Albator, Corsaire de l’Espace 1


Vous n’étiez même pas encore nés mais c’est en 2011 lors du festival d’Annecy que nous autres, misérables occidentaux à l’imagination anesthésiée, avons pu faire face à une réalité à laquelle on ne se serait à peine préparé 15 ans plus tôt. Un film Albator est en cours de réalisation, il sera en full CGI et « d’après la bande-annonce, ça devrait être ASSEZ BIEN ». Alors les japonais savaient ça depuis le Tokyo International Anime Fair de 2010 mais ce n’est pas grave, faisons comme si la nouvelle était inédite. Pour le coup, la réalisation est confiée à Shinji Aramaki qui porte sur ses épaules de petit japonais la difficulté de succéder à Rintaro et Tomoharu Katsumata pour ne citer qu’eux, respectivement responsables des adaptions de Albator 78 et 84 à la télévision.

Albator-Corsaire-de-l’Espace

Atlantis, Ascension

Le voilà ! Albator ! À VOUS ! « Leeuh caapitèèène korsèèèèère » ! Il revient ! Albat-Ouais non. Cette introduction moisie d’une originalité avoisinant le néant, on nous l’a déjà servie lors de l’avant-première et ce n’était pas une bonne chose. Aussi pour vous, lecteurs de qualité (sous réserve que vous n’ayez aucun penchant dérangé pour le cosplay), je commencerai pas le début et terminerai par la fin avec pertinence et bon goût afin d’honorer quelqu’un qui le mérite. Non, pas votre mère, mais plutôt Albator. Je crains ne pouvoir échapper à un paragraphe résumant ce que l’on sait d’Albator en France pour situer un peu le contexte, j’aurais préféré commencer par la conclusion pour la blague mais que voulez-vous. Albator, blablabla, vague de premiers dessins animés importés du Japon, blablabla, violence, Ségolène Royal, blablabla, tout ça vous n’aurez qu’à aller sur Wikipédia si vous voulez en savoir plus, ce n’est que du détail. Non, ce par quoi j’aimerais commencer, c’est aborder (le bon mot) la particularité de la saga Albator afin d’expliquer un aspect développé par le film dont je vous parlerai bien évidemment. Si vous avez eu une jeunesse normalement remplie, vous avez dû regarder la télé et donc être abreuvés de dessins animés de bon goût parmi lesquels Albator 78 ou 84, ces deux séries ayant bénéficié de rediffusions sur France 3, sous Chirac. Et bien sachez que l’univers de Leiji Matsumoto, l’auteur de la bande dessinée originale, comporte de nombreuses autres séries, aujourd’hui toutes disponibles en DVD. Il y a donc Albator 78 et Albator 84, Harlock Saga (1999, Albator chez Wagner), Captain Herlock Endless Odyssey (2002, le retour de Richard Darbois), Gun Frontier (2002, Albator chez Sergio Leone), etc. Aucun ne s’inscrit sur une même ligne temporelle ou la moindre frise chronologique ; un peu à la manière des différents opus de la saga Zelda, chaque série d’Albator appartient à son propre univers en faisant appel à la bonne feinte de la boucle du temps qui permet à Leiji Matsumoto de créer différentes histoires sans se soucier de la moindre cohérence albator-corsaire-de-lespace-en-animation-3dchronologique. L’exemple des différents Zelda est valide, mais je suppose que cela fonctionne sensiblement de la même manière avec les multiples univers chez DC ou Marvel.

Bref, venons-en au film, voulez-vous. Encore une fois, le film débute comme les autres séries, c’est à dire en faisant l’état d’un système solaire dans lequel l’espèce humaine a décidé de frapper un grand coup pour atteindre leur objectif se résumant à l’épuisement de la planète Terre. 500 milliards c’est définitivement beaucoup et pendant que de nombreuses colonies habitent des planètes peu propices à la survie, la Coalition Gaia s’est installée sur la planète bleue en en contrôlant rigoureusement l’accès et en la transformant en un havre de paix pour les nantis et l’élite de l’espèce humaine. Un genre de 7ème arrondissement futuriste, où les crottes de chien s’évaporent avant d’entrer en contact avec le trottoir et où les toilettes vous lavent le cul, en somme. Pas de bol, Albator est déclaré persona non grata en bon pirate qu’il est, trituré par l’injustice d’une telle situation. L’aventure commence lorsque Yama intègre l’équipage d’Albator, alors de passage sur sa planète de péquenauds. Le jeune homme se révèle être un agent infiltré pour le compte de la coalition Gaia ayant pour mission d’assassiner Albator ayant pour projet de … eh bien… casser l’univers. L’idée est de disposer 100 explosifs selon des coordonnées bien précises au quatre coins de l’univers est de tout faire péter pour que l’humanité reprenne un nouveau départ, puisque visiblement pour l’instant, « c’est mal barré ». Là, c’est pour le résumé. Si vous êtes venu ici pour prendre une décision quant à aller voir ou non Albator au cinéma, voici ma réponse, car après nous allons aborder des éléments développés par le film et cela pourrait gâcher votre surprise. Allez-y, je vais vous expliquer certains problèmes du film avant d’aborder ses qualités mais dans l’ensemble, le résultat est positif, ce film occupe une place parfaitement légitime au sein de l’œuvre dans sa globalité et mérite parfaitement votre attention dès lors que vous aurez apprécié un tant soit peu Albator 78, 84 ou n’importe quelle autre.

