Les vierges de la pleine lune


Autre sortie du mois d’avril chez Artus Films, dans la collection Gothique, comme l’inédit La vengeance de Lady Morgan également chroniqué dans nos pages, Les vierges de la pleine lune est un gothique tardif, qui mise sur les charmes de l’indétrônable Rosalba Neri en comtesse vampire.

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Lesbian vampire killers

Nous sommes en 1972, le film d’horreur gothique est un peu passé de mode en Italie depuis l’arrivée du giallo et du polar transalpin. Pourtant, quelques irréductibles persistent et signent, et c’est le cas de Luigi Batzella, qui signe souvent ses films sous le nom de Paolo Solvay, qui met en chantier une petite production intitulée Les vierges de la pleine lune. C’est l’année de Quatre mouches de velours gris d’Argento et de La longue nuit de l’exorcisme de Fulci ; le film de Batzella sera distribué en mars 1973, à une époque où même Bava est passé à tout autre chose. Et pourtant, ce film qui semble ne pas payer de mine se révèle être une vraie bonne surprise, qui se réfère plus aux œuvres de la Hammer qu’au patrimoine italien qui lui est pourtant propre. Les vierges de la pleine lune relate l’histoire, au XIXe siècle, de Karl Schiller, un professeur allemand qui se met à la recherche de l’anneau des Nibelungen, qui se trouverait en Transylvanie, dans le château de Dracula. Son frère jumeau Franz, aux ambitions et aux intérêts plus personnels, le devance et se rend en premier au manoir, où il est accueilli par la comtesse Dolingen De Vries, veuve de Dracula, et sa servante Lara. Envoûté par la comtesse, Franz ne pourra plus compter que sur son frère pour le Vierges-02sauver de là.

Luigi Batzella est un artisan du bis qui mise plus sur la quantité que sur la qualité, et qui multiplie les métiers (d’abord acteur, puis monteur, scénariste et réalisateur). Son film a, par conséquent, toutes les caractéristiques du sous-produit bis des années 1970 : décors cheap, acteurs cheap, équipe de noms pas très glorieux. Et pourtant, ça marche. Tout ça, mis ensemble, dans ce qu’on devine être un vrai effort, fonctionne très bien, et pourtant, c’était pas gagné. Mark Damon, jeune premier un peu raté que l’on a pu voir dans Les trois visages de la peur de Bava et La chute de la maison Usher de Roger Corman et qui s’est reconverti ensuite comme producteur talentueux (9 semaines ½, Monster, Das Boot, Du sang et des larmes…), donne ici l’une de ses meilleures prestations à travers le double rôle des jumeaux Karl et Franz Schiller, aux personnalités tout à fait opposées. L’atout charme du film est sans conteste (et non pas sans comtesse) la belle Rosalba Neri, que les inconditionnels du cinéma bis italien connaissent et qu’ils ont sûrement – comme moi, en tout cas, on essaie de se rassurer comme on peut – classée parmi les nanas les plus hot de la série B ritale. En plus d’être sanglant, le film offre (une fois n’est pas coutume) quelques plans sexy de Rosalba Neri et la belle brésilienne Esmeralda Barros (toutes les deux ensemble, oui oui), mais si l’on excepte l’argument de la nudité, leur présence marque beaucoup l’ambiance du film.

Ce qui aurait surtout pu faire peur, c’était la figure du directeur de la photographie, Aristide Massaccesi, qui n’est autre que le légendaire Joe D’Amato, icône de l’horreur ritale (reconverti dans le porno jusqu’à sa mort en 1999) dont la filmographie n’est pas seulement plus impressionnante que celle de Jess Franco, elle est aussi plus mauvaise. Egalement coréalisateur (bien que son nom ne soit pas crédité, comme c’était souvent le cas), son travail sur Les vierges de la pleine lune est tout simplement sidérant, et il ne serait pas étonnant que Tim Burton ait vu ce film tant on se surprend à penser parfois à Sleepy Hollow devant la photographie, les décors, les costumes et les personnages. Au milieu du film, une séquence totalement psychédélique scinde le métrage en deux, et on quitte le côté « film de la Hammer au synopsis fourre-tout mal foutu » pour verser dans l’exubérance Vierges-3Ditalienne, qui ne se trouve plus de limites depuis La baie sanglante (Marie Bava, 1971) et les premiers films d’Argento. Le rythme est soutenu (tellement que parfois, on verse dans le drolatique, comme la séquence de séduction entre la comtesse et Franz, entrecoupée brutalement par cinq plans pour le moins inutiles de Karl, fougueux, sur un cheval, accompagné par une musique épique qui recommence sans cesse) et la musique, signée par l’obscur Vasili Kojucharov, sert à merveille le film. Le long métrage de Luigi Batzella n’est certes pas dénué de défauts, bien au contraire, mais le film est indéniablement un produit de qualité qui ose expérimenter, quitte à rendre parfois confus le spectateur, et ne tombe pas dans le piège d’ennuyer dans son expérimentation.

Le DVD d’Artus Films offre le film avec une image impeccable qui recréé avec fidélité les couleurs appuyées des pellicules de qualité moindre utilisées à l’époque, il propose, comme pour Horreurs nazies, le générique français dans le film et le générique original italien dans les bonus, et offre les deux versions audio (français et italien sous-titré). Côté bonus, ce n’est plus une surprise, tout est très bien léché, avec une nouvelle intervention d’Alain Petit sur le film et une interview à ne surtout pas manquer de Rosalba Neri. Un must-see pour votre culture, un must-have pour votre vidéothèque.


A propos de Valentin Maniglia

Amoureux du bis qui tâche, du gore qui fâche, de James Bond et des comédies musicales et romantiques. Parle 8 langues mortes. A bu le sang du Christ dans la Coupe de Feu. Idoles : Nicolas Cage, Jason Statham et Michel Delpech. Ennemis jurés : Luc Besson, Christophe Honoré et Sofia Coppola.

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