Docteur Cyclope 1


C’est lors de la rétrospective consacrée à Merian C. Cooper lors du dernier Festival International du Film d’Amiens que j’ai découvert en version anglaise et non sous-titrée ce Dr. Cyclops. Sorti en 1940, ce film, réalisé par Ernest B. Schoedsack et produit par Merian C.Cooper, est l’un des premier film de science-fiction en couleur, sorti un an seulement après Autant en Emporte le vent (Victor Fleming, 1939). Retour sur ce film un peu méconnu.

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Quand Ulysse n’est pas là

Certains films donnent envie d’écrire de longs paragraphes, que ce soit en bien ou en mal, ils arrivent à nous faire parler – voire même débattre – de longues heures après leur fin. D’autres, en revanche, sont moins ambitieux et si on ne sort pas de la salle complètement démuni, nous en sortons quand même sans n’avoir rien à dire de plus. Qu’on se le dise, ce Dr.Cyclops (Ernest B.Schoedsack, 1940) fait partie de ces films là. Avec ses codes de film de science-fiction, son méchant bien caractéristique et sa promesse d’une aventure façon Cooper et Schoedsack : ce film part d’emblée avec de grandes qualités. Tout commence dans la jungle Amazonienne. C’est dans cette jungle que le méchant Dr. Cyclope – qui s’appelle en vérité le Docteur Thorkel – travaille d’arrache-pied sur une expérience. Et c’est dans cette même jungle qu’il décide de tuer son associé car il avait décidément posé la question de trop… C’est alors que deux autres docteurs, les Dr. Mary Robinson et Bullfinch, viennent le seconder en compagnie d’un minéralogiste et d’un mineur. Rapidement, les personnages tentent de comprendre ce que leur cache l’étrange Dr.Thorkel mais se font 600full-dr.-cyclops-screenshotréduire par l’expérience du diabolique scientifique en minuscules personnages. Dr. Cyclops est donc l’un des premier film avec des personnages à taille réduite. Pour rappel, l’un des plus célèbres film de ce genre : L’homme qui rétrécit (Jack Arnold, 1957) est sortie dix sept ans après celui-ci !

En parlant d’expérience, si sa première apparition montre un gros tube vert fluorescent – c’est quand même le premier film de science fiction en technicolor – la suite nous montre toute sorte d’effets spéciaux plus ou moins réussis. Là où en noir et blanc certains effets spéciaux auraient semblé crédible, c’est en couleur qu’ils révèlent leurs secrets, comme ce qu’un magicien n’est pas censé faire. Entre les fonds peints et les fausses plantes – oui, là je chipote – les différentes techniques inspirées de King Kong (Merian C. Cooper & Ernest B. Schoedsack, 1933) comme des surimpressions pour montrer des grands personnages ou des mains géantes mécaniques tellement plastiques qu’on se demande si elles ne sont pas passées par la chirurgie esthétique. Mais par delà ces effets bien visibles – surtout pour nous spectateurs de 2014 à l’ère du tout numérique et de l’omniprésence du fond vert – plusieurs effets ont eux relativement – et heureusement – peu vieilli. Les objets par exemple, ont tous été construits selon une échelle plus grande, de même que certains accessoires ne sont que des reprises d’objets divers à échelle plus grande, les aiguilles servent d’armes, de même que les allumettes leurs servent à ouvrir des portes. En réalité, ce qui a vieilli c’est surtout lorsque les personnages minuscules font face aux grand docteur, 0000cyclopsméchant avec des lunettes ridicules, car les différentes qualités de l’image se superposent dans un même plan.

Et cela nous amène donc au deuxième point : Le fond. Oui, on a vu que la forme était globalement maîtrisée – mais pas tout à fait quand même – alors qu’en est-il du scénario en lui même ? J’aimerai dire qu’il est bon, vraiment, mais ce serait mentir. N’y allons pas par quatre chemins – de toute façon je doute qu’il y en ai autant : le Dr.Cyclops est aussi original que le plus mauvais scénario de Besson. On y retrouve des archétypes bien définis : le méchant, le un peu moins méchant, le héros… Dès les premières minutes nous savons exactement ce qu’on va voir ensuite, le système scénaristique hollywoodien est tellement bien appliqué, qu’il n’en résulte au final qu’un énième film d’aventure. Mention spécial à Pedro, le mexicain, qui porte une très belle moustache typique des frère Mario et Luigi et qui a su pendant tout le film, réaliser avec brio tous les clichés des mexicains dans un film Américain. A plusieurs moment, on se demande même si on a pas affaire à un film de série B !

Alors c’est vrai que vous allez vous demander ce qui fait que malgré tout, j’aime bien ce film. Outre les clichés et les effets spéciaux pas toujours maîtrisés, ce qu’il reste du film, c’est toute la science de Cooper et de Schoedsack en matière d’aventure. Le monde des petits personnages, est une expérience tellement originale pour l’époque et surtout une aventure d’une grande ampleur cinématographique. D’ailleurs, sans entrer dans les détails, sachez que les dangers rencontrés par nos héros seront de plus en plus grand et les amèneront même à se battre contre un alligator ! Le film bascule clairement dans une seconde partie, montrant alors un renouveau total de ses enjeux. Ici, les plus petits problèmes sont d’une importance énorme – comme tout les films avec de petits personnages, c’est vrai – les décors que l’on pensait simples se révèlent plus complexes – tout y semble fait pour empêcher nos héros de retrouver leur taille normale. Certains pourront voir dans le Dr Cyclops plusieurs similitude avec son aîné King Kong et ils auraient bien raison : le singe géant est ici remplacé par le méchant docteur, la taille des personnages miniaturisés nous rappelle Denham et sa troupe, minuscules humains perdus dans l’immensité de la jungle, sans oublier l’alligator qui ressemble aux dinosaures de Skull Island… mais moi, je préfère y voir un Gargamel voulant attraper les Schtroumpfs – j’aime les Schtroumpfs.

La seconde partie permet de gommer tout les défauts trop classiques de la première. Par ailleurs, même sans ressortir de la salle changé à jamais par la vision du film, on en ressort content, sans savoir réellement pourquoi on a tant aimé. Peut-être pour la promesse tenu d’avoir une aventure, non pas avec des personnages immenses, mais avec un monde immense. Peut-être pour avoir souri face aux nombreux clichés et mimiques dignes d’un film de série B. Peut-être tout simplement car on y passe un bon moment : et je pense que c’est le principal pour un film comme celui là.


A propos de Andréas Haÿne

Andréas a été pistonné par sa sœur pour pouvoir faire son stage de troisième sur Fais pas Genre ! Finalement, pour cause de quotas-roux, nous avons décidé de le maintenir dans l'équipe. Aussi, accessoirement, parce qu'il peut aller voir certains films à notre place. Il n'a pas encore de spécialité parce qu'il cherche sa voie, bien qu'il envisage une carrière de pirate somalien.


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