Bref, reprenons parce que j’ai envie de me débarrasser des points qui fâchent. Des films issus de l’œuvre de Leiji Matsumoto, il y en a plusieurs, un centré sur Albator, un seul (que je n’ai pas encore vu) si l’on omet « l’Atlantis de ma Jeunesse » correspondant au début de Albator 84. Autrement dit, Albator, ça a toujours été des séries plus ou moins longues, mais sur le plan narratif on ne subit pas les grosses ficelles de la même façon. En effet, le coup du jeune moussaillon qui intègre l’équipage par nécessité ou par conviction, qui débarque pour buter Albator puis qui se ravise et devient un compagnon fidèle, on est habitués. Le coup des méchants qui parviennent à semer le doute au sein de l’équipage aussi, sauf que le rythme des différentes séries s’apparente plus à un space opéra posé où rien ne se précipite. Le film a déroulé en deux heures un arsenal de grosses ficelles et de trucs de scénaristes qui suscitent depuis quelque temps déjà l’hilarité quand un RPG ou une série animée les ressort en faisant mine d’être malin. Le héros dont les flashbacks interviennent au moment où le scénario exige qu’il change de bord, l’affinité entre d’autres assez versatile pour pouvoir bricoler des plot-twists à partir de rien, des prétextes un peu confus pour expliquer la mort d’untel, bref, on esquisse souvent un sourire poli devant certains retournements de situations comme si le scénariste se trouvait à côté et implorait qu’on le félicite.

albator-corsaire-de-l-espace-space-pirate-captain-harlock-25-12-2013-3-gDe plus, à cette histoire finalement commune et bébête s’ajoute un défaut symptomatique de ces œuvres affichant plusieurs décennies au compteur que l’on chercher à moderniser pour une diffusion à notre époque. Et là pour le coup, ce fut de retravailler un chara-design unique à son auteur et de ne conserver l’aspect original que d’une poignée de personnages. (Albator ne change pas, pareil pour Yama, Alfred et Tochiro tandis que Kei et Mimay sont ridiculement hyper-sexualisées pour des raisons auxquelles nous sommes hélas habitués) : je ne sais pas pour vous, mais j’exècre le genre de film d’animation en images de synthèse japonais, celui qu’il faut subir dans la plupart des jeux vidéo de ces dernières générations, parfaitement illustré par le chara-design des Final Fantasy post-VII par exemple. Ces personnages ridiculement lisses avec des regards niais et des coiffures nazes. Cet aspect conjugué à une histoire plan-plan et une façon de surjouer bien typique des doubleurs japonais (je déteste) fait que finalement, seul Albator et ses compagnons parviennent à nous intéresser. C’est con, parce que des bons méchants et des personnages secondaires charismatiques dans les séries, il y en a des tas. C’est d’autant plus dommage que le design des villes, des vaisseaux, des armes et armures est parfait : on retrouve ce côté kitsch des années 78 cette fois-ci avec un côté cradingue qui donne du vécu à tout cet arsenal, un peu comme quand les bidonvilles et blasters rouillés de Star Wars IV donnaient vraiment l’impression d’atterrir au milieu du récit, d’une longue fresque, dans un univers qui a vécu avant le film. L’arcadia est majestueux et diffère de ses différentes apparitions dans les autres séries : ce n’est plus seulement un concentré de technologie de pointe, c’est désormais une forme d’alliage entre l’électronique, la machinerie et l’organique puisque le film souhaite avant tout aborder (haha) le Capitaine et son équipage comme des reliques maudites, des navigateurs fantômes dont il faut se débarrasser. C’est une proposition assez inédite que l’on accueille à bras ouverts dans la mesure où le développement du capitaine Albator l’est tout autant.

