne vanne pas les autres mais se moque de lui même. Que ce soit dit, il me tarde vraiment de le voir botter enfin le cul du petit milliardaire prétentieux.


A propos de Joris Laquittant

Sorti diplômé du département Montage de la Fémis en 2017, Joris monte et réalise des films en parallèle de son activité de Rédacteur en Chef tyrannique sur Fais pas Genre (ou inversement). A noter aussi qu'il est éleveur d'un Mogwaï depuis 2021 et qu'il a été témoin du Rayon Bleu. Ses spécialités sont le cinéma de genre populaire des années 80/90 et tout spécialement la filmographie de Joe Dante, le cinéma de genre français et les films de monstres. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/sJxKY


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