La vengeance de Lady Morgan


Autre sortie vidéo du mois d’avril de chez Artus Films, La vengeance de Lady Morgan débarque dans les bacs en exclusivité, puisque ce film d’horreur gothique, sorti fin 1965 sur les écrans italiens, est resté (presque) totalement inédit chez nous.

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Mondo macabro

Massimo Pupillo, c’est un personnage un peu à part dans l’histoire du cinéma bis italien : il a réalisé très peu de films, n’a pas rejoint la réputation ni le succès de Mario Bava ou de Riccardo Freda, et ses longs métrages comportent tous des idées étranges, osées – ce n’est d’ailleurs pas un hasard si cet ex-documentariste proche de Luigi Scattini a activement participé à l’élaboration de Suède, enfer et paradis. Dans sa filmographie assez peu fournie, on compte trois films d’horreur, tous trois sortis en 1965 en Italie (et distribués en DVD en France chez Artus), et c’est avec La vengeance de Lady Morgan qu’il clôt ce triptyque d’horreur gothique. Dans ce film, il relate l’histoire de Susan Blackhouse, noble écossaise, qui épouse Pierre alors qu’elle était promise à Sir Harold Morgan. Pourtant, Pierre est victime d’un accident et tombe dans le coma ; Susan épouse alors Morgan, qui vit dans un château avec ses deux inquiétants domestiques. Ceux-ci, avec l’aide de Morgan, harcèlent Susan jusqu’à la pousser au suicide. Et si Harold Morgan hérite de la fortune des Blackhouse, c’est sans compter sur Susan, bien décidée à revenir d’entre les morts pour se LadyMorgan-02venger.

Pour son troisième gothique, Massimo Pupillo tente une approche d’esthète en travaillant, à l’image d’un Bava, à la recherche du beau dans ce style. Et il est vrai qu’aux premiers abords, le film souffre de la tentante comparaison avec Le masque du démon ou Le corps et le fouet, voire même, si on s’éloigne de Bava, avec Danse macabre (Bruno Corbucci & Antonio Margheriti, 1964) ou Rebecca (Alfred Hitchcock, 1940). Le réalisateur créé une ambiance en jouant sur le clair-obscur, et pour cela, il fait appel au directeur de la photo de l’Othello d’Orson Welles, Oberdan Troiani, qui a surtout travaillé pour un cinéma bis et populaire oublié, mais qui reste néanmoins d’une certaine qualité. Profitant d’un budget un peu plus stretto stretto que ses illustres confrères, Pupillo n’en est pas moins capable d’accoucher d’un beau film. Le vrai problème, c’est le rythme qui n’est pas très soutenu, et qui est souvent accompagné d’une bande originale qui fait partie des moins passionnantes de Piero Umiliani (dont le talent n’avait pourtant d’égal que son quasi-anonymat).

La première partie, qui dure approximativement quarante-cinq minutes, montre le plan machiavélique de Sir Morgan et de ses deux domestiques pour supprimer Susan et disposer de sa fortune : c’est précisément là que le film pêche, car il installe l’intrigue et, par la même occasion, la tension, sans pour autant y réussir vraiment. Il faudra attendre la mort de Susan pour sentir le long métrage démarrer vraiment et oser s’aventurer dans quelque chose de bien plus énorme que ce que le début aurait pu laisser paraître. La seconde partie du film, autrement dit la dernière demi-heure restante, verse de plus en plus dans l’épouvante et le fantastique, en mettant en scène les irremplaçables lieux communs (scène de la crypte, du cimetière…) mais en y apportant quelque chose qui tient de l’audace, grâce à une réinvention de la figure du fantôme gothique dans les dernières minutes du métrage. La belle brune innocente Barbara Nelli (Susan) et la blonde glaciale Erika Blanc – qui a été, cinq ans avant Sylvia Kristel, la première interprète d’Emmanuelle au cinéma, d’après le roman autobiographique d’Emmanuelle Arsan – apportent un charme fou à cette petite production qui profite de la présence de quelques prestigieux artisans du bis.

La vengeance de Lady Morgan n’est sorti en France que sous la forme d’un roman-photo, mais n’a jamais bénéficié d’une projection ; le DVD ne possède donc qu’une seule piste audio italienne avec sous-titres français. Sur les bonus, par contre, Artus Films met encore le paquet, avec une intervention d’Alain Petit sur le film, mais aussi deux entretiens avec Paul Muller, l’un des acteurs fétiches de Jess Franco qui interprète Sir Harold Morgan, et Massimo Pupillo lui-même, qui revient sur son film plus de trente ans après avoir abandonné le cinéma, et presque cinquante ans après l’avoir réalisé. Encore une fois, on est gâtés.


A propos de Valentin Maniglia

Amoureux du bis qui tâche, du gore qui fâche, de James Bond et des comédies musicales et romantiques. Parle 8 langues mortes. A bu le sang du Christ dans la Coupe de Feu. Idoles : Nicolas Cage, Jason Statham et Michel Delpech. Ennemis jurés : Luc Besson, Christophe Honoré et Sofia Coppola.

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