Labyrinth 1


Cette mini-série longtemps inédite en France a éveillé notre curiosité car elle est réalisé par Christopher Smith, dont nous vous avions longuement parlé à l’occasion d’un dossier sur le phénomène récent de la Brit Horror. Le papa de Creep et Triangle revient, après son dernier film Black Death, à l’époque médiévale, avec ce thriller efficace mais dans un format qui lui convient peu. Après deux ans, Labirynth a enfin eu droit à une diffusion en France, le 12 août dernier sur la chaîne 6ter.

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Da Vinci Code

Après Numbers, Les Piliers de la terre ou encore The Good Wife, la mini-série Labyrinth est le nouveau projet de la société de production de Ridley Scott et de son regretté frangin. Coproduite avec l’Allemagne, tournée en grande partie dans le Sud de la France – ainsi qu’en Afrique du Sud pour la partie studio – ce téléfilm en deux parties réunit une distribution étonnante faisant se côtoyer des acteurs de télévision britanniques à des figures plus reconnaissables du grand public, comme Tom Felton – le Drago Malefoy de la saga Harry Potter –, sans oublier l’immense John Hurt. Adaptation du best-seller du même nom signé Kate Mosse – rien à voir avec la célèbre mannequin cocaïnée –, Labyrinth se déroule sur deux époques dans la cité médiévale française de Carcassonne. En 2012, Alice Tanner (Vanessa Kirby), une archéologue en mission dans la cité pour des fouilles, tombe sur deux squelettes antiques et sur une étrange bague qui lui procure d’effrayante vision du passé. Elle finit par comprendre, mais trop tard, qu’elle vient de déclencher une succession d’événements terrifiants et qu’un ordre religieux très spécial est à ses trousses. Son destin est désormais lié, qu’elle le veuille ou non, à celui que connurent les Cathares, huit siècles auparavant, dans la région de Carcassone. À cette époque, en 1209 plus précisément : Alaïs (Jessica Brown Findlay), une jeune fille de 17 ans, reçoit de son père un manuscrit recelant le secret du Graal. Bien qu’elle n’en comprenne ni les symboles ni les mots, elle sait que son destin est d’en assurer la protection en préservant le secret du Labyrinthe des Croisés qui convoitent le Graal. Les deux quêtes lointaines de 2012 et de 1209 se révéleront indéniablement liées.

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Je vous l’accorde, sur le papier, le truc a quand même vachement la tronche d’un Da Vinci Code au rabais ou d’une saga estivale de TF1 avec Françis Huster et Ingrid Chauvin, des dolmens qui saignent, des trahisons familiales et un tueur dans le Vercors qui marque ses crimes avec les signes du Zodiaque. Il faut avouer que Labyrinth a clairement cette saveur, mais réussit néanmoins à échapper au simple kitsch télévisuel pour deux raisons : d’abord par le talent de son réalisateur, le doué Christopher Smith, qui après son dernier film Black Death revient au thriller médiéval avec brio – il est clairement plus inspiré par la partie médiévale que par la partie contemporaine – et surtout, son budget. Cette production européenne peut faire la fière avec ses 20 millions de dollars pour seulement deux (longs) épisodes. Une économie loin des budgets cinéma – quoi qu’il s’agit de l’un des plus gros budgets jamais confiés à Christopher Smith – mais qui n’a pas tellement à envier au budget de Game of Thrones par exemple – bien que l’on préférera nettement la série de HBO – qui tourne pour « seulement » six millions de dollars par épisode (ce qui la place déjà au-dessus de beaucoup d’autres séries en terme de budget) tout en parvenant à échapper bien davantage à la teinte télévisuelle. Alors certes, tout cela a quand même une sacré tronche de téléfilm, la partie contemporaine notamment, sûrement parce qu’elle rappelle à nous les souvenirs des sagas de l’été françaises avec son unité de lieu et ses plans hélico au dessus des vignes. Mais c’est clairement dans la partie médiévale que Christopher Smith semble le plus concerné, les sujets convoqués – l’extrémisme religieux, les limites du christianisme – faisant irrémédiablement écho à Black Death, à tel point que cette partie de la série et ce film formeraient un diptyque tout à fait convenable. Si Black Death garde la primeur d’un esthétisme un poil plus léché et atmosphérique, la vision de Labyrinth contentera les amateurs de batailles médiévales déçus par leur absence quasi-totales dans le précédent film, ainsi que les fans de Tom Felton, qui troque sa chevelure platine et son look de petit peigne-cul contre des cheveux longs et une allure chevaleresque légèrement plus virile.

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On regrettera toutefois que cette mini-série européenne n’assume pas pleinement son côté cosmopolite et ne rende pas mieux hommage à la France. En effet, les rares références faites à notre pays sont Plastic Bertrand – qui est belge… – et le journal Libération. Smith aurait pu rendre sa série davantage européenne en s’employant par exemple à faire parler tout ce petit monde en français plutôt qu’en anglais – c’est mieux à Carcassonne non ? – Mais on comprendra aisément que d’une part, il est stratégiquement plus évident pour une production de vendre une série à l’international si elle a été tournée en langue anglaise – Luc Besson et Europacorp l’ont d’ailleurs bien compris – et qu’enfin, même si l’on préférera Claire Keim à Vanessa Kirby, parce que la française apparaît toujours au moins une fois à poil, il est toujours plus agréable d’avoir John Hurt dans une série télévisée plutôt que Jean Reno – ça, Luc Besson et Europacorp ne l’ont toujours pas compris. Sans être exceptionnelle, cette mini-série parvient à captiver de bout en bout – son format de deux fois une heure et demie aidant – et à nous donner, surtout, un petit signe de vie de Christopher Smith, qui peine à monter de nouveaux projets depuis que tous ces films depuis Severance (2006) sont restés inédits en salle dans la plupart des pays du monde, dont le nôtre. Lui qui nous expliquait au Festival du Film d’Amiens, où nous l’avions rencontré (lire l’interview), vouloir sortir de la catégorisation de cinéaste d’horreur qui lui collait à la peau depuis le génial Creep (2004), semble avoir trouvé l’échappatoire via un autre genre qu’est le film médiéval. Si ces deux propositions ne sont pas honteuses, on se permettra d’espérer qu’il ne s’enferme pas à nouveau dans une case, car trop de cinéastes talentueux avant lui se sont déjà sacrifiés sur l’autel du genre.


A propos de Joris Laquittant

Sorti diplômé du département Montage de la Fémis en 2017, Joris monte et réalise des films en parallèle de son activité de Rédacteur en Chef tyrannique sur Fais pas Genre (ou inversement). A noter aussi qu'il est éleveur d'un Mogwaï depuis 2021 et qu'il a été témoin du Rayon Bleu. Ses spécialités sont le cinéma de genre populaire des années 80/90 et tout spécialement la filmographie de Joe Dante, le cinéma de genre français et les films de monstres. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/sJxKY


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