L’Etrange créature du lac Noir 3D 8


Nous ne pouvions pas manquer l’occasion de vous parler de L’Étrange Créature du Lac Noir, qui après une ressortie en salles dans sa version 3D d’origine et dans une copie restaurée d’une grande beauté l’an passé débarque désormais dans un sublime écrin Blu-ray 2D/3D chez Universal. Retour sur ce classique du cinéma d’horreur des années 50, emblème du film de monstres, et chef-d’œuvre parmi d’autres de Jack Arnold.

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C’est la belle qui a tué la bête…

La série des Universal Monsters est devenue au fil du temps une véritable institution, plus encore, un sous-genre à part entière du film de monstres. Cette écurie réunissant les plus grands noms du déguisement horrifique à trois sous: de Frankenstein (1931) à Dracula (1931) en passant par la célèbre Momie (1932), L’Homme Invisible (1933), Le Loup Garou de Londres (1935) et La Créature du Lac Noir (1953) qui nous intéressera ici. La série des Universal Monsters est en fait réellement aux origines du cinéma de genre et du film de monstres puisque c’est avec Dr. Jekyll & Mister Hyde (1913), The Hunchback of Notre Dame (1923) et Le Fantôme de l’Opéra (1925) – auxquels il faut ajouter tout de même Nosferatu (1922) – qu’émergera cette mode du film de monstres classique. On estime même qu’encore aujourd’hui, il s’agit toujours d’une institution au sein de la Universal qui n’a jamais réellement cessé de produire ce genre de films. On citera notamment – pour continuer dans le namedropping – Les Dents de la Mer (1975), An American Werewolf in London (John Landis, 1981), en passant par The Thing (1982) et même Jurassic Park (1992). Ces derniers temps, la firme évite toutefois de lancer de nouveaux monstres à l’assaut d’Hollywood. Et pour cause, les succès des trois nouveaux volets de La Momie (1999, 2001, 2008) suffirent à décider Universal de s’engager plutôt sur des remakes de ses grands classiques. L’historique du film de monstres Universal étant déroulé, venons-en plus principalement au film.

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L’Etrange créature du Lac Noir est réalisé par Jack Arnold, qui, en l’occurrence, est bien loin d’être un rigolo puisqu’il signera par la suite certains des plus grands classiques du cinéma de genre et de science-fiction: le film d’attaque de monstres Tarantula (1955), et le chef-d’œuvre absolu L’Homme qui rétrécit (1957). Lorsqu’il met en route son film de monstres pour Universal, il récupère la technique qu’il avait déjà employé sur un autre de ses films cultes Le Météore de la Nuit (1953), à savoir, tourner pour une diffusion en trois dimensions via un procédé de lunettes polarisantes. L’exploitation en salles des deux films sera néanmoins principalement lancé dans le système anaglyphe (rouge et bleu) au rendu largement moins bon. La ressortie en salles du film permet donc de le redécouvrir sur son format 3D d’origine, avec les bonnes vieilles lunettes polarisantes qui n’ont fait qu’un temps dans nos cinéma: très lourdes et coûteuses, il fallait les rendre à la sortie de la salle, et un petit spot ridicule avec un personnage absolument culte nous rappelait par ailleurs de ne pas jeter la lingette nettoyante sur le sol.

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Le film se déroule dans les années 50, alors qu’une expédition en Amazonie découvre l’existence fossilisée d’un lien entre la terre et les espèces marines. Le chef de cette expédition, le valeureux Carl Maia, réunit alors le Dr David Reed, ichtyologiste en biologie marine, et le Dr Williams, pour financer les recherches et retrouver d’autres preuves. L’expédition est lancée à bord d’un navire, menée par quatre scientifiques et la compagne de l’un deux. Arrivé sur les lieux de la découverte récente, ils finiront par comprendre que les hommes du village ont récemment été massacrés et que le responsable de ce désastre n’est autre qu’une créature amphibie préhistorique vivant au fond du lac d’à côté.