Ce qui est surprenant, et finalement paradoxal quand je repense au mal qu’il y a dire du chara-design, c’est la plastique du film. Merde à la fin, on en vient à pardonner ces niaiseries de « oh, elle m’aimait et même après sa mort elle me vient en aide » juste parce que 30 secondes après, l’Arcadia sort d’un nuage de matière noire, déploie ses canons et atomise une armada de la coalition Gaia dans un spectacle d’effets de lumière et de CGI magnifique parfaitement desservies par un sound-design de folie. Au passage, celui-ci m’a particulièrement perturbé quand les blasters des personnages dégageaient un genre de détonation au lieu d’un « pew  pew pew » qu’on est en droit d’attendre dans un film de SF, mais passons. Déjà dans les anciennes séries, les batailles spatiales étaient systématiquement les moments forts des épisodes, l’Arcadia est le vaisseau le plus classe de l’Histoire et le film ne manque pas de le rappeler tant les scènes à son honneur sont grandioses. Des manœuvres de déplacement supraluminique aux affrontements, le spectacle est impressionnants, après tout c’est bien là ce que nous vendait la bande annonce de 2011. En fait, le plus gros manque de toute cette affaire, ce sont inévitablement les musiques d’Eric Charden ou des thèmes marquants (genre marquants, MARQUANTS) comme le thème de l’Atlantis dans Albator 84. On s’en passe car il faut bien s’y résoudre, mais du coup on ressort du film sans le moindre petit air ALBATOR(680x380)à fredonner, c’est un brin dommage, d’autant plus que la musique fait son boulot mais sans le transcender.

Finalement, ce qui est le plus intéressant dans Albator, Corsaire de l’Espace, c’est qu’il livre également un point de vue sur la fameuse théorie de la boucle du temps. Ou plutôt, il la complète. Ou alors, il la contredit. Ou alors, peut-être qu’il s’y plie en essayant d’y échapper, ça dépend des points de vue. Dans cette version, le capitaine Albator est un personnage qui a commis des erreurs, qui ne communique pas réellement le fond de sa pensée et dont les reproches le torturent au point de vouloir faire table rase d’un univers où ses erreurs sont irréparables : “J’étais un peu deg’ alors j’ai cassé la Terre, démerdez-vous avec la matière noire, salut”. Plus clairement, ce n’est pas le personnage parfait dont les actions sont toujours guidées par de nobles projets, qui ne commet aucune erreur de jugement et qui parvient sans réelles difficultés à tout ce qu’il entreprend. À la fin du film, celui-ci se repentit en admettant son erreur et en faisant quelque chose d’inédit dans l’histoire d’Albator : Il fait de Yama le nouvel Albator. On pourrait s’imaginer que Harutoshi Fukui et Kiyoto Takeuchi (les scénaristes) ont décidé de proposer une explication à la ressemblance systématique entre ce moussaillon toujours recueilli à bord de l’Arcadia/Atlantis au début de chacune des séries et Albator. Blessé au combat, Albator désirant se retirer de cette vie de débauche pour expier ses pêchés, Yama devient donc le nouveau Capitaine, arborant la même coupe de cheveux, il ne lui reste donc qu’à enfiler le fameux cache-oeil pour devenir peut-être le prochain Albator d’une prochaine série. C’est même assez osé comme proposition, même si finalement elle est balayée dès lors que l’on part du principe que ce film se déroule dans un énième univers et que ce qui y est raconté n’est valable que dans celui-ci.

Malgré de terribles ressorts scénaristiques dont on se demanderait presque s’ils ont un sens, Albator évite l’écueil de l’adaptation facile que l’on était en droit de craindre durant ces deux ans. D’ailleurs, il aurait été stupide de s’en offusquer, on ne regarde pas un épisode d’Albator en attendant le messie du thriller spatial (j’invente des genres et je vous merde), on vient pour des moments de bravoure grands comme ça, des affrontements DANS L’ESPACE, des vaisseaux qui puent la classe et le pirate le plus stylé de l’histoire de la fiction. De plus, Albator n’est pas qu’une simple adaptation que l’on aurait simplement pu prendre comme un cadeau fait aux grands enfants attardés que nous sommes, il ressuscite sous une certaine forme une mythologie, une Œuvre en faisant plus que de s’en inspirer, en la complétant.

Nicolas Dewit


A propos de Nicolas Dewit

Maître Pokémon depuis 1999, Nicolas est aussi champion de France du "Comme ta mère" discipline qu'il a lui même inventé. Né le même jour que Jean Rollin, il espère être sa réincarnation. On sait désormais de source sure , qu'il est l'homme qui a inspiré le personnage du Dresseur "Pêcheur Miguel" dans Pokemon Rouge. Son penchant pour les jeux vidéoludiques en fait un peu notre spécialiste des adaptations cinématographiques de cet art du pauvre, tout comme des animés japonaises pré-Jacques Chirac, sans vraiment assumer. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/rNYIu


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