Mister Babadook 1


Petit coup de génie de l’édition 2014 du festival de Gérardmer, le premier long métrage de Jennifer Kent a été la plus belle surprise du festival (au beau milieu d’une compétition plus qu’inégale), et se pose clairement comme la grande découverte fantastique de cette année.

babadook

Breaking ba-bad

Jennifer Kent, c’est une ex-actrice, surtout remarquée pour avoir tenu l’un des rôles principaux de la série Fréquence crime. En 2005, elle réalise un court métrage en noir et blanc, Monster, qui servira de base à Mister Babadook et qui est présenté dans plus de quarante festivals à travers le monde, repartant régulièrement avec des prix. Il faut donc bien croire qu’il s’agit là d’un gage de babadookqualité, puisque la réalisatrice elle-même semblait avoir envie de reprendre cette histoire dans un long métrage. C’est chose faite avec ce film, qui creuse bien plus profondément pour donner une tout autre dimension à l’horreur.

Amelia (Essie Davis) est une mère de famille qui a perdu son mari dans un accident lors de sa grossesse. Depuis sa disparition, elle essaie tant bien que mal de vivre normalement, mais la difficulté d’élever seule un enfant alors que son métier d’infirmière l’empêche d’être souvent à la maison semble être une entrave à son rôle de mère. De plus, son fils Samuel (Noah Wiseman) est des plus turbulents à l’école et est persuadé qu’un monstre est caché dans la maison. Mais un jour, l’arrivée d’un livre intitulé Mister Babadook, sans aucun auteur précisé sur la couverture, va amplifier cette crainte du monstre et Amelia elle-même commencera à ressentir la présence d’une entité maléfique à l’intérieur de la maison.

Avec un très petit budget, en partie financé par les internautes sur Kickstarter, Jennifer Kent fait mieux qu’un remake de sonbabadook Monster, une véritable extension du court. Si le premier jouait surtout sur quelques brefs effets d’épouvante, ce Babadook va chercher à expliquer les origines de la peur, ou du moins à établir des connexions entre le côté dramatique de l’intrigue et l’épouvante. L’auteure  n’hésite pas à laisser une place de choix aux séquences dramatiques, qui ont toutes une importance capitale et qui créent à la fois un portrait psychologique des personnages et l’empathie que le spectateur éprouve pour ceux-ci ; la mort du mari et la peur des monstres sont deux pièces du puzzle minutieusement étudiées et analysées dont la répercussion sur les vies et le mental d’Amelia et Samuel est au centre de tout ce qu’ils entreprennent et entretiennent, les relations humaines en premier lieu, tout cela illustré par des séquences très fortes, notamment entre Amelia et sa sœur.

La découverte du livre fait progressivement basculer le film dans une seconde partie bien plus centrée sur l’horreur, et ce basculement apporte quelque chose d’original et de neuf puisque l’œuvre toute entière cherche à décrire un sentiment. Plusieurs sentiments, en fait, mais qui sont tous savamment connectés pour finalement se rejoindre en une seule et même traduction : le babadookBabadook. Et alors que l’on pouvait s’attendre à une partie horrifique somme toute très basique sinon vue et revue, Jennifer Kent persiste dans l’originalité de sa mise en scène, mais aussi des situations, qui font évoluer les personnages – et, en l’occurrence, celui d’Amelia avant tout – vers quelque chose d’insoupçonné, qui ne ressemble en rien à ce que la cinéaste nous avait présenté au début du film.

Premier effort de long métrage pour Jennifer Kent, Mister Babadook est une œuvre nouvelle dans tous les sens du terme, qui apporte ce dont une grande partie de la production horrifique d’aujourd’hui manque cruellement : de l’authenticité, de la sincérité, de l’originalité et de l’intelligence. La créature peuplera certes vos cauchemars – mais le bouquin est bien plus terrifiant –, renvoyant aux origines du cinéma d’horreur, l’imagerie de Murnau et de Méliès ayant probablement servi de base à son Baba-look. On ne doutait pas que le cinéma d’horreur australien était l’un des plus originaux de ces dernières années – des films aussi divers et variés que Wolf Creek, The Loved Ones, Saw ou Les crimes de Snowtown en sont la preuve –, mais sa visibilité assez réduite à l’intérieur de nos frontières ne permet pas forcément de le découvrir pleinement. Toutefois, avec Mister Babadook, Jennifer Kent frappe un grand coup et livre ce qui est sans aucun doute l’un des films d’horreur de l’année, mais aussi l’un des meilleurs films d’horreur produits en Australie.



A propos de Valentin Maniglia

Amoureux du bis qui tâche, du gore qui fâche, de James Bond et des comédies musicales et romantiques. Parle 8 langues mortes. A bu le sang du Christ dans la Coupe de Feu. Idoles : Nicolas Cage, Jason Statham et Michel Delpech. Ennemis jurés : Luc Besson, Christophe Honoré et Sofia Coppola.


Laissez un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Commentaire sur “Mister Babadook