Le film est en vérité un recyclage presque complet d’une des recettes les plus lucratives du cinéma de monstre made in Universal. Un groupe de scientifiques se lance dans une expédition archéologique et fait resurgir un monstre antique. C’est là exactement le même pitch que celui des différentes versions de La Momie, qui est ici réutilisé, bien que l’on change de lieu et de monstre. S’il est très clair que voir le film à notre époque provoque plutôt des crises de fous rires, on imagine toutefois les spectateurs de l’époque hurler d’effroi devant la créature surgissant de l’eau. La créature? Il s’agit en fait d’un homme dans un costume en latex assez ridicule. L’acteur à l’intérieur dudit costume mériterait d’ailleurs un Oscar d’Honneur car les différentes situations dans lesquels le scénario le place, enfermé dans un costume sans un brin d’air, pourrait faire tomber Universal pour acte de torture. Comme dans tout film de monstre qui se respecte, une superbe nana en petite tenue se confronte aux ardeurs animales de la bête. Ici, même son de cloche. Nous ne sommes pas loin parfois des effeuillements ultra-suggestifs de la version 1976 de King Kong, et l’ambiguïté érotique de la relation entre la jeune femme et le monstre est largement assumée. Lorsque le monstre kidnappe la jeune femme – lieu commun encore une fois de ce genre de film – c’est pour la poser sur un rocher et contempler ses formes. Une relation si électrique et fusionnelle que la jeune femme n’en ressortira pas indemne et sera profondément attristée de la mort de la bête . “C’est la belle qui a tué la bête”, ainsi se termine la version originale du mythique King Kong, et ainsi se termine, en quelque sorte, L’Etrange créature du Lac Noir.

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Sans révolutionner un genre déjà ultra-codifié par ses producteurs, le film conserva toutefois, et ce dès sa sortie, un statut de film culte avant de devenir au fil du temps un véritable classique du genre. Pièce maîtresse dans la galerie des monstres de la Universal, L’Etrange Créature du Lac Noir devint l’une des figures irremplaçables du cinéma d’horreur américain et connut plusieurs suites dont Revenge of The Creature (1955) réalisé une nouvelle fois par Jack Arnold – un film qui, pour la petite histoire, crédite pour la première fois Clint Eastwood dans un rôle au cinéma – puis un sequel, The Creature Walks Among Us (1956). Si un remake était bel et bien en projet depuis 2010 sous la houlette de Breck Eisner (The Crazies, Sahara) Universal n’a toujours pas donné son feu vert à sa production, probablement refroidie par l’insuccès du remake de Wolfman par Joe Johnston (2010).

Ce très beau Bluray propose deux versions du film, celle en 2D mais aussi celle en 3D, toutes deux parfaites bien que l’on vous conseillera bien sûr la version relief, qui permet d’apprécier encore d’avantage ce classique. Rien à redire sur le son, proposé dans son format DTS 2.0 d’origine. Du côtés des contenus bonus, autour des bandes-annonces, photos de tournage et commentaire audio de qualité (par l’historien du cinéma Tom Weaver) on notera la présence d’un très bon documentaire intitulé en français Retour vers le lac noir de plus de trente minutes qui revient longuement sur la genèse du film – notamment sur la création du costume du montre devenu culte – mais aussi sur ses deux suites La Revanche de la Créature (Revenge of The Creature ,1955) et La Créature est parmi nous (The Creature Walks Among Us, 1956) dont on espère grandement qu’elles bénéficieront d’une re-sortie de la même qualité.

 


A propos de Joris Laquittant

Sorti diplômé du département Montage de la Fémis en 2017, Joris monte et réalise des films en parallèle de son activité de Rédacteur en Chef tyrannique sur Fais pas Genre (ou inversement). A noter aussi qu'il est éleveur d'un Mogwaï depuis 2021 et qu'il a été témoin du Rayon Bleu. Ses spécialités sont le cinéma de genre populaire des années 80/90 et tout spécialement la filmographie de Joe Dante, le cinéma de genre français et les films de monstres. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/sJxKY